Personnalités à découvrir

CROSMARY Perrine

Perrine est archéozoologue de formation (l'archéozoologie est la discipline scientifique qui vise à reconstituer l'histoire des relations naturelles et culturelles entre l'homme et l'animal). Ses recherches en Afrique de l'Est et Australe l’ont amenée à travailler sur les relations prédateurs / proies et sur l’analyse des relations des premiers hommes avec la faune sauvage.

Perrine sensibilise également le grand-public à la défense de la faune sauvage à travers de superbes reportages diffusés dans le cadre de l'émission de Canal + "Les nouveaux explorateurs" : Zimbabwe, Québec, Afrique du Sud, Malaisie, Brésil.

Son engagement pour la protection de la faune l'a amené tout naturellement à s'investir au sein de l'association HISA (Human Initiative to Save Animals). Lutte anti-braconnage, recherche scientifique, programme de conservation, éducation, enquêtes... : Perrine crée le lien entre les différents acteurs de la protection de la nature et des communautés locales confrontées à la proximité de la faune sauvage de nos jours.

Autre talent : le dessin et la peinture, inspirés par les rencontres faites lors des tournages.

Retrouvez des portraits qui lui sont consacrés sur Télérama : Perrine Crosmary, archéozoologue et nouvelle exploratrice de Canal +, et  “En Afrique du Sud, tous les animaux sauvages sont sous cloche

Autre article sur le site de l'Express : Les métiers improbables: Perrine, 37 ans, exploratrice archéozoologiste

Pourquoi l'animal sauvage ?

L’animal sauvage est un guide. Il m’inspire au quotidien dans ma vie et dans mon travail. Il fait souvent peur et fascine à la fois. Aussi, les hommes ont toujours cherché à le domestiquer, le dompter, l’étudier, pour mieux le contrôler. Rendre la nature docile, « casser » la part sauvage et mettre en cage me révolte ! C’est ce qui me pousse à travailler à la télé où sur le terrain pour mieux faire comprendre au public l’intérêt de chaque être vivant et de faire valoir leur droit à exister tout simplement.

Un maître à penser ? 

Difficile de choisir entre ces 2 personnalités exceptionnelles : Jane Goodall et Paul Watson.

Ces 2 personnes ont en commun leur amour et leur engagement sans faille pour les animaux. Ils n’ont pas d’égo, et tout ce qu’ils font, chacun à leur manière, ils le font pour la cause animale. Ils n’ont rien à perdre, tout à gagner.

C’est cette conviction qui me guide aussi depuis toujours, celle que nous devons agir chacun avec nos armes contre la destruction du vivant, en mer et sur terre.

Une œuvre marquante ? 

La première œuvre qui m’a rapprochée de la nature et du « sauvage » est le film « L’enfant sauvage » de François Truffaut, j’avais 5 ans. C’est un film adapté d’une histoire vraie (Victor de l’Aveyron). Victor était un enfant des bois, il survivait comme un animal sauvage. Dans l’histoire, il est arraché à la nature pour être éduqué comme un petit humain dans le contexte du XIX ème siècle. Mais sans langage (il est sourd et muet), ni éducation, il est inadapté à la vie en société.

Je me souviens m’être posée très tôt des questions sur le propre de l’homme et sur notre part animale. Quelle est notre place dans la nature ? Et je pense que ce film a beaucoup joué dans ma quête de réunification de l’homme à l’animal sauvage. A travers l’évolution, homme et animal sont intimement liés et je pense qu’il faut se rapprocher des animaux pour mieux vivre et comprendre notre humanité.

Si j'étais un animal sauvage ? 

Je parcours le monde à la rencontre des animaux sauvages. J’ai vécu longtemps en Afrique et au Canada avec la grande faune mais je ne m’explique pas le lien que j’ai avec le renard et la plupart des canidés. C’est du renard que je me sens très proche, peut-être parce que c’est l’animal sauvage que je rencontre le plus souvent autour de chez moi en France. Je vais souvent l’observer à la tanière. Au printemps, les renardeaux sont si joueurs et insouciants, on peut presque les toucher...

Leur statut de « nuisible » n’est pas justifié et priver les chasseurs du déterrage, du tir et du piégeage semble impossible. Sur le terrain, il m’arrive de parler avec certains d’entre eux, même si beaucoup reconnaissent le côté barbare de cette pratique, comme c’est autorisé par la loi, ils estiment qu’ils peuvent tout se permettre même les pires atrocités.

Une belle émotion ou rencontre avec la faune ? 

Il y a tellement de moments magiques, c’est une question difficile. Si il faut en choisir une, ma plus belle rencontre restera toujours celle des hyènes à Hwange lors de mon premier tournage en 2007. J’avais construit mon affût pour passer la nuit avec elles. J’étais seule au terrier du soir jusqu’à l’aube. Au ras du sol, à quelques mètres du terrier je vivais minute après minute la vie d’un clan de hyènes. C’est la rencontre la plus forte que j’ai ressentie dans ma vie, je connaissais bien ce groupe pour l’avoir suivi depuis des mois depuis mon 4X4. Elles me connaissaient et ne se sont pas senties agressées ni envahies par ma présence.

Un animal disparu qui reviendrait ?

Définitivement le lion des cavernes ! Disparu lors de la dernière glaciation en Europe, je me demande ce que ça ferait de croiser un lion natif de France aujourd’hui dans la campagne française !

 

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Un animal fantastique qui existerait ?

L’Aigle géant Gwaihir de Gandalf !

La photo ou la série à laquelle vous tenez particulièrement ?

La photo de Peter Beard où il rédige son carnet de croquis depuis la gueule d’un crocodile mort.

peter-beard-480x309 Spot préféré ?

Un endroit merveilleux dans la Pantanal, Bonito.

Un lieu mythique ?  

Retourner dans les Virungas

Et la technique ?

Je suis plutôt devant la caméra en ce moment mais pour approcher au plus près des animaux sauvages, je n’aime pas la technique de l’approche mais plutôt l’affût à un point stratégique où on est certain de rencontrer les animaux sans les déranger.

Des urgences ? 

Il y a tellement de combats à mener. J’avoue que parfois je me perds un peu car j’aimerais œuvrer plus personnellement, être disponible pour nombres de combats.

Je me concentre sur ce que je peux faire pour le moment , à mon niveau, grâce à mon association et aussi sur le terrain en manifestant au côté de grandes enseignes contre l’exploitation des animaux sauvages ou domestiques.

Des conseils ?

Je reçois de nombreux messages de jeunes ou moins jeunes qui veulent s’investir pour les animaux, travailler dans le domaine de la nature. Le premier conseil est de ne pas lâcher, de créer sa propre spécialité autour de son intérêt pour la nature, d’être actif et d’être patient. Il y a de la place pour tout le monde, il faut persévérer et ne pas hésiter à aller rencontrer les bonnes personnes.

Une association à mettre en avant ?

Avec des amis et mon mari nous avons créé l’association HISA (HUMAN INITIATIVE TO SAVE ANIMALS).

Depuis des années nous cherchons à aider les hommes et les animaux à vivre ensemble! Tous bénévoles dans l’équipe, l’association nous permet d’offrir notre aide ou notre expertise à différents projets. Actuellement, nous focalisons nos efforts sur la panthère des neiges au Ladakh et le guépard au Zimbabwe.

Récemment, nous avons aussi pris sous notre aile le courageux Tommy Gaillard qui s’attaque à la problématique du loup en France. Nous l’assistons pour son travail en collaboration avec Férus. Nous le conseillons notamment sur ses démarches, ses recherches de sponsors, son approche scientifique.

De mon côté, je m’engage aussi localement pour protéger les amphibiens d’une zone naturelle sensible soumise à différentes menaces (Lac du Pêcher, La Pinatelle). Nous avons réuni tous les acteurs locaux (forestiers, éleveurs, chasseurs…) pour essayer de trouver des solutions afin que ce massif sauvage soit mieux protéger.

Pour conclure ?

Il y a encore tellement de travail pour faire reconnaître l’utilité et l’importance des animaux sauvages dans un monde de plus en plus sous influence urbaine. Ces 100 dernières années nous sommes allés trop vite et nous avons été trop gourmands dans notre manière de « consommer » le vivant.

Néanmoins, il est encore temps de faire machine arrière, trouver des solutions pour ne plus vivre de l’exploitation des animaux et de la nature. Il faut continuer de lutter et parler au nom de ceux qui n’ont pas de voix. La nature, les animaux sauvages ou domestiques qui subissent les errances et les méprises des êtres humains ont besoin de tous leurs défenseurs pour se faire entendre. Il y a de grands combats qui sont menés aujourd’hui dans le monde pour les animaux.

 

C’est certain, le statut juridique d ‘«être sensible » ne va pas directement permettre de stopper les actes barbares et le manque de respect envers les animaux. Mais comme pour les animaux domestiques en février 2015, si ce statut est validé, nous pourrons au moins faire passer un message à tous ceux qui n’en sont pas encore convaincus: 

Nous ne pouvons plus utiliser les êtres vivants comme des choses. Il faut arrêter de croire, parcequ’ils ne parlent pas notre langage, qu’ils ne ressentent rien et qu’ils n’ont pas d’émotions !

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