Les animaux sont tout. Ils sont eux-mêmes, certes, mais surtout ce que nous faisons d’eux. Nous, les humains. Car chaque fois que nous parlons des animaux, nous ne parlons en vérité que de leur animalité : l’état animal que nous décrétons inférieur. Ainsi nous animalisons les animaux, nous les rendons tuables et sans peine nous les tuons. Cet état animal, affirment des humains, n’est pas le propre des animaux, il est également celui de certains humains. Ces autres : les femmes, les prolétaires, les minorités raciales qui, ni homme, ni bourgeois, ni blanc, ont été exclus de la communauté morale par le viol, par l’usine, par le fouet, par l’en fu mage des grottes, par la persécution et par l’enfermement. Car animalisés. Livre tout autant théorique qu’auto-bio graphique, Ainsi l’animal et nous appelle à reconnaître la totalité de la question animale, en laquelle toutes les questions de notre monde se rejoignent. Il devient dès lors possible de tenir ensemble tout ce qui va ensemble, de défaire tout ce qui a été fait. Puis de tout refaire.
"Ainsi l’animal et nous approche d’une manière à la fois théorique – au sens de critique – et personnelle – au sens d’autobiographique – l’histoire occidentale de la dépréciation des animaux et, corrélativement, l’asservissement et la subordination de certains groupes humains par d’autres groupes humains. La notion d’animalisation est centrale. L’animalisation a frappé les animaux, fait d’eux des biens disponibles et les a rendus tuables. Car ce ne sont que des animaux. L’animalisation a frappé, aussi, certains humains jugés de moindre humanité. Disant cela, je pense aux femmes, aux prolétaires, aux non-Blancs, aux minorités sexuelles, aux malades : ceux qui, n’étant ni homme, ni bourgeois, ni blanc, ni majorité sexuelle, ni bien-portant, ont été par le viol, par l’usine, par le fouet et l’enfumage des grottes, par la persécution et par l’enfermement, rejetés au sein de la classe animale. De là, l’animalité se révèle être un état, non biologique, mais politique. La distinction moderne opérée par l’Occident entre les "humains" et les "animaux" est artificielle et masque la frontière réelle, celle qui sépare les êtres humanisés reconnus comme égaux des êtres animalisés reconnus comme inégaux. Ainsi ai-je dans ce livre le souci d’intégrer les animaux à l’ensemble des luttes contemporaines et j’appelle à reconnaître tout ce que le racisme, le sexisme et l’exploitation de classe doivent à la domination d’espèce. De cette façon, il nous devient possible de tenir ensemble tout ce qui va ensemble." – Kaoutar Harchi –
L'auteure : Née en 1987, Kaoutar Harchi est sociologue, romancière et essayiste. Ses recherches sont très suivies par les médias tant elles répondent aux questionnements actuels de la société française. Aux éditions Actes Sud elle a publié «L'Ampleur du saccage» (2011) et «À l'origine notre père obscur» (2014). Chez Pauvert, en 2016, un essai intitulé «Je n'ai qu'une langue, ce n'est pas la mienne». «Ainsi l’animal et nous» paraît en 2024.