Rencontrer Pierre Hainard, c'est rencontrer un père et un fils à la fois : le père, Robert Hainard, artiste animalier, naturaliste, philosophe, référence absolue de l'histoire de l'art de la nature du 20ème siècle, dont des dizaines d'artistes et de photographes se réclament; et le fils, Pierre Hainard, qui parle si bien de son père qu'on les perçoit cheminer ensemble à travers la vie sauvage et comme si l'on était en leur compagnie.
Nous avons rencontré Pierre fin janvier 2016; Un entretien de mémoire vivant comme la vie qu'il mène et qu’a menée et aimée Robert Hainard, foisonnante, qui passe d’un point à un autre, qui ne s’endort pas, qui traverse l'existence en la prenant par tous les bouts de la nature et de l'art.
Un moment exceptionnel, exclusif, offert, livré brut aux internautes de faunesauvage.fr, illustré d'oeuvres de Robert et de Germaine sa femme. Cet entretien complète la page Pionnier du site consacrée à Robert Hainard qu'hélas nous n'avons pu croiser avant son départ vers "Le Grand Tout" en 1999.
En préambule, Pierre évoque son propre parcours, intimement lié à celui de son père :
J’aurais bien aimé être artiste animalier, bien sûr ! Puisque j’étais en plein dedans. D’abord j’ai commencé par croire que ce que mon père faisait, c’étaient des copeaux, parce que quand j’étais bébé, je jouais sous l’établi, avec des copeaux !
Pierre Hainard bébé (par sa mère Germaine Hainard-Roten)
Puis, après, j’ai vu qu’il faisait des images. J’aurais bien voulu faire de même, être artiste animalier ; mon père m'a résumé la situation comme ça : "Artiste animalier, c’est facile, il suffit d’avoir l’œil rapide et une bonne mémoire ». Et l’œil rapide, je ne l’avais pas ! Et la bonne mémoire, ça m’a amené, pour rester dans la nature, à virer du côté végétal, parce que c’est plus facile d’observer des végétaux que des animaux, pas besoin de les affûter durant des heures par des nuits glaciales, pour pas les voir. Non merci! Et puis comme j’aimais bien voir les paysages, comme ma mère, j’ai fait de la biogéographie végétale.
De quoi s’agit-il ? C’est en fait la répartition géographique des plantes et des communautés qu’elles forment ; en fait la science de la végétation. J’ai pratiqué et enseigné cette science. L’aboutissement c’est finalement des cartes de végétation ; Donc je me suis quand même retrouvé dans des images pour finir! J’aimais bien la gravure sur bois, j’en ai fait une à 15 ans, avec la technique spéciale de mon père : 5 planches, 30 exemplaires, tout seul, à l’établi et sur la presse à bras. Il m’a dit : « on voit que tu connais bien ma technique »...