Grâce à elle, les faucons pèlerins volent encore...
Rachel Louise Carson, née à Pittsburgh en Pennsylvanie le 27 mai 1907 et morte le 14 avril 1964, est une zoologiste et biologiste américaine réputée.
Carson commença sa carrière comme biologiste au U.S. Bureau of Fisheries (Bureau des pêches) puis se consacra progressivement à l'écriture à plein temps dans les années 1950. Son best-seller "Cette mer qui nous entoure" (The Sea Around Us), publié en 1951, lui valut d'être reconnue comme écrivain de talent, et lui permit d'obtenir une sécurité financière. Son livre suivant, The Edge of the Sea, ainsi que la réédition de son premier livre, Under the Sea-Wind, furent aussi des succès de vente. Considérée comme un tout, sa trilogie de la mer explore l'éventail de la vie de l'océan, du littoral aux profondeurs de la mer.
À la fin des années 1950, Carson se concentra sur la protection de l'environnement et sur les problèmes causés par des biocides de synthèse. Ceci la conduisit à publier "Printemps silencieux" (Silent Spring) en 1962 qui déclencha un renversement dans la politique nationale envers les biocides — conduisant à une interdiction nationale du DDT et d'autres pesticides. Le mouvement populaire que le livre inspira conduisit à la création de l'Environmental Protection Agency. Carson reçut à titre posthume la médaille présidentielle de la liberté.
L'œuvre de Carson eut un considérable impact sur le mouvement écologiste. Printemps silencieux, en particulier, fut un point de ralliement pour le mouvement social naissant des années 1960. Selon l'environnementaliste H. Patricia Hynes, qui a étudié les travaux de Carson, « Printemps silencieux a changé l'équilibre des forces dans le monde. Personne ne peut plus présenter aussi facilement la pollution comme un effet secondaire et nécessaire du progrès sans être critiqué ». L'œuvre de Carson, et l'activisme qu'elle inspira sont, au moins en partie, à l'origine du mouvement d'écologie profonde, et de la montée en puissance depuis les années 1960 du mouvement écologiste populaire dans son ensemble. Elle eut également une influence dans la montée de l'écoféminisme et sur de nombreux scientifiques féministes.
L'héritage de Carson le plus direct pour le mouvement écologiste fut la campagne pour l'interdiction du DDT aux États-Unis (et les efforts pour l'interdire ou limiter son utilisation dans le monde entier). Bien que les inquiétudes au sujet de l'impact environnemental du DDT aient été pris en compte dès le témoignage de Carson devant le Président's Science Advisory Committee, la création en 1967 de Environmental Defense Fund, une organisation de protection de l'environnement, fut le premier évènement marquant dans la campagne contre le DDT. L'organisation engagea des procès contre le gouvernement américain pour « faire reconnaître le droit du citoyen à un environnement propre » ; les arguments de l'organisation contre le DDT étaient très similaires à ceux de Carson. En 1972, le Environmental Defense Fund et d'autres groupes activistes obtinrent l'interdiction progressive du DDT aux États-Unis (sauf pour les cas d'urgence).
La création, en 1970, de l'Agence de protection de l'environnement (en anglais, Environmental Protection Agency, EPA) répondit à un autre des problèmes que Carson avait mis au jour. Jusqu'alors, la même agence (le département de l'Agriculture) était responsable à la fois de réguler les pesticides et de mettre en avant les problèmes de l'industrie agricole. Carson y voyait un conflit d'intérêt, puisque le département n'était pas responsable des effets sur la nature ou d'autres problèmes environnementaux, en dehors des politiques agricoles. Quinze ans après sa création, un journaliste décrivit l'EPA comme l'héritage de Printemps silencieux. Beaucoup des premiers travaux de l'agence, comme le renforcement du Federal Insecticide, Fungicide, and Rodenticide Act de 1972, étaient directement liés à l'œuvre de Carson.
Carson et le mouvement écologiste furent —et continuent à être— critiqués par certains conservateurs, qui affirment que les restrictions sur les pesticides ont causé des morts inutiles et freinent le développement de l'agriculture, et plus généralement que la réglementation sur l'environnement gêne inutilement une économie libre. Par exemple, le magazine conservateur Human Events a donné une mention honorable à Printemps silencieux pour les « 10 livres les plus nuisibles des XIXe et XXe siècles ».
Les accusations de Carson contre le DDT ont subi les plus violentes attaques. Dans les années 1980, l'administration Reagan chercha à faire abroger un maximum de réformes environnementales, et Carson et ses travaux étaient des cibles évidentes. Le chercheur en sciences politiques Charles Rubin fut l'un des critiques les plus bruyants des années 1980 et 1990, bien qu'il n'ait accusé Carson que de sélectionner ses sources et de fanatisme (contrairement aux critiques plus virulentes que Carson reçut à la sortie de Printemps silencieux). Après 2000, les critiques ont accusé Carson d'être responsable de millions de morts dues à la malaria, à travers les interdictions sur le DDT que ses travaux avaient engendrées. Certains ont attribué jusqu'à 100 millions de morts à Carson, même si le biographe Mark Hamilton Lytle juge ces estimations irréalistes, de même que d'accuser Carson d'être « responsable » des interdictions sur le DDT. Il avance que la malaria est beaucoup moins importante en Afrique qu'un certain nombre de problèmes de santé publique plus étendus et évitables. Carson n'a jamais appelé à interdire complètement le DDT.
Certains experts ont avancé que les restrictions sur l'utilisation agricole du DDT (une des choses que Carson a effectivement préconisées) ont augmenté son efficacité dans la lutte contre la malaria. Selon le défenseur du DDT Amir Attaran, l'interdiction de l'utilisation agricole du DDT, déclarée à la Convention de Stockholm de 2004, « vaut mieux qu'un statu quo… Pour la première fois un insecticide est limité au seul contrôle des vecteurs, ce qui signifie que la sélection des moustiques résistants sera plus lente qu'avant ». Mais si l'héritage de Carson est intimement lié au DDT, Roger Bate, de l'organisation en faveur du DDT Africa Fighting Malaria, appelle à la prudence : « beaucoup de gens ont utilisé Carson pour mettre en avant leurs propres actions. Il faut simplement être très prudent lorsque l'on parle de quelqu'un qui est mort en 1964 ».
Ce qu'en dit l'UNESCO, lors du 50ème anniversaire de la sortie du livre :
L’Héritage du Printemps Silencieux de Rachel Carson
Évènement spécial à l’occasion du 50e anniversaire de sa publication
14 décembre 2012, Maison de l'UNESCO, Paris, France
Rachel Carson était profondément attachée au monde naturel qui nous entoure. La vie de l’océan et les dangers liés à la pollution chimique sont demeurés au premier plan de ses préoccupations tout au long de sa carrière de biologiste marine. Son travail a jeté les bases du mouvement environnemental moderne. Le Printemps silencieux eu un impact profond au moment de sa parution en 1962, qui résonne encore aujourd’hui. Elle savait aborder les questions techniques dans un style poétique et accessible, touchant ainsi un large public.
Rachel Carson a fait valoir qu’il est plus correct d’appeler les pesticides « biocides » en raison de leurs effets néfastes sur l’environnement, qui se limitent rarement aux espèces nuisibles ciblées. Constatant que l’usage aveugle des pesticides tuait les oiseaux chanteurs, elle s’inspira d’un poème de John Keats —« Et aucun oiseau n’y chante » pour trouver le titre de son livre. Le Printemps silencieux a suscité un tollé général, suivi d’une contre-attaque brutale de l’industrie chimique, souvent teintée de sexisme.
L’héritage de Rachel Carson est multiple. Elle devint une référence internationale pour la popularisation de la science par le biais de sa trilogie de la mer, qui explore la vie marine des profondeurs aux rivages : Under the Sea Wind, Cette mer qui nous entoure et Les Merveilles de la mer et de ses rivages. Le Printemps silencieux a contribué à l’émergence de l’écologisme et à la définition moderne de l’environnementalisme. Rachel Carson sert indéniablement de modèle pour les femmes scientifiques à travers le monde.