A travers cet état des lieux, le WWF en appelle à une vision prospective partagée pour une économie bleue durable.
Tous les secteurs traditionnels de l'économie maritime tels que le transport, le tourisme, l'aquaculture ou bien d'autres, se développent de manière exponentielle et devraient poursuivre leur croissance au cours des 20 prochaines années, à l'exception de la pêche professionnelle. Cette évolution crée une compétition grandissante entre secteurs pour une superficie et des ressources marines limitées. Il en résulte de nouveaux impacts sur des écosystèmes déjà sous pression. Le bassin méditerranéen ne peut plus attendre ! Il est désormais urgent d'élaborer une planification intégrée de l'économie maritime sur le long terme.
De ce constat d'urgence est né le programme MedTrends, étude menée par l'Initiative Marine de Méditerranée du WWF et couvrant les 8 pays méditerranéens : Croatie, Chypre, France, Italie, Grèce, Malte, Slovénie et Espagne. Ce rapport est le seul à ce jour à donner une vision globale et intégrée de l'évolution des activités économiques maritimes. Pour ce faire, MedTrends a analysé 10 secteurs clés de l'économie bleue, en illustrant et en cartographiant leur activité actuelle et future, leurs leviers, leurs interactions, et leur impact environnemental.
De nombreux conflits intersectoriels sont ainsi à prévoir dans les régions côtières, en raison du partage accru de l'espace. Tout comme des conflits verront probablement le jour entre le développement des projets d'exploration et d'extraction d'hydrocarbures et le développement touristique, comme c'est le cas actuellement en Croatie ou aux Baléares par exemple.
Sans surprise, les territoires exploités par la pêche professionnelle seront impactés par le développement des autres secteurs, alors que le secteur doit déjà faire face au problème de surexploitation des stocks. Aujourd'hui plus de 90 % des stocks de poissons sont surexploités. Une situation que le développement d'activités comme l'exploitation minière des fonds marins et l'extraction d'hydrocarbures vont clairement contribuer à aggraver.
« Le développement du nombre de contrats hydrocarbures offshore est très rapide. 40% de la Méditerranée sont potentiellement ouverts à l'exploration d'hydrocarbures. C'est énorme, surtout lorsque l'on connaît les risques sismiques de la région », indique Pascal Canfin, Directeur général du WWF France. « La Méditerranée est sur le chemin du burn-out. Aujourd'hui, la multiplication et la croissance des activités économiques sur cette zone s'apparentent à un véritable Far West. Nous ne pourrons éviter l'implosion, soutenir nos économies nationales et promouvoir une économie bleue qu'à travers une gestion intégrée de l'espace marin ».
« Pour créer une économie méditerranéenne durable, les industries, les gouvernements, la société civile et toutes les parties prenantes doivent construire ensemble une vision réconciliant croissance économique et gestion des ressources », explique Giuseppe Di Carlo, Directeur de l'Initiative Marine Méditerranée du WWF.
« A cet égard, l'Union européenne doit jouer un rôle crucial. Sur le papier, les outils de ce changement d'approche existent déjà, avec au premier plan la Directive Planification de l'Espace Maritime de juillet 2014. Mais beaucoup reste à faire : l'application de la Directive nécessite une vision prospective ambitieuse et partagée pour l'avenir de l'espace maritime méditerranéen. Une vision prenant en compte la biodiversité et les écosystèmes au niveau national ainsi qu'à l'échelle du bassin méditerranéen. Sans quoi il sera impossible d'atteindre les objectifs environnementaux de la Commission Européenne, s'ils ne sont déjà compromis » complète Isabelle Autissier, Présidente du WWF France.
« Avant MedTrends, et malgré une volonté de soutenir une croissance bleue en Méditerranée, il n'y avait que très peu d'informations sur les futures évolutions des secteurs maritimes et leurs impacts positifs ou négatifs sur les écosystèmes marins. Nous espérons que les analyses, solutions et actions que nous proposons permettront de rattraper le retard et contribueront à une gestion plus transversale et plus efficace de l'espace marin et des ressources en Méditerranée », conclut Catherine Piante, Responsable du programme Medtrends au WWF France.