Voyager, c’est avant tout changer de chair. Editorial de Florence Quentin
Quatre, symbole de rigueur, de ténacité, de construction mais aussi de transformation dans la matière.
Quatre ans après sa première parution sous une forme inédite, Ultreïa !, notre revue-livre, cesse sa publication trimestrielle après vous, nous, avoir conduits aux quatre points cardinaux de la planète mais aussi au mitan de mondes intérieurs dont l’ascétique opulence et la “profondeur de champ” – c’est-à-dire la bonne distance qui permet à notre oeil d’en percevoir une image nette – s’apparentent parfois à une révélation.
Quatre fois quatre numéros au rythme des saisons de la nature et de celles, tout aussi diverses et chatoyantes, de nos âmes, avec pour guides des sherpas-photographes, des écrivains-voyageurs et des cicérones explorateurs du divin – quel que soit le nom ou l’apparence que chacun( e ) donne à ce concept indéfinissable –, dans le respect de toutes les traditions spirituelles : nous leur avons offert une égale et libre tribune d’expression pour témoigner de cette diversité.
Ce numéro ne fait pas exception, qui vous emmènera au Borobudur, sur les traces de Milarépa, d’Anquetil-Duperron et d’Alexandra David-Néel, au coeur des mystères de Qumrân et de Carnac, dans les arcanes du yoga, de l’art japonais, de la musique en islam, de la beauté pharaonique et de la Philocalia, ou encore sous les ciels de case en Guyane. Mais qui donnera aussi à entendre le précieux – et souvent bouleversant, par l’indignation qu’il suscite – témoignage d’un observateur et acteur essentiel de notre siècle : l’altermondialiste suisse et militant des droits de l’homme, Jean Ziegler.
Motif récurrent depuis nos débuts, de somptueuses images du Groenland et de l’Arctique, comme celles d’animaux quasi surnaturels saisis dans les neiges du Tibet et magnifiés sous la plume d’un écrivain amateur de haïkus, apportent ici leur part de beauté inaliénable.
Vous accompagner d’un pas vif et léger mais boussole en main fut pour moi un honneur et une joie sans mélange, tout autant que travailler avec des auteurs remarquables, engagés, qui plus est accueillis par vous avec enthousiasme, tels des marins du Vendée Globe, à chaque arrivée du numéro d’Ultreïa !
Vous remerciant de votre passion et de votre belle fidélité, je vous souhaite de vivre des périples aventureux et fructueux, de ceux qui mettent le cap sur le large et/ou sur l’infini mais qui, fondamentalement, transforment, car toujours d’altitude.
Aux confins du monde, se diriger résolument, bien sûr, pour célébrer la profusion inouïe de la nature et ouvrir largement ses bras aux rencontres singulières, mais sans jamais renoncer pour autant à plonger dans ses propres abysses, à explorer avec courage et détermination ce qui fonde une vie dans ce qu’elle a de plus intime, de plus sacré ; et que James Joyce, avec sa prose percutante, rappelait d’une manière qui ne peut laisser indifférent dans notre époque frappée d’une si vertigineuse accélération : “Certains préfèrent aller jusqu’au bout du monde plutôt que de se traverser eux-mêmes.”
Plus loin ! Plus haut !
Avec notamment Michel Rawicki et son "Appel du froid" et Vincent Munier vu par Maxence Fermine