"Quand nous paraissons sur cette terre, venant on ne sait d'où, au lieu de partir de ce qu'avaient appris nos parents, nous avons tout oublié et sommes obligés de tout recommencer, de tout réapprendre, mais l'insecte poursuit tranquillement l'existence de ceux qui l'ont devancé, comme si cette existence n'avait jamais été interrompue. N'oublions point que les insectes nous précèdent de milliers, voire de millions d'années. On les trouve déjà dans le Silurien et surtout dans le Carbonifère, c'est-à-dire dans les fantastiques forêts de la jeunesse, ou plutôt de l'enfance, de la terre. Ils devancent les Sauriens, les oiseaux reptiliens et les mammifères qui annoncent la venue de l'homme. Ils appartiennent au Primaire, alors que nous n'apparaissons qu'à la dernière époque géologique, des milliers de siècles après eux. Nous ne deviendrons leurs égaux que lorsque nous saurons comme eux que la mort n'existe pas, qu'elle n'est qu'un mot malheureux qui cache l'attente, le grand sommeil ou une vie différente de celle que nous croyons perdre."
Ces quelques phrases résument toute la fascination de Maurice Maeterlinck, lauréat du prix Nobel de littérature en 1911, pour la vie de la nature, dont il est un fin observateur, et plus particulièrement pour les insectes sociaux, qu'il plaça au centre de ses travaux d'histoire naturelle. Ce cycle d'essais, commencé en 1901 avec La Vie des abeilles et poursuivi en 1910 avec L'Intelligence des fleurs, puis avec La Vie des termites (1926) et La Vie des fourmis (1930) constitue une oeuvre profondément singulière. Chatoyance des images, musicalité de la prose et philosophie du propos tendent à révéler les liens secrets qui unissent l'homme et la nature.
L'auteur : Maurice Maeterlinck (1862-1949). Grande figure du symbolisme belge, il reste fameux pour son théâtre (Pelléas et Melisande ; L'oiseau bleu), sa poésie (Serres chaudes) et ses essais de mystique et de biologie. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1911.
Editions Les Perséides / La lunatique