Le film documentaire Baleines, les gardiennes de la planète, projeté en salle le 22 février 2023, donne voix aux cétacés. Dans ce film, les géantes des mers, incarnées par Jean Dujardin, narrent leur histoire et proposent une plongée dans leur civilisation tissée par leurs chants.
Échouée sur une plage normande, une baleine à bosse croise le regard d’un jeune garçon et, dans l’iris de ce cétacé, la grande histoire des géantes des mers commence. Baleines, les gardiennes de la planète, documentaire réalisé par Jean-Albert Lièvre qui rejoindra les salles obscures le 22 février 2023, est le récit à la première personne de l’épopée maritime des cétacés commencée il y a 50 millions d'années. Ce récit est inspiré du poème Whales nation d’Heathcote Williams qui dépeint la civilisation de ces mammifères jouant un rôle essentiel dans l’équilibre du monde vivant.
Il y a 50 millions d’années, les baleines revenaient dans l’eau
Cette odyssée débute durant l’éocène (période se situant entre 56 et 34 millions d’années avant notre ère) lorsque les descendants de l’Indohyus, un mammifère terrestre ongulé, se sont adaptés de nouveau à la vie aquatique. Les premières baleines étaient des animaux amphibies comme l’espèce Ambulocetus, un quadrupède de 2-3 mètres ayant des pattes palmées et qui avait un mode de vie similaire à celui des crocodiles actuels. Ce n’est qu’à la fin de l’éocène qu’une espèce a revêtu des traits similaires aux baleines actuelles. Zygorhiza était une baleine ancestrale vivant dans les océans Atlantique et Pacifique près des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. Bien qu’ayant un squelette ressemblant à celui des cétacés actuels, cette espèce ne pouvait pas utiliser l’écholocalisation et ne possédait pas de fanons. Cependant, il n’a fallu que 5 millions d’années aux descendants de Zygorhiza pour se diversifier et donner naissance aux deux grands genres des futures géantes des mers : les mysticètes (baleines à fanons) et les odontocètes (baleines à dents). Durant cette période, les cétacés n’avaient pas encore atteint les tailles colossales qu’ils peuvent avoir aujourd’hui. Il a fallu attendre près de 25 millions d’années avant que les mysticètes, notamment, deviennent les géantes que l’on connaît aujourd’hui.
Une enfance pleine d’apprentissage et d’affection
Ce sont elles qui jouent le rôle principal du documentaire de Jean-Albert Lièvre. La caméra accompagne les cétacés depuis l’embryon jusqu’au printemps de leur vie. Celle-ci montre la relation extrêmement fusionnelle entre le baleineau et sa mère. Via l’objectif sous-marin, la voix de Jean Dujardin incarne les pensées du jeune cétacé, qui reflètent une enfance similaire à celle des jeunes humains. Sur la toile du cinéma, les spectateurs assistent aux premiers mots du baleineau, à ses allaitements, à ses jeux… Quoi qu’il fasse, le jeune mammifère marin est toujours entouré par l’ombre bienveillante de sa mère qui le protège et l’éduque.
Des aventures aussi diverses que les espèces de baleines
Lorsque l’âge adulte arrive, le film élargit son horizon et prend le large aux côtés de diverses espèces emblématiques de la civilisation des "gardiennes de la planète". Ainsi commence un voyage onirique dans l’univers océanique. Les cachalots (Physeter macrocephalus) servent de guides dans les montagnes inversées des fonds abyssaux. Les baleines boréales (Balaena mysticetus) content les récits de leurs vies bicentenaires dans les mers de glace. La grande baleine bleue (Balænoptera musculus) nous entraîne dans une croisière à dos de géant, des eaux froides des pôles, dans lesquelles elles se nourrissent en été, jusqu’aux eaux tempérées de l’équateur, où elles se reproduisent en hiver.
Des millions de cétacés tués sur l’autel de la modernité
Grâce à leurs facultés cognitives et orales, les géantes des mers ont pu dominer les eaux du globe de manière pacifique durant plusieurs millions d’années. Cependant, le développement d’une autre espèce est venu briser ce règne. Pourtant, leur relation avec ces petits mammifères était équilibrée. Ces bipèdes ne chassaient les baleines que pour se nourrir et ne tuaient que peu d’individus. Ce sont des petits groupes de ces animaux terrestres, appelés homo sapiens, qui tuaient des baleines mais les vénéraient comme des divinités leur apportant la pitance.
Cependant, lorsqu’ils sont entrés dans l’ère industrielle, les humains ont perpétré un génocide contre les cétacés pour leur huile. Cet "or jaune" avait pour rôle d’illuminer les villes. Même si le liquide oléagineux des cétacés était au cœur de la chasse à la baleine, les baleiniers ne gâchent rien. Ils se servaient des os pour faire des parapluies ou des corsets, de la graisse pour faire des produits cosmétiques et ils utilisaient même les spermacetis des cachalots pour produire des bougies. Ce sont des millions de baleines qui ont perdu la vie pour nourrir les flammes des lampes tapissant de lumière les quartiers des cités humaines. Face à cette guerre des mondes non consentie, les baleines ont dû s’adapter et apprendre à fuir les marins voire même à les attaquer pour se défendre. Celles-ci sont passées à deux doigts de l’extinction lorsque la pêche commerciale des baleines a été interdite dans la majorité des pays la pratiquant après le moratoire sur la chasse à la baleine en 1982.
Les baleines : victimes collatérales des activités humaines
Aujourd’hui, les pays ayant recours à ces pratiques cynégétiques se comptent sur les doigts d’une main. Pourtant, les baleines ne peuvent toujours pas vivre en paix. Elles sont devenues, avec le reste du vivant, les victimes collatérales des activités humaines. La pollution sonore, produite par les bateaux, brouille leurs communications qui sont au cœur de leur structure sociale. Les tonnes de plastiques relâchées dans l’océan rendent leurs repas toxiques. Même les étoiles qui leur servent de guides dans leurs longues migrations depuis plusieurs dizaines de millions d’années sont touchées. Le projet Starlink d’Elon Musk, qui a formé une constellation de près de 2000 satellites, illumine la toile nocturne avec de nouveaux astres artificiels. Un changement déformant la carte qui permet aux baleines de se repérer dans le grand bleu.
L’humanité a son destin lié à celui des "gardiennes de la planète"
Toutes ces menaces d’origine anthropique mettent en péril l’avenir des géantes des mers mais celles-ci ne partiront pas seules. Le destin de l’humanité est intrinsèquement lié au leur. Les baleines jouent un rôle essentiel dans l'oxygénation de la planète. De nombreuses espèces de baleines à fanons, dont les plus imposantes comme la baleine bleue, se nourrissent exclusivement de krill (Euphausiacea) et dans des quantités astronomiques. Après digestion, celles-ci libèrent les nutriments extraits du krill qui sont essentiels au développement des phytoplanctons, les véritables poumons de la planète. Ils libèrent 50% de notre oxygène et stockent de grandes quantités de carbone. Le documentaire dresse un tableau particulièrement sombre de la planète bleu si les "gardiennes de la planète" disparaissent. La Terre sans les baleines est une planète sans phytoplanctons dans laquelle l’humanité serait à bout de souffle et disparaîtrait rapidement.
Ce film, en plus d’être une ode à la civilisation des cétacés, est une œuvre engagée souhaitant placer le spectateur dans les pensées de ces géantes de mers. Cette plongée cinématographique est tout simplement un rappel : il est possible de créer une société pacifique, les baleines en sont la preuve.