Une forêt primaire est une forêt qui n’a été ni défrichée, ni exploitée, ni modifiée de façon quelconque par l’homme. C’est un joyau de la nature, un véritable sommet de biodiversité.
Ses bénéfices sont inestimables : captation du CO2, régulation du climat, réserve de biodiversité, reconstitution des ressources hydriques... sans oublier la beauté, qui nous est indispensable.
Sous les tropiques, les dernières forêts primaires subissent un déclin alarmant. En Europe, elles ont quasiment disparu depuis 1850 et la seule qui subsiste encore, en Pologne, est elle aussi en grand danger. Des forêts secondaires “gérées” par l’homme, dégradées, les ont progressivement remplacées.
Pourtant, d’autres pays des zones tempérées ont su conserver une partie de leurs forêts primaires et les considèrent comme un trésor. Pourquoi l’Europe devrait-elle se satisfaire de banales forêts secondaires ? Ce n’est cohérent ni avec notre tradition culturelle, ni avec notre exigence de beauté des paysages.
C’est pourquoi, à l’initiative du botaniste, l’Association Francis Hallé pour la forêt primaire agit pour la création d’un vaste espace (environ 70 000 hectares, soit un carré de 26 kilomètres de côté) dans lequel une forêt évoluera de façon autonome, renouvelant et développant sa faune et sa flore sans aucune intervention humaine, et cela sur une période de plusieurs siècles. Cette zone, restant à localiser, sera transfrontalière, avec une base française. Ce projet va se prolonger pendant plusieurs siècles, car on estime qu’il faut entre huit cents et mille ans pour que renaisse une forêt primaire.
Ce projet suscite un très vif intérêt du public, pour des raisons à la fois écologiques et philo sophiques. Il s’accompagnera de la mise en place, à proximité de la forêt, d’installations scientifiques et d’équipements à vocation culturelle, et sera aussi un bel atout local de développement durable. Comme l’expose ce manifeste, l’Association souhaite susciter un large mouvement d’opinion, pour faciliter l’obtention des accords politiques et administratifs nécessaires. Il est urgent d’agir !
L'auteur : Botaniste et biologiste, Francis Hallé (cf interview 2019) est spécialiste des arbres et des forêts tropicales. Il a été professeur aux universités d’Orsay (1960), de Brazzaville (1968), de Kinshasa (1970) et de Montpellier (1971-1999). Il est membre correspondant du Muséum national d’histoire naturelle de Paris et l’auteur de nombreuses publications, dont : Le Radeau des cimes (en collaboration avec Dany Cleyet-Marrel et Gilles Ebersolt, J.-C. Lattès, 2000), Éloge de la plante (Seuil, 1999), Architectures de plantes (JPC, 2004), Plaidoyer pour l’arbre (Actes Sud, 2005), La Condition tropicale (Actes Sud, 2010), Il était une forêt (avec Luc Jacquet, Actes Sud, 2013), Plaidoyer pour la forêt tropicale (Actes Sud, 2014).
En octobre 2021, un autre ouvrage auquel il a participé sera publié : "Le Radeau des Cimes". Trente années d’exploration des canopées forestières équatoriales.