Jean Larivière - 8 décembre 1939 - 19 octobre 2021- était photographe animalier, cinéaste, réalisateur de télévision et écrivain naturaliste français. Jacques Fretey, naturaliste herpétologie, son ami de longue date, lui rend un bel et vibrant hommage.
"Comme Jean Rostand que nous admirions tous les deux, l’enfance de Jean Larivière avait été immédiatement naturaliste avec des lectures des Souvenirs entomologiquesde Jean-Henri Fabre. Il ne sera pas entomologiste, mais fera des études littéraires, puis il sera tout d’abord assistant metteur en scène dans le cinéma. Bon photographe, il deviendra reporter pour plusieurs agences de presse, puis photographe dans la mode et la publicité.
De 1970 à 1976, il deviendra le documentaliste du producteur-réalisateur François de La Grange, et collaborera aux tournages de son émission télévisée « Les Animaux du Monde » sur la chaine TF1. C’était, à l’époque, la seule émission zoologique et environnementale, avec des reportages et des invités scientifiques. Il en écrira les commentaires des films. En mars 1976, il part pour le Zaïre avec François de La Grange pour un tournage, mais ce voyage se termine tragiquement par la mort du réalisateur, d’une crise cardiaque. Jean publiera en 1977 le livre « Le Monde mystérieux des gorilles » racontant cette émouvante aventure zaïroise en hommage au réalisateur. Il continuera cependant sa collaboration à l’émission « Les Animaux du Monde » avec Marlyse de La Grange, l’épouse de François. Il écrira avec elle deux livres : Les Animaux et leurs petits, et Les Animaux et leurs mystères.
Travaillant beaucoup pour la télévision, il sera aussi conseiller scientifique de l’émission Animage sur la Troisième chaine. D’une collaboration télévisuelle avec Vladimir Tartakovsky et Jean-René Vivet, naitront 3 livres aux Editions Bias dont il fera en plus des textes, la maquette et l’iconographie : Le Cygne, Le Chevalet Le Loup. Puis l’année suivante, sortira chez le même éditeur Sauvegarde de la vie sauvage aux Etats-Unis, et en co-écriture avec François de La Grange, Animaux extraordinairesaux Editions Nathan ; puis sera publié Le Monde sauvage des Montagnes rocheuses l’année suivante.
À partir de 1976 et pendant 10 ans, il sera chargé de mission auprès du Pr Jean Dorst, directeur du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, pour tout ce qui concerne l’édition, l’audiovisuel et la presse, afin de mieux faire connaitre la vénérable Maison. Puis en 1987, il lancera et sera le rédacteur en chef d’une extraordinaire revue des sciences de la terre et de la vie nommée L’Univers du Vivant . Extraordinaire, car Jean avait le sens de l’esthétique de la mise en pages de l’écrit naturaliste, qu’il savait habiller d’une iconographie toujours remarquable et rare. Et il avait aussi de façon innée le sens de la vulgarisation scientifique. Il sera également rédacteur en chef d’une autre revue, Scientifica. Mais il faut croire que c’était trop tôt dans l’époque pour que ces revues soient bien accueillies ; beaucoup de scientifiques restaient encore trop enfermés dans leurs labos pour s’adonner à la vulgarisation, et le grand public était encore rare à s’intéresser à l’environnement et à ce qu’on appelle aujourd’hui la biodiversité. La revue L’Univers du Vivants’éteignit après 2 ans d’existence. Les temps ont changé, puisque la revue d’histoire naturelle Espèces, comparable à L’Univers du Vivantest aujourd’hui une réussite éditoriale.
C’est à cette époque que j’ai connu Jean, rencontré lors d’un diner chez un ami commun possédant un petit zoo privé à l’Isle-Adam, puis que je l’ai fréquenté au Muséum où j’étais chercheur ; et nous sommes devenus amis, partageant les mêmes passions sous le regard bienveillant pour nous de Jean Dorst.
Déjà très attaché au Sénégal et préoccupé par une nature africaine qu’il découvre déjà très abimée, il écrira en 1978 avec le Colonel André-Roger Dupuyun nouveau livre : Sénégal, ses parcs, ses animaux. En 1980, avec l’explorateur polaire Paul-Émile Victor, il sortira un nouvel ouvrage intitulé : Les Loups. Puis, la même année, il publiera un essai personnel, Les Animaux et l’Homme, sur les rapports et parfois une cohabitation difficile entre la faune sauvage et les humains. Il écrira aussi un livre sur la Route de la Soie, et dont il me parlera parfois, mais je n’en trouve pas trace…
En 1990, il devient conseiller scientifique de la fondation créée par Nicolas Hulot et lui, et il y gèrera les bourses et les relations internationales. Il y restera 14 ans. Il publiera pendant cette période une monographie sur l’Éléphant dans la collection « État sauvage » dirigée par Allain Bougrain-Dubourg. En 1998, sera publié Le Kenyaaux Éditions du Chêne.
En mars 2004, Jean part vivre au Sénégal. Il s’engage auprès des populations locales pour la gestion participative de l’Aire du Patrimoine Régional des Trois Marigots, au nord du Sénégal, à quelques kilomètres du Parc national des Oiseaux du Djoudj. Dans 18 villages, Jean, là encore sera un précurseur ; de façon participative, il formera les villageois à la conservation de leurs patrimoines culturels emblématiques et naturels, tout en favorisant un développement économique viable et une meilleure qualité de vie des habitants, avec l’appui de la Première Dame, épouse d’Abdoulaye Wade.
Et c’est tout naturellement que je retrouverai Jean au début des années 2000 lors du projet de réhabilitation du Musée de la Mer de la Station de biologie marine créée sur l’île de Gorée par Théodore Monod, que Jean avait bien connu et avec qui il avait sympathisé au Muséum. Ce projet sera mené avec l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN), l’association Chélonée dont il sera l’ambassadeur au Sénégal, et Ambroise Monod, le fils du grand scientifique. Ce projet visait non seulement à la restauration de tous bâtiments historiques d’un site classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO, la transformation des labos en siège de mémorandums régionaux de la Convention de Bonn (Cétacés, requins, tortues marines…), mais aussi à y créer une nouvelle muséographie plus contemporaine faisant une part importante aux espèces marines menacées et à la préservation des habitats côtiers et marins. Jean avait déjà imaginé tous les produits dérivés qui pourraient être vendus aux visiteurs dans une boutique du musée afin de faire fonctionner la structure de façon parfaitement autonome, et tous les outils de communication. Jean mourra en ce mois d’octobre 2021 sans avoir vu aboutir ce beau projet.
Jean était un homme-orchestre qui avait 1000 dons et plusieurs vies. Ecrivain, dessinateur, maquettiste, naturaliste, scénariste, photographe, cinéaste, éditeur,… A noter qu’il sera l’un des pionniers de la photographie animalière en Afrique. Il était passionné de malacologie, et à ce titre souhaitait que la collection malacologique sénégalaise prêtée au Muséum de Paris pour identification des espèces, revienne au Sénégal pour être exposée au Musée de la Mer. Amateur éclairé d’art africain, il avait chez lui de très belles sculptures de différentes ethnies
En 2006, il illustrera de ses superbes photos l’ouvrage Bedik, peuple de pierres de Marie-Paule Ferry, Nicolas Hulot et Olivier Kywels, un livre sur une population humaine montagnarde vivantentre la frontière guinéenne au sud et la courbe du fleuve Gambie au nord.
Si je ne dois me souvenir que d’une image de Jean Larivière, c’est nous deux attablés pour un déjeuner de travail dans un restaurant sénégalais en bord de mer devant des plats de palourdes et d’oursins. Adieu l’Ami !"
Jacques Fretey