Les médiatiques

Julien PERROT, la Salamandre, c’est lui, le pédagogue de la nature

Julien Perrot, 52 ans, est le créateur d'une des plus belles aventures presse de ces dernières années : la Salamandre, magazine (version adultes et enfants) d'une haute qualité, illustrée magistralement par les meilleurs artistes, qui raconte, de numéro en numéro, la vie sauvage, les animaux, les plantes, les milieux, et milite pour une planète respectée.

Et organise un festival annuel sur les bords du lac Léman où se pressent de nombreux amis de la nature.

Julien la créée en 1983, à l'âge de 11 ans, tout simplement "parce que j’ai été fasciné par cet animal extraordinaire noir et jaune que j’avais découvert dans certaines forêts près de chez moi."

Comme quoi, dès le pas de la porte, tout est possible.

Rencontre à l'occasion d'un festival de Montier en Der

Pourquoi avoir créé La Salamandre  J’ai créé La Salamandre pour partager mon émerveillement pour la nature… la nature toute simple, toute proche, la nature ordinaire. Ce qui m’intéresse, c’est la sittelle, la fourmi, le chevreuil ou le chêne… plus que le rorqual bleu ou la girafe. J’essaie de sensibiliser le plus de gens possible pour les reconnecter à la nature, pour leur faire prendre conscience aussi de sa beauté… et de sa fragilité.

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Quels sont vos maîtres à penser, vos références ? J’ai eu la chance de connaître et de côtoyer un peu Robert Hainard, ce naturaliste, peintre, graveur, sculpteur et philosophe qui a profondément marqué ma jeunesse et mon éveil de jeune naturaliste.

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Parmi ceux dont la pensée m’a particulièrement touché ou nourri, il y a le forestier écologue américain Aldo Léopold, le philosophe provocateur français François Terrasson ou encore évidemment Pierre Déom et La Hulotte.

Votre livre / film référence autour de la nature ?

Il y en a plein. En ce moment, je vous recommanderais Sidérations de l’excellent et lucide Richard Powers.

Pourquoi l’animal sauvage vous attire tant ? Son altérité, son mystère absolu et insondable. Sa beauté. La tension, l’incertitude d’une rencontre peut-être. L’instant présent dans lequel son observation me précipite instantanément.

Et si vous en étiez un ? Très certainement une salamandre tachetée, un animal que j’admire beaucoup pour sa lenteur assumée, une vertu rare, salutaire et thérapeutique à notre époque.

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La ou les deux plus belles rencontres de vie sauvage ? Il y en a tellement. Mais n’imaginez pas que je vais vous raconter les éléphants admirés il y a plus de vingt ans dans l’Okavango ou le voyage à voile que j’ai eu la chance de faire au Spitzberg. Non, les présences sauvages qui me touchent le plus, ce sont des choses toutes simples : l’arrivée du crapaud accoucheur dans mon jardin, un machaon qui pond sur le fenouil du potager ou encore une famille castor que je suis allé observer tout près de la maison avec mes enfants.

 

Tous les jours si possible… Ce matin encore un pic épeiche qui explosait méthodiquement l’écorce des branches secs d’un vieux pin près de chez moi. Cela m’a fait du bien de le regarder. Cela m’a fixé dans l’instant précis, loin des tourments de notre époque de dingues…

 

Votre lieu de nature préféré ? Mon jardin, la forêt derrière chez moi… et puis les montagnes jurassiennes toutes proches. Je suis un montagnard totalement accro aux Alpes. Ce que j’aime le plus, ce sont les petits lacs de montagne dans une ambiance un peu minérale. Chercher aux alentours le lagopède et l’accenteur alpin, me baigner dans leur eau glacée, bivouaquer sur leur rive et contempler un ciel pratiquement exempt de pollution lumineuse.

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Le lieu mythique où vous rêvez d’aller ?

J’ai toujours rêvé de suivre un jour Darwin aux Galapagos… mais sans avion ce sera compliqué. Plus atteignable le Delta du Danube, un autre rêve de gosse que je m’étais promis pour mes 40 ans. Mais les circonstances de la vie ont fait qu’il ne s’est pas encore réalisé… Pas grave, c’est bien d’avoir des rêves.

L’œuvre qui vous semble illustrer le mieux votre parcours ? Un numéro de La Salamandre, quel qu’il soit, où je m’efforce avec mon équipe de mettre plein d’amour pour la nature qui nous entoure.

Vous allez en nature avec quel matériel ? Je n’aime pas interposer d’appareil entre la nature et moi… à part les jumelles et parfois la longue-vue. Mais je vais devoir me remettre à la photo et aussi à la vidéo pour les besoins des médias sociaux J

Et quelles techniques de rencontre avec l’animal sauvage ? J’aime l’affût, tout particulièrement en hiver quand on peut dormir sur place, dans la neige.

Un conseil au débutant dans votre activité ? Se laisser émerveiller par toutes les petites choses qui nous attendent sur le pas de sa porte. Ne pas tomber dans le miroir aux alouettes de la collectionnite aux raretés. S’intéresser aux comportements, aux raisons de la présence ou de l’absence d’une espèce, être sensible à l’histoire que chacune d’entre elles raconte.

Une initiative prise ou à prendre en faveur de la faune sauvage ? Réglementer très sévèrement la chasse aux oiseaux migrateurs et faire respecter la loi sur l’ensemble du territoire.

Une urgence pour la faune sauvage ? En ce moment le plus grand danger global me paraît être le déréglement climatique parce que, contrairement à d’autres menaces, il est largement irréversible… au moins à notre échelle de temps.

Le scandale absolu en rapport avec la nature qui vous révolte ? Le deux poids deux mesures entre les petits risques provoqués par la faune sauvage (ours, loups ou vieux arbres potentiellement dangereux) sur lesquels on a zéro tolérance… et les risques énormes découlant des activités humaines sur lesquelles on n’applique absolument pas le principe de précaution (pesticides, épuisement des sols, climat…)

Plutôt optimiste ou pessimiste pour l’avenir ? Optimiste pour aujourd’hui, car la vie c’est maintenant et il faut en cultiver la joie à chaque instant. Clairement lucide sur le fait que le mur contre lequel se précipite notre société depuis des décennies se rapproche à grande vitesse. Plus le choc tarde, plus il sera violent.

Pour conclure, Vous disparaissez ce soir, qu’aimeriez-vous laisser comme dernier message ? Un message d’amour et de réconciliation entre l’homme et la vie sauvage.

 

JULIEN A TOUS LES POUVOIRS

- Vous êtes invité(e) à une séance de spiritisme. Bien que sceptique, on vous demande de choisir la personnalité "écologique" décédée avec qui vous pourrez communiquer pour quelques minutes. Qui choisissez-vous ?

Cela me ferait plaisir d’échanger avec mon grand-papa Jean-Louis Perrot, décédé d’un cancer en 1969 trois ans avant ma naissance. C’était un biologiste et naturaliste passionné, ami de Robert Hainard, qui a participé activement à la réintroduction du castor en Suisse.

- Député(e), vous vous retrouvez seul(e) dans l'assemblée Nationale déserte. Vous avez alors toute latitude pour abroger, amender ou créer une seule loi environnementale. Laquelle ?

Restauration prioritaire de la biodiversité sur 20% des surfaces agricoles avec fortes incitations financières de l’Etat d’une part et d’autre part interdiction complète des pesticides pour toute forme d’activité agricole dans un délai de 10 ans, histoire de laisser le temps à l’agriculture et à la recherche agronomique de se moderniser complètement.

- Généticien(ne) fan de Jurassic Park, vous savez faire revenir à la vie une espèce disparue, ou inventer une espèce hybride fantastique. Laquelle ?

Mauvaise idée. J’aimerais que nous concentrions nos efforts sur les espèces encore présentes naturellement et grandement menacées.

- Vous avez les clefs de la De Lorean de "Retour vers le Futur". Vous réglez l'horloge vers quelle époque pour cotoyer quels animaux ?

J’aimerais beaucoup voir la steppe sèche qui recouvrait une bonne partie de la France lors de la dernière glaciation, un milieu dont la physionomie devait ressembler à la savane africaine… en beaucoup plus frais avec une multitude de grands animaux, chevaux, félins, mammouths, rhinocéros laineux, aurochs...

- Grand Maître Bouddhiste, vous pouvez choisir l'animal dans lequel vous vous réincarnez pour une nouvelle vie. Lequel ?

Un milan royal, tellement heureux de tutoyer le ciel sans un effort…

- Vous êtes nommé(e) Ministre de l'Education. Que mettez-vous en priorité au programme : le principe de la cascade trophique, la théorie de Darwin sur l'évolution des espèces, la sixième extinction de masse, le rôle des insectes et des vers de terre, ou... ?

La permaculture et l’écologie régénératrice.

- A la tête de l'ONU qui aurait enfin du pouvoir, vous avez la possibilité de sanctuariser ad vitam eternam un seul hotspot de la biodiversité : Ngorongoro, Pantanal, Galapagos, Spitzberg, Baie de Somme... ?

Difficile… Si je pouvais toute l’Amazonie ou ce qu’il reste de forêt équatoriale en Afrique, ce serait bien, non?

- Pénurie mondiale de bois : l'Arche de Noë sera plus petite que prévue. En tant que capitaine de l'Arche, quelles sont les 5 espèces que vous sauvez de la disparition ?

Je pense qu’en priorisant des unicellulaires, des algues, du plancton, des moisissures diverses, j’arriverai à embarquer des milliers d’espèces même sur un espace très réduit.

- Quel gage à qui ? :

* le PDG de Bayer doit enfumer une ruche sans combinaison d'apiculteur,

* le président de la fédération des chasseurs doit s'asperger d'urine de biche en chaleur pendant la période du brâme,

* l'investisseur principal de Marineland doit se jetter dans le bassin des orques déguisé en otarie,

* le ministre de la santé Chinois doit boire tous les matins une décoction de selles de pangolin, poils d'ours et bave de requin

* le président de la République doit dire lors de sa prochaine allocution télévisuelle "chasseurs, pêcheurs industriels, éleveurs, groupes pétrochimiques : je n'ai pas besoin de vos votes"

Excellent! Je propose de trouver le moyen de réaliser ces 5 excellents gages.

- Vous pouvez lors d'une publicité télévisuelle hypnotiser les téléspectateurs pour transformer l'image négative d'une espèce afin qu'elle devienne sympathique : requin, serpent, araignée, chauve-souris ou... ?

Les requins, ce serait bien, avant qu’ils aient disparu…

- Fin négociateur, vous pouvez forcer tous les acteurs d'un conflit à trouver un accord bon pour la faune : éleveurs / défenseurs des grands prédateurs, industrie phytosanitaire / apiculteurs, chasseurs / promeneurs, laboratoires d'expérimentation animale / associations de protection, ... ?

Je choisirais l’enjeu du loup, tellement clivant et conflictuel en ce moment, en repartant des bases raisonnables que peuvent nous enseigner les nombreuses études scientifiques sur le sujet.

Pour que les loups couronnent l’équilibre naturel des espèces avec un impact négatif minimal sur les activités humaines.

- Vous gagnez le (très) gros lot au loto : quelle(s) association(s) de protection mettez-vous définitivement à l'abri du besoin ?

En France, je voterai pour l’ASPAS qui fait un travail extraordinaire.

- Ministre de la propagande dans une dictature, vous avez la possibilité de réécrire l'histoire . Votre choix se porte sur quel événement lié à l'environnement ?

En 1979, les scientifiques ont été à deux doigts de convaincre Reagan de prendre des mesures vigoureuses contre le déréglement climatique. A l'époque, il était encore temps.
Nathanael Rich raconte dans son livre terrible "Perdre la terre" comment l'industrie pétrolière a réussi a éviter le déclenchement d'une lutte forte contre le dérèglement climatique.
J'aurais aimé qu'ils n'y arrivent pas et que cette année 1979 soit la première d'une grande action planétaire contre ce fléau.
- Prestidigitateur de talent, vous savez faire disparaître à jamais un objet de la civilisation ? Fusil de chasse, pulvérisateur de produit chimique, filet de pêche industriel, fouet de dompteur / dresseur, tronçonneuse...
On les enlève tous... mais commençons par le fusil de chasse. Ça fera du bien...

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