Dans l’archipel du Svalbard, l’autre nom du Spitzberg, la brume retentit d’oiseaux de mer. La croisière polaire, happée par ce doux rêve grisâtre, tournicote autour des îles et des morceaux de banquise à la recherche de l’ours blanc, grand maître des lieux.
Lors d’une croisière polaire, on ne plaisante pas avec le premier débarquement. Sur le pont n°2, c’est la foule des grands jours. Une vague de parkas rouge pétard a déferlé au-dessus de l’échelle de coupée et reste comme en suspens en attendant de s’engouffrer dans les zodiacs qui tournicotent déjà autour du navire. Les passagers suffisamment emmitouflés pour conquérir un pôle ou deux trépignent, chapkas et bonnets enfoncés jusqu’aux yeux.
Tous rêvent d’en découdre enfin avec le Grand Nord. Les montagnes du Woodfjord, avec leurs sommets ceints d’une écharpe de nuages laineux, sont tout aussi chaudement couvertes. Les austères rivages de galets ronds et gris n’ont jamais semblé autant à portée de bottes. Et tout à coup, c’est le drame : entre deux crachotis, les haut-parleurs assènent la terrible nouvelle. « Ladies and gentlemen, a bear has been spotted one kilometer away from our landing spot. It’s too risky, landing must be canceled ! » Enfer et putréfaction ! (…)