Lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages : les Nations Unies adoptent une résolution historique

Le rhinocéros, victime du braconnage pour sa corne<br />© naturepl.com / Mark Carwardine / WWFFace à l’aggravation sans précédent de la criminalité liée aux espèces sauvages, les Nations Unies ont adopté aujourd’hui une résolution historique engageant tous les pays de la planète à redoubler collectivement d’efforts pour mettre un coup d’arrêt au braconnage et enrayer un commerce illégal des espèces sauvages.

Initiée par le Gabon et l’Allemagne et soutenue par 70 autres pays dont la France (liste complète des pays disponible en pièce jointe), la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, intitulée Tackling the Illicit Trafficking in Wildlife – en français Surveillance du trafic des espèces sauvages – est le fruit de trois années d’efforts diplomatiques à l’issue desquelles les pays ont, pour la première fois, reconnu sans exception la gravité de la criminalité liée aux espèces sauvages et le besoin urgent de joindre leurs forces pour la combattre.

Selon Marco Lambertini, Directeur général international du WWF, « La résolution des Nations Unies marque un tournant dans la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, est une grande menace aussi bien pour un grand nombre d’espèces, que pour la sécurité nationale et le développement durable.  A quelques semaines de la réunion des Nations Unies destinée à finaliser les Objectifs du développement durable, cette résolution prouve que la criminalité touchant la vie sauvage n’est plus simplement une question environnementale limitée à une poignée de pays. Chaque pays s’est engagé à agir contre la menace croissante que fait peser le crime organisé lié aux espèces sauvages sur le développement durable ».

Comme en témoignent l’effondrement des populations d’éléphants au Mozambique ou en Tanzanie et le nombre record de rhinocéros abattus en Afrique du Sud au cours de ces dernières années, le braconnage porte directement atteinte aux efforts de conservation menés à l’échelle mondiale. La résolution des Nations Unies fait état des impacts de la criminalité liée aux espèces sauvages, qui au-delà de nuire à la bonne gouvernance, à l’Etat de droit et au bien-être des communautés locales, contribue aussi au financement des réseaux criminels et des conflits armés.

Reconnaissant que seule une approche globale peut infléchir la situation actuelle, les 193 Etats membres des Nations Unies se sont entendus pour approfondir la coopération régionale et internationale d’un bout à l’autre de la chaîne du commerce illégal des espèces sauvages, notamment en prenant des mesures visant à juguler le braconnage et les trafics qui y sont liés, ainsi qu’à réduire la demande. Au-delà du renforcement des procédures judiciaires et de l’application des lois, la résolution encourage les pays à mobiliser activement les communautés locales dans la lutte contre le commerce illicite en élargissant leurs droits et leur capacité à gérer les ressources sauvages et à en tirer des bénéfices.

Selon Elisabeth McLellan, Responsable internationale de l’Initiative contre la criminalité liée aux espèces sauvages au WWF, « Le Népal a déjà prouvé que cette approche globale fonctionnait, puisqu’aucun cas de braconnage de rhinocéros n’a été relevé dans le pays depuis 2011, et ce grâce à la combinaison d’une volonté politique au plus haut niveau, de gardes dévoués et à une véritable participation communautaire.
Si les pays mettent en œuvre la résolution dans son intégralité, la criminalité liée aux espèces sauvages deviendra beaucoup plus risquée et beaucoup moins intéressante. Le puissant mécanisme de suivi prévu par la résolution doit faire en sorte que de réels progrès soient accomplis et que toute faille critique soit comblée efficacement 
».

Attirés par des risques relativement faibles et des rendements élevés, les réseaux criminels organisés ont fait irruption dans le commerce illégal des espèces sauvages en y important leurs méthodes de braconnage et de trafic plus sophistiquées, mais aussi en alimentant la violence et la corruption. C’est pourquoi, la résolution met l’accent sur la nature transnationale et organisée des crimes affectant l’environnement et insiste sur la nécessité que les Etats luttent contre la corruption et combattent le blanchiment d’argent associé à cette forme de criminalité.

A compter de 2016, le Secrétaire général de l’ONU sera chargé de présenter un rapport annuel consacré à la criminalité mondiale liée aux espèces sauvages et à l’état d’avancement de l’application de la résolution par les pays, mais aussi de formuler des recommandations en vue de nouvelles actions. Quant à l’éventuelle désignation d’un envoyé spécial, déjà mise à l’ordre du jour de l’année prochaine, elle apparaît, aux yeux du WWF, comme un outil permettant d’assurer une large sensibilisation et d’aider à obliger les Etats à rendre compte de leurs engagements.

« Ces dernières années, le WWF a joué un rôle clé dans l’évolution des attitudes à l’encontre de la criminalité frappant les espèces sauvages au niveau international, en mettant en relief son impact sur les communautés et sur le déclin des populations d’éléphants, de rhinocéros, de tigres et d’autres espèces. Pour le WWF, la priorité va dorénavant consister à aider les pays à accomplir la part de travail qui leur revient pour mettre en œuvre la résolution et contribuer à faire disparaître une bonne fois pour toutes le fléau planétaire que constitue la criminalité liée aux espèces sauvages », a souligné Marco Lambertini, Directeur général international du WWF.

 

Notes à la rédaction :

Le WWF et TRAFFIC ont lancé l’Initiative de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages en 2014 à la suite de leur campagne conjointe contre le commerce illégal des espèces sauvages qui, depuis ses débuts en 2012, a suscité un élan sans précédent et une volonté politique à haut niveau. La résolution des Nations Unies présentée aujourd’hui, jeudi 30 juillet 2015, s’appuie sur u
ne série de grandes déclarations internationales portant sur le commerce illégal des espèces sauvages, notamment les Déclarations de Paris (2013), de Londres (2014), de Kasane (2015) et de Brazzaville (2015).

Un nombre record de citoyens se sont exprimés en faveur de la protection de la nature en Europe

Campagne #NatureAlert<br />© Wild Wonders of Europe / Staffan Widstrand / WWF

Mobilisation historique : près de cinq cent mille personnes (chiffre mis à jour sur https://www.naturealert.eu/en (1)) demandent le maintien des directives « Habitats-Faune-Flore » et « Oiseaux » en réponse à la consultation publique lancée par la Commission européenne. A titre de comparaison, la consultation ayant recueilli le plus grand succès à ce jour était celle sur le Traité Transatlantique avec 145 000 signatures. Il s’agit là d’un véritable record témoignant de la capacité des citoyens européens à se mobiliser pour la nature.

 

Une forte mobilisation

Suite à la décision de la Commission européenne d’évaluer l’intérêt de réviser ou non les directives « nature » qui encadrent la protection de la biodiversité en Europe, les principales ONG environnementales européennes, relayées en France par FNE, la LPO et le WWF France, ont lancé en mai une campagne intitulée « Nature Alerte » visant à maintenir ces législations. Leur révision pourrait en effet conduire à un inquiétant recul pour la biodiversité européenne. 

Outre les 500 000 citoyens qui se sont exprimés, plus de 120 ONG environnementales ont envoyé un message aux décideurs européens : ces deux piliers de la protection de la nature en Europe ne doivent pas changer !

 

Pourquoi maintenir en l’état ces directives ?

Les directives Oiseaux et Habitats protègent plus de 1 000 espèces, 230 habitats naturels et plus de 27 000 sites naturels en Europe. On leur attribue la préservation d’espèces emblématiques telles que le vautour, le pygargue à queue blanche ainsi que les phoques (2). Grâce à ces directives, l’Union européenne abrite aujourd’hui le plus grand réseau de sites naturels protégés, les sites Natura 2000, qui couvrent presque un cinquième de son territoire (environ 12,5% en France). 
 

Des données scientifiques (3) montrent que ces directives protègent efficacement les espèces et les habitats menacés et contribuent au développement socio-économique des communautés locales et des régions. 
 

En parallèle de la consultation publique (4), la Commission européenne a sondé de multiples intervenants, parmi lesquels, les autorités nationales, les exploitants agricoles, les ONG environnementales dont FNE, la LPO et le WWF France ainsi que les acteurs économiques. L’immense majorité s’accorde sur l’importance d’améliorer leur mise en œuvre au niveau national et d’augmenter les financements consacrés à la préservation de la biodiversité. 
 

A l’exception de quelques acteurs dans le secteur agricole, des associations de propriétaires forestiers privés et le lobby de la pêche industrielle, très peu d’acteurs interrogés contestent ou demandent la révision des directives.
 

L’industrie du ciment, les fournisseurs d’électricité, l’agriculture biologique ou encore le tourisme font partie des secteurs qui soutiennent les directives.
 

 

La suite de la campagne

Si les résultats de la consultation seront probablement publiés à l’automne 2015, l’avenir des directives devrait être officialisé d’ici juin 2016.
 

FNE, la LPO et le WWF France poursuivent cette campagne pour garantir que la législation européenne préservant la biodiversité reste cohérente, ambitieuse et au niveau des enjeux. D’autant plus qu’au moment du sommet mondial pour le climat à Paris, il serait choquant que l’Union européenne enclenche une régression du droit lié à la protection de la biodiversité alors que les études montrent qu’une nature préservée permet d’atténuer les effets du changement climatique.

 

Notes :

1. Créé par BirdLife, le Bureau Européen de l’Environnement, les amis de la Terre et WWF Europe.

2. http://d2ouvy59p0dg6k.cloudfront.net/downloads/natura2000_factsheet_final.pdf 

3. http://www.birdlife.org/sites/default/files/attachments/Evidence%20Fitness%20Check%20Stichting%20BirdLife%20Europe.pdf, WWF Evidence Gathering Questionnaire for the Fitness Check of the Nature Directives, https://www.foeeurope.org/sites/default/files/biodiversity/2015/evidence_gatheringquestionnaire.pdf, http://www.eeb.org/?LinkServID=A2CBB4DC-5056-B741-DB496CBE02F8BB32&showMeta=0&aa

4. http://ec.europa.eu/environment/nature/legislation/fitness_check/evidence_gathering/index_en.htm

 

Quelques données scientifiques :
 

Pourquoi les directives sont très efficaces :

  • Les oiseaux figurant dans l’annexe 1 de la directive Oiseaux sont mieux protégés au sein de l’Union européenne qu’en dehors ;
  • Les directives ont permis de préserver l’ensemble des espèces et pas uniquement celles inscrites dans les annexes des directives
Les directives ont démultiplié les efforts de préservation de la biodiversité européenne: les espaces protégés sont passés de 8 à 18%.
Les directives ont permis de sauvegarder des espaces, comme la vallée Rospuda en Pologne et Kresna Gorge en Bulgarie.
Il y a de nombreuses preuves que les directives génèrent des bénéfices notoires et engendrent des coûts dérisoires.
  • On estime que le réseau Natura 2000 génère 200 à 300 milliards d’euros de bénéfices chaque année.
  • Un euro investi dans le réseau Natura 2000 génère 7 fois plus d’emplois qu’un euro investi dans la Politique Agricole Commune.
  • La réglementation environnementale dans l’Union européenne génère moins d’1% des frais admi
    nistratifs.
Une mauvaise mise en œuvre des directives au niveau des Etats membres et un manque de financement sont les principaux freins des directives.
  • Seulement 20% des besoins de financement sont actuellement couverts.
  • Plusieurs douzaines de sites ont été détruits par laxisme des autorités : en témoignent divers travaux en Italie et la destruction de prairies en Allemagne.

Les données scientifiques diffusées par la Commission sont consultables sur : http://ec.europa.eu/environment/nature/legislation/fitness_check/evidence_gathering/index_en.htm