Après “Survivre à l'hiver”, paru dans la même collection, dans “En été – Une saison d’abondance”, Bernd Heinrich parvient, une fois de plus, à nous communiquer son sens inépuisable de l’émerveillement en nous faisant partager la vénération qu’il éprouve pour le foisonnement du vivant, à partir de ses observations sur le terrain comme de ses recherches scientifiques.
Qu’il s’agisse de réflexions sur les guerres entre les fourmis, des particularités prédatrices des guêpes, des rituels de séduction des pics-verts ou de sa description de la découverte d’une route encombrée de grenouilles des bois, “En été”, nous offre un panorama d’une beauté évidente sur les interactions complexes entre le règne animal et le règne végétal, entre le réchauffement estival et la luxuriance de la nature.
Comment des cigales parviennent-elles à survivre – et à prospérer – à des températures allant jusqu’à plus de 46° C? Les oiseaux mouches savent-ils à quoi ils seront confrontés avant d’entreprendre leur migration vers le Golfe du Mexique? Pourquoi certains arbres cessent-ils de grandir alors qu’ils disposent encore d’une période de trois mois de temps chaud?
Avec un sens de l’émerveillement et une compétence incomparables, Heinrich étudie une centaine de questions de ce type. On comprend aisément que Heinrich soit considéré aux États-Unis comme le digne successeur de Thoreau, parmi les écrivains américains contemporains de la nature.
Extrait
Les merles d’Amérique et les moucherolles phébi sont sortis de leurs nids près de chez nous: en deux semaines, au grand
maximum, ils ont déjà atteint leur taille adulte. Ce sont les parents qui les ont tout d’abord réchauffés. Puis leur propre
métabolisme a pris le relai. La croissance des plantes, stimulée par la chaleur estivale, est tout aussi remarquable. Rachel note ce qui pousse dans le jardin; je m’intéresse davantage à ce qui se passe au-delà de notre clôture. Je vais courir tous les jours le long d’une mare à castors: les arbres qu’ils ont réussi à ronger n’ont pas tardé à faire des rejetons. En une saison, j’ai vu des rejetons de frêne croître de presque trois mètres. C’est un peu moins (1,60 m environ) pour les érables rouges mais cela représente un peu plus de deux centimètres par jour. Phénomène surprenant, mais pas autant que la facilité avec laquelle il peut prendre fin. La plupart des arbres s’arrêtent complètement de croître à la mi-juin, alors qu’ils ont trois mois d’été devant eux. Les plantes rampantes et certains rejetons (ceux qui sont exposés directement au soleil) continuent quant à eux de pousser frénétiquement. La chaleur et la lumière du soleil peuvent bien se traduire en termes de croissance, mais seulement dans le cas où le contexte est favorable. Dans le désert, ces deux éléments abondent mais la croissance est d’une extrême lenteur, la plupart du temps.
Editions Corti/Biophilia