"Après quelques années de travail dans l’industrie et avec un fort sentiment d’urgence à agir pour la planète, je suis devenu maraîcher bio en 2008. Rapidement, je me suis rendu compte des déséquilibres qui existaient sur les parcelles que j’avais acquises. Je devais faire face à des invasions de pucerons ou de campagnols sans que rien ne vienne les limiter et à certaines périodes, les escargots ou les limaces ne me laissaient pas beaucoup de salades vendables.
J’ai commencé par planter des haies pour me protéger de mes voisins et pour limiter les effets du vent. Puis, je me suis mis ensuite à élever des abeilles pour favoriser la pollinisation de mes légumes et j’ai observé les difficultés qu’elles avaient à trouver leur nourriture, tout au long de l’année, dans notre plaine de cultures intensives.
Au bout de quelques années pourtant, j’ai senti que tout s’apaisait : mes haies poussaient et commençaient à nourrir mes abeilles. Ces haies que j’avais envisagées en protection s’avéraient être des haies nourricières, des alliées pour une quantité incroyable d’insectes et de petits animaux. Les invasions incontrôlables se sont faites de plus en plus rares. J’ai commencé à voir de plus en plus de lézards verts, de crapauds et de couleuvres, les campagnols sont devenus plus discrets.
J’ai laissé pousser l’herbe en bordure de mes champs et semé des bandes de fleurs au milieu de mes cultures pour accueillir encore plus d’auxiliaires et j’ai croisé l’Hirondelle aux champs et l’Adaf (Association Drômoise d’Agroforesterie).
Ma petite ferme est alors devenue un terrain d’expériences. Nous avons posé des dizaines de nichoirs à oiseaux, construit des abris à reptiles ou à hérissons et placé des abris pour les chauves-souris.
Les chantiers de plantation de haies se sont multipliés pour quadriller
mes différentes parcelles et offrir des corridors de reproduction et de circulation à cette faune discrète mais de plus en plus visible. Et l’hiver dernier, cerise sur le gâteau, nous avons creusé une mare au milieu de mes parcelles. Depuis, pas un jour ne se passe sans que j’y « perde mon temps » à observer la vie en pleine explosion. Son action sur l’équilibre de mes jardins n’est pas encore bien visible, mais je suis sûr que je suis loin d’en imaginer toutes les retombées.
Aujourd’hui, même si le sentiment d’urgence de mes débuts ne m’a pas complètement quitté, je m’apaise à développer et à favoriser la biodiversité à la ferme. J’en observe les bienfaits tous les jours. Que ce soit pour mes productions, pour ma famille ou pour moi, j’ai vu que la biodiversité n’attendait qu’un signe de nous, qu’un petit coup de pouce, pour revenir et travailler avec moi."
Valéry Martineau, Paysan bio à Saint-Gervais-sur-Roubion.