Robert Hainard était sculpteur, graveur sur bois, peintre, naturaliste hors du commun, grand connaisseur de la faune européenne, écrivain, à la fois poète de l’image et du texte, et philosophe. C’était un infatigable rôdeur des forêts et des marais, un ‘‘guetteur de lune’’ passionné par l’animal sauvage et libre, et un véritable artisan d’atelier, inventeur d’une technique unique au monde de gravure sur bois. Les éléments naturels ont accompagné Robert Hainard jusqu’à la fin. Il s’est en effet éteint, à Gland (canton de Vaud) dans la nuit du 26 décembre 1999, alors que la tempête ravageait une partie de l’Europe occidentale.
Auto-portrait
Né le 11 septembre 1906 à Genève, fils de deux peintres et enseignants d’art plastique, Robert Hainard quitte l’école traditionnelle à l’âge de douze ans. Sa formation générale et artistique est assurée par son père qui sera également son maître à l’Ecole des arts industriels de Genève, où il entre à l’âge de quinze ans. Et à vingt ans, il y sera son assistant.
Fasciné depuis son enfance par les animaux, Robert Hainard dessine dès l'âge de 4 ans et sculpte ses premiers morceaux de bois. Il taille des poissons, des animaux domestiques et, très vite, s’intéresse aux bêtes sauvages. Depuis, Robert Hainard a consacré toute sa vie à la chasse au crayon, à guetter le loup, le bison, l’ours, le lynx, le castor, le grand tétras et tant d’autres, jusque dans leurs repaires les plus cachés, parcourant forêts, marais, vallées, montagnes de Scandinavie, d’Espagne, de Roumanie, de Pologne et de sa Suisse natale.
Au cours de ses périples et de dizaines de milliers d’heures passées à l’affût, le plus souvent lors de la pleine lune, Robert Hainard a rassemblé quelque 30 000 dessins, un millier de gravures (voir ici son texte sur la gravure tiré de son ouvrage "Défense de l'image"), des centaines de sculptures (voir ici son texte sur la sculpture tiré de "Défense de l'image") et près de deux mille aquarelles et peintures (voir ici son texte sur la peinture tiré de "Défense de l'image").
Les maîtres qui l’ont toujours accompagné sont ces artistes inconnus, ces artistes du paléolithique en communion avec l’animal, qui, voici quelques vingt mille ans, tracèrent ces bisons, ces mammouths et ces aurochs sur les parois des grottes de Lascaux et d’Altamira.
Il découvre la gravure sur bois en 1924, ébloui par les maîtres de l’estampe japonaise, et met au point une technique qu’il a inventée : un compromis entre son savoir-faire initial de sculpteur et son amour pour les couleurs qu'il sait rendre en dégradés.
Pour les amateurs de nature, Robert Hainard reste l’auteur des Mammifères sauvages d'Europe paru en 48-49 (ouvrage désormais vendu exclusivement par la Fondation Hainard) où se mêlent des considérations scientifiques et quantité de récits d’affûts savoureux et évocateurs. Cet ouvrage, réédité sans cesse en un demi-siècle, a suscité nombre de vocations parmi les naturalistes.
Mais l’activité de Robert Hainard ne s’est pas arrêtée à la création artistique et à l’observation de la nature et des bêtes sauvages. C’est aussi un philosophe qui a analysé avec acuité les rapports entre notre civilisation occidentale et la nature. Avec des décennies d’avance, et une originalité remarquable, il a été l’un des inspirateurs de la prise de conscience en faveur de la nature, un précurseur de la pensée écologique, bien avant que l’écologie soit à la mode.
Robert Hainard a développé dans une vingtaine d’ouvrages et plus de 500 articles des idées capitales sur les causes de la destruction de la nature. Avec sa femme Germaine Hainard-Roten, qui était aussi peintre, cet artiste aux multiples facettes, d’une personnalité chaleureuse et rayonnante, a mis toute son existence au service de la Nature.
Robert Hainard a exposé en Suisse plus d'une centaine de fois individuellement ou avec sa femme et participé à autant d'expositions collectives. A Genève, tous les deux ans depuis les années 40 et jusqu'en 1994, puis la famille et la Fondation ont pris le relais. Notamment lors du 100ème anniversaire de sa naissance, avec une exposition au Salon international du livre à Genève 2006 (artiste invité), assorti d'un livre d'art « Cent ans de nature à Genève » (illustré par Robert Hainard) et au Museum d'histoire naturelle de Genève avec un catalogue « Robert Hainard, l'eau et la pierre » (aquarelles et sculptures) puis en 2011 avec une grande exposition à l'Espace Arlaud (Lausanne) accompagnée du très beau livre « Impressions de printemps de Germaine et Robert Hainard ». Bel hommage ! En 2014, La Fondation a réalisé quatre expositions à l'étranger, dont trois dans l'île de Jersey (mars, juillet et août) avec la sortie d'une traduction abrégée anglaise du livre « Défense de l'image » puis à Ménigoute, au Festival International du Film Ornithologique pour leur 30e édition, la belle exposition « Les oiseaux de Robert Hainard » dans la chapelle Boucard.
A l'étranger, il a exposé individuellement : Stockholm 1950, Moscou 1957, Londres 1959, 1964,1970, Santiago du Chili 1961, Liège 1969, Mulhouse 1970, Paris 1973, Dijon 1974, Parc national des Cévennes 1975, Evian 1977, Bruxelles, Dijon 1978, Lons-le-Saunier1981, 1984, Blois 1982-1994, Brest 1983, 1985, Rennes, Paris 1983, Marseille1990.
Il a aussi participé à des expositions collectives : Monza 1925, Varsovie 1956, Paris 1936, Chicago 1937, Paris 1938, 1946, 1949, Ljubljana 1953, Pontarlier 1962, Lyon 1963, 1989, Maribor (Slovénie) 1962,Pittsburgh (Pennsylvania, USA) 1964, Gradec (Slovénie) 1966, Grenoble, Paris 1973, Mulhouse 1980, 1982, Berlin, Vienne 1982, Dijon 1983, Sochaux 1984, Orléans, Vert Saint Denis 1984, Limoges 1987, Tokyo 1990, Lavenham (Suffolk, GB) 1992.
Les Editions Hesse ont exposé ses œuvres entre 1982 et 1994 du vivant de l'artiste puis réalisé encore une exposition en 2003 à St-Dizier et la dernière, en 2006, la plus importante, à l'occasion du 100e anniversaire de la naissance de Robert.
Pour en savoir plus, voir :
- Le site de la Fondation Hainard qui fournit tous détails sur la vie (biographie, bibliographie) et l'oeuvre de Robert Hainard et des artistes de la famille (dont Germaine Hainard-Roten son épouse), propose des visites de son atelier et permet d'accéder à des textes, des offres...une magnifique et dense information
- l'entretien avec Pierre Hainard : ici
Bibliographie de Robert Hainard
- "Et la nature?" Réflexions d'un peintre (Éditions Gérard de Buren 1943);
- "Nature et mécanisme" (Éditions du Griffon, Neuchâtel, 1946);
- "Mammifères sauvages d'Europe" (Delachaux et Niestlé, Neuchâtel,(1948-1949) 2 vol., 1961, 1987, 1989, 1997, 2001, 2003, en 1 vol.);
- "Jagd mit dem Skizzenblock", Rotapfel Verlag, Zürich et Stuttgart, 1966;
- "Une morale à la mesure de notre puissance", Mouvement Homme et Nature, Chambéry, 1970;
- "Chasse au crayon", Éditions de la Baconnière , 1969;
- "Expansion et nature", une morale à la mesure de notre puissance, Le Courrier du livre, Paris, 1972;
- "Les réserves naturelles" (Éd. Avanti, André Eiselé, Prilly-Lausanne, 1973);
- "Croquis de terrain" (Payot, Lausanne, 1975);
- "Quand le Rhône coulait libre" (Tribune Éditions, Genève, 1979 et 1989);
- "Tension avec la nature" interview de Robert Hainard par Roland de Millier (Utovie,1980);
- "Images du Jura sauvage" (Tribune Éditions, Genève, (1983) 1987;
- "Le guetteur de lune" (Tribune Éditions, Paris, Hermé, Genève, 1986);
- "Le miracle d'être", Science et nature (Éd. Sang de la Terre, Paris, 1986 et 1997);
- Nouvelle édition augmentée de "Nature et mécanisme" (1946);
- "Défense de l'image" (La Baconnière, Neuchâtel, 1987) et sa traduction "In Défense of the Image";
- "Le monde sauvage de Robert Hainard" (Tribune Éditions, Paris-Gembloux, Duculot, Genève, 1988);
- "Nuits d'hiver au bord du Rhône" (Tribune Éditions, Genève, 1988);
- "Croquis d'Afrique" (Tribune Éditions, Éditions Hesse, Genève, Blois, 1989 );
- "Germaine Hainard-Roten" (Tribune Éditions, Genève, 1990);
- "Le monde plein" (Éd. Melchior, 1991); La Fondation Hainard en offre à ses visiteurs internautes une version numérique.
- "Entretien sur la gravure", interview de Robert Hainard par J.Hesse (Éd. Hesse,1998);
- "Sculptures de Robert Hainard" (Éd. Hesse, 1993);
- "La Méthode de mon père". Enseignement du dessin et du modelage (ed. Nicolas Junod, Genève, 1994);
- "Chœur de loups et autres histoires d’ours" (Éd. Slatkine, collection "L’Œil ouvert" dirigée par Nicolas Crispini, Genève, 1999).
Films et documentaires sur Robert Hainard
- "Un homme près des blaireaux", de Laurent Charbonnier (14')
- Plans-Fixes "Germaine et Robert Hainard, peintres, sculpteur et graveur" (22 mai1984, à Bernex) et Archibald Quartier, naturaliste, "Un visage, une voix, une vie", 50' chacun