Eviter les pires impacts du dérèglement climatique

PLAN D'URGENCE CLIMAT 2015-2020APPEL DU WWF VERS LA COP21<br />© Global Warming Images / WWF

Le WWF appelle à la préparation d’un plan d’urgence pour 2015-2020 vers la COP21

Alors que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) conclut aujourd’hui dans son rapport[1] que les contributions des pays vers la COP21 ne permettront pas de contenir l’augmentation de la température moyenne mondiale en-dessous du seuil des 2°C, le WWF appelle les gouvernements à préparer un plan d’urgence pour les cinq prochaines années.
 
Selon l’AIE, les contributions nationales de réductions des émissions de GES déposées à ce jour par 39 pays sur les 196 conduiraient à une augmentation de la température moyenne mondiale d’environ 2,6°C d’ici 2100 et 3,5°C après 2200 entrainant un dérèglement climatique majeur.
 
Pour tenir la « ligne de défense des 2°C  » qui permettra de limiter les impacts sur la planète et l’humanité, le WWF demande aux gouvernements de se mobiliser pour arrêter, d’ici la conférence climat de Paris, les modalités et les engagements d’un plan d’urgence pour la période 2015-2020.
 
Le WWF souhaite que ce plan intègre les axes suivants :

  1. L’accélération du déploiement des énergies renouvelables avec un objectif de 25% de la consommation énergétique mondiale ;
  2. Le renforcement des mesures d’efficacité énergétique avec un doublement du taux d’efficacité énergétique pour atteindre 2,4% par an ;
  3. La protection des forêts et de l’usage des terres ;
  4. Le financement de la lutte contre le changement climatique : une feuille de route claire vers les 100 milliards de dollars et un retrait des soutiens à l’industrie du charbon estimés à 73 milliards de dollars.

Parce qu’il a pour objectif de relever l’ambition climatique avant 2020, ce plan d’urgence pourrait aller dans le sens des récentes annonces du G7 concernant la décarbonation de l’économie et des propositions faites par les pays lors de la session de Bonn pour rattraper le retard pris dans l’action.
Alors que ces prochaines semaines seront clefs au niveau politique pour avancer sur l’intégration de l’ambition avant-2020 dans l’accord de Paris, le WWF appelle la future présidence française à porter cette urgence dans la préparation de la conférence.
Au-delà des acteurs gouvernementaux, le WWF appelle l’ensemble de la société à se mobiliser et à coopérer pour la mise en œuvre d’un tel plan d’urgence climatique. En ce sens, l’agenda de l’action Lima-Paris animé depuis la conférence de Lima par la France, le Pérou, le secrétariat de la CCNUCC et le Secrétariat général des Nations Unies, doit aboutir à des propositions clefs autour de 10 thématiques lors de la COP21.
#UrgentPlan

Conférence climat de Bonn : de timides avancées vers l'accord de Paris

UN Climate Change Conference<br />© Paris Climat 2015

Les négociations onusiennes qui viennent de prendre fin à Bonn ont permis de faire quelques progrès en vue de la conférence de Paris : pour la première fois, tous les pays se sont accordés sur la nécessité de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dans les cinq prochaines années et les discussions techniques sur le programme REDD+ ont pris fin. Malgré ces progrès, il est clair que les négociations sur le climat ne sont pas encore sur la bonne voie pour contenir l’augmentation de la température moyenne sous le seuil des 2°C.

Selon Samantha Smith, directrice de l’initiative mondiale Climat et Énergie au WWF, « Après des négociations difficiles, tous les pays ont déclaré qu’il fallait relever le niveau d’ambition des réductions de gaz à effet de serre d’ici 2020. C’est un signal fort qui va dans le sens des scientifiques qui indiquent que le pic des émissions mondiales doit avoir lieu au plus vite pour limiter les pires impacts du changement climatique. C’est aussi significatif comme avancées, sachant que les engagements des pays en matière de financements et de réductions d’émissions restent encore bien en-deçà des niveaux requis. Aujourd’hui et d’ici la conférence de Paris qui réunira les décideurs du monde entier, les discussions doivent s’accélérer et les négociateurs se voir confier des mandats plus forts. Les pays doivent être prêts à rentrer dans le vif des négociations en août pour la prochaine session de négociations.»

Selon Pierre Cannet, responsable de programme Climat, Energie et Infrastructures durables au WWF France, « En tant que future présidence de la COP21, la France doit veiller à ce que les sujets épineux des négociations soient davantage portés aux niveaux politiques. Il n’y aura pas d’Alliance de Paris si les pays remettent à cinq ans plus tard leur ambition climatique. »
 

Retour sur les avancées de la session de Bonn de juin

Réduction des émissions de gaz à effet de serre avant 2020
Tous les groupes de pays (Union européenne, AOSIS, G77, Ombrelle, Groupe de l’intégrité environnementale) ont présenté des propositions sur la manière de réduire le retard pris dans l’action des pays ces cinq prochaines années et appelé à des décisions ambitieuses sur ce plan de court terme à la conférence climat de Paris. 

Travail sur le projet de texte de l’accord de Paris
A Bonn, les pays ont réorganisé et simplifié le long projet de texte. Ce travail rendra la tâche plus facile aux ministres qui devront, sur cette base, donner une orientation politique aux négociations. 

Lutte contre la déforestation et la dégradation des terres (REDD+)
REDD+ vise à réduire les émissions liées à la déforestation et la dégradation des terres. Le processus technique a pris fin cette semaine pour passer maintenant au niveau institutionnel. Les gouvernements doivent maintenant trouver les financements nécessaires à la mise en place de ces programmes.

Dialogue d’experts sur la revue scientifique sur l’objectif de long terme (SED)
Le processus SED a réalisé une revue de l’objectif de 2°C, encourageant un rapprochement vers un objectif plus ferme de 1,5°C. Cet objectif de 1,5°C constitue déjà un point de non retour pour les pays insulaires et vulnérables, seuil à partir duquel ils devront faire face à des pertes et dommages des impacts du dérèglement climatique.

Exprimez-vous contre l’effarouchement de vautours fauves en Savoie !

Le préfet de la Savoie soumet à la consultation du public un projet d’arrêté autorisant des opérations d’effarouchement des vautours fauves situés à proximité des troupeaux en estive. Le projet d’arrêté est consultable ICI. Le rapport de présentation (très instructif) est consultable ICI. Vous pouvez … Lire la suite

Pêche illégale : enjeux et solutions

 <br />© Brian J. Skerry / National Geographic Stock / WWF

Tribune initialement publiée sur « Idées pour le développement », le blog de l’Agence Française de Développement

Evaluée à environ 20% des captures mondiales, soit entre 11 et 26 millions de tonnes, la pêche illégale ou pêche INN (Illicite, Non Déclarée et Non règlementée) représente une perte de 10 à 23 milliards d’euros chaque année au niveau mondial.

Outre ce constat économique, ces pratiques illégales mettent définitivement en péril les mesures de gestion et de conservation en place, la sécurité alimentaire et les conditions de vie des communautés. Lutter contre la pêche illégale, c’est donc promouvoir le développement environnemental, social et économique.

Un véritable facteur de déséquilibre

Si la pêche illégale constitue une véritable menace environnementale en épuisant les stocks halieutiques mondiaux et en menaçant les écosystèmes marins, en mettant à mal les mesures de protection et de reconstitution mises en place, elle crée en outre de graves déséquilibres économiques et sociaux.

Disposant de plus faibles coûts d’exploitation que les pêcheurs agissant dans le respect des lois, les opérateurs illégaux engendrent tout d’abord une forte distorsion de la concurrence, impliquant une baisse des captures, des revenus et des emplois au sein des groupements pratiquant une pêche légale. En surexploitant et en épuisant les ressources, ils menacent ensuite l’existence même du secteur.

Ces conséquences sont d’autant plus lourdes dans les régions du monde où la pêche constitue la principale source de revenus et source de protéines animales. Aujourd’hui, la pêche fournit des emplois à 60 millions d’individus dans le monde dont 84% en Asie et plus de 10% en Afrique.[1].

Dans certains pays en développement tels que le Bangladesh, le Cambodge ou le Ghana, le poisson peut représenter plus de 50% de l’apport en protéines animales  (25% en moyenne dans les pays les plus pauvres ; 90% dans les zones côtières et petits Etats insulaires).  Les acteurs pratiquant une pêche illégale menacent donc directement ces emplois, avec une perte de revenus pour les pêcheurs et leur famille qui en vivent et la sécurité alimentaire des populations qui en dépendent pour leur subsistance.  Autre conséquence sociale de ces pratiques : c’est aussi dans ces régions que ces acteurs se fournissent en main d’œuvre à bas coût qu’ils exploitent dans des conditions parfois proches de l’esclavage.

Des pratiques rentables

Pratiquée par tous les types de navires, quelle que soit leur immatriculation, leur origine, leur taille ou leur état, particulièrement présente en haute mer, loin des regards, la pêche illégale est malheureusement rentable et même favorisée par plusieurs facteurs :

  • La surcapacité de pêche tout d’abord. Il existe en effet un réel déséquilibre entre les capacités de pêches et les ressources disponibles dans le monde. Les quotas diminuent mais pas les capacités des navires.
  • L’absence de règlementation sur certaines zones maritimes, Au-delà de 200 miles nautiques des Etats côtiers, l’océan devient un patrimoine commun dont la gestion ne dépend d’aucune responsabilité spécifique.
  • Peu de surveillance, sanctions limitées, corruption des administrations, faible gouvernance de certains Etats… la mise en application insuffisante ou inefficace des réglementations nationales et internationales s’ajoute aux zones de non droit.
  • Certains mécanismes fiscaux (paradis fiscaux, joint-venture, pavillon de complaisance, investissements étrangers) favorisent en outre les opérateurs illégaux.
  • Une gouvernance locale faible avec des bas salaires qui attirent les opérateurs illégaux, l’absence ou la mise en œuvre limitée de normes relatives à la gestion de la capacité de pêche.
  • Les subventions à la pêche octroyées par exemple par l’Union européenne qui favorisent la surcapacité ainsi que la forte demande du marché pour certaines espèces à haute valeur ajoutée (légine, thon rouge) entretiennent enfin grandement les pratiques illégales de la pêche.

 

Des règlementations existantes nécessitant de véritables applications

Déclarations et engagements, règlementation européenne, accords internationaux de la FAO… de nombreuses mesures ont le mérite d’exister mais ne sont que partiellement mises en œuvre.

En 2013, l’ONU appelait à un nouveau partenariat mondial vers l’éradication de la pauvreté et la transformation des économies par le biais du développement durable afin de « mettre en œuvre des pratiques agricoles et de pêche en mer ou en eau douce durables, et reconstituer tous les stocks halieutiques désignés à des niveaux viables »[i]. La déclaration commune sur la pêche INN, signée en 2011 par la Commission européenne et le gouvernement des USA soulignait également la portée mondiale des conséquences environnementales et socioéconomiques dévastatrices de la pêche illégale.

Mais cette prise de conscience des enjeux et risques liés à la pêche INN n’est pas globale. La Chine, notamment, demeure la grande absente des négociations. La complicité des autorités chinoises est d’ailleurs reconnue que ce soit en matière de captures sous-déclarées par les administrations, de flotte répartie sur tous les océans sans contrôle réel, de recours réguliers aux pavillons de complaisance, de manque de sanctions ou de non-respect des droits de l’homme. Rappelons que la Chine est le plus gros exportateur et producteur mondial du secteur et fait partie des sources principales d’approvisionnement de l’Europe.

Les outils économiques, de contrôle des imports et de coopération de l’Union européenne sont quant à eux – et heureusement ! – relativement efficaces. Les sanctions économiques fortes poussent les pays tiers exportateurs à se mettre à niveau en termes de lutte contre la pêche illégale. Il subsiste cependant des lacunes dans ce système sur le contrôle des pavillons de complaisance et des flottes lointaines, l’opacité des processus d’évaluation des pays tiers et notamment sur la question d’équité entre pays évalués (les enjeux diplomatiques diffèrent d’un pays à l’autre). Nous pouvons y ajouter également les difficultés de certain
s Etats à atteindre le niveau d’exigence et les possibilités de fraudes autour du certificat de capture.

Enfin, les différents accords internationaux de la FAO dépendent du bon vouloir des Parties à ces accords. Le niveau et la qualité des informations transmises varient énormément d’un pays à l’autre et leur mise en place est complexe car elle demande un réel investissement financier et humain de tous les acteurs.
 

Quelles solutions pour une meilleure gestion des ressources ?

Aujourd’hui, 61,3 % des stocks halieutiques mondiaux sont exploités à leur seuil maximum de renouvellement et 28,8% des stocks sont quant à eux surexploités. Le WWF souligne ainsi l’état d’urgence et fixe l’objectif de la fin de la pêche illégale en 2025. Pour se faire, plusieurs axes d’actions sont souhaitables.

Il s’agit tout d’abord d’assurer la mise en œuvre et d’améliorer globalement les accords et mesures internationaux, notamment via la définition d’un véritable statut réglementaire de la pêche dans les zones situées au-delà des juridictions nationales. Le Tribunal International est d’ailleurs récemment allé en ce sens en confirmant que les Etats pourront désormais être poursuivis pour pêche illégale en eaux étrangères.

Il est également nécessaire de renforcer les mesures de gestion et de surveillance des activités de pêche au sein des Organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) avec une réelle implication des Etats parties et la prise en compte des avis scientifiques, en particulier les ORGP qui opèrent dans des zones sensibles à la pêche INN telles que la CTOI (Commission des Thons de l’Océan Indien). Il va enfin sans dire qu’il est indispensable de mieux prendre en compte le rôle des pays asiatiques, en particulier de la Chine, au sein des différents politiques mises en œuvres au niveau international.

L’internationalisation du marché des produits de la mer impose aux entreprises importatrices une vigilance accrue sur leur système d’approvisionnement et une responsabilité vis-à-vis des produits qu’elles proposent sur le marché. Il est toutefois important d’améliorer la traçabilité des chaînes d’approvisionnement grâce à la collecte systématique des informations de la capture à l’achat, à la mise en œuvre d’indicateurs de suivi des origines et de politiques d’identification des produits à risques de pêche INN.

Enfin, la sensibilisation des consommateurs des pays du Nord constitue un levier important du changement car leurs choix influencent les modes de production et d’approvisionnement. Privilégier les produits pour lesquels nous disposons du plus haut niveau d’information, les marchés locaux, équitables et les produits labellisés impacte le marché. Il est en effet important de savoir qu’un Européen consomme actuellement davantage de produits de la mer issus de l’importation (70%) que de produits pêchés dans les eaux européennes. Les principaux pays d’importation pour l’Europe sont des pays en développement ou émergents, la Chine en tête.

Ces différentes recommandations à l’égard des pays du Nord doivent aussi aller de pair avec l’appui de la communauté internationale aux pays en développement pour des actions telles que la définition de politiques publiques dans le domaine des pêcheries, le renforcement des systèmes de gestion, de contrôle et de surveillance des ressources (MCS system) ou encore le soutien aux filières artisanales pourvoyeuses de ressources pour des millions de personnes.
Anéantir la pêche illégale passe par des actions tout au long de la filière, du Sud et au Nord.
 
Philippe Germa
Directeur général de WWF France

[1] FAO, Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, 2014[i] ONU, Rapport du groupe des personnalités de haut niveau chargé du programme de développement pour l’après 2015