Personnalités à découvrir

RENAUD Amandine

Nous avons croisée Amandine - fondatrice de l'association P-WAC, primatologue passionnée et doctorante en anthropologie de la nature, qui consacre sa vie à la conservation des primates - aux rencontres du 1% pour la Planète où son témoignage émouvant sur ses actions en faveur des chimpanzés du Congo, pas toujours faciles, ont saisi l'assistance.

Nous avons voulu en savoir davantage sur son cheminement : Rencontre!

En 2022, elle sort son livre "Mon combat pour les grands singes"

 

Votre Parcours en quelques mots? Je suis née en 1981, dans une petite cité de la banlieue lyonnaise. Béton, immeuble, loin de toute végétation. J’ai toujours été proche de la nature, des animaux, dès mon plus jeune âge. L’aspect protection et préservation me tenaient déjà à cœur : je m’occupais de tous les animaux orphelins, et à la cité, on en avait ! Passionnée par les gorilles de montagne j’ai voulu rencontrer ces grands singes et voir si je pouvais vivre en milieu tropical, loin de tout, et alors faire ma carrière auprès d’eux. J’ai débuté le terrain à 22 ans, puis voyant que c’était un milieu qui me correspondait, j’ai entrepris des études pour devenir primatologue, dans une université anglaise. Ensuite, j’ai fondé l’association P-WAC pour venir en aide aux primates victimes du braconnage, chimpanzés mais aussi cercopithèque ascagne, ainsi que leur habitat naturel, les forêts tropicales. Mon projet composé de quelques bénévoles en France, ne prend pas de touristes ni de bénévoles sur place : nous travaillons uniquement avec la communauté locale villageoise.

Vos actions en cours et à venir en quelques mots ? Les priorités ? Objectifs poursuivis ? Notre action principale est de récupérer des primates orphelins du fait du braconnage et de la déforestation. Nous avons un orphelinat pour leur permettre de réapprendre la vie sauvage. Cette école de la brousse va leur donner toutes les clés pour un retour à la vie sauvage dans quelques années. On ne relâche pas un animal   dans une forêt non préservée : ainsi nous achetons des parcelles de forêts pour les protéger et offrir un plus grand espace de réhabilitation à nos orphelins, et un havre de paix à la faune sauvage locale. Nos priorités pour 2021 : construire de nouveaux enclos de réhabilitation pour accueillir plus d’orphelins, acheter plus de terres pour notre aire communautaire, éduquer les villageois grâce à une campagne de sensibilisation originale.

Quels sont vos maîtres à penser ? La vie de Dian Fossey. Son engagement, son abnégation pour une espèce si proche de l’homme. Cette grande dame m’a inspiré : une seule chose importante à ces yeux, protéger ces animaux menacés par l’homme. Elle réalisait ce qui m’inspirait… et m’inspire toujours. Mais au quotidien, ce sont les orphelins qui m’inspirent et qui me motivent à continuer.

Pourquoi cet intérêt pour le sauvage ? Je ne sais pas pourquoi je suis autant attirée par la nature, le sauvage. Peut-être parce que depuis toujours c’est entouré de nature et connectée à elle que je me sens le mieux. Peut-être par que je pense qu’il est notre devoir de la préserver… Après tout, nous sommes là grâce à elle. Agir pour elle est la moindre des choses. Peut-être encore parce que, ce qui m’insupporte aujourd’hui, est la bêtise humaine, cette supériorité erronée et ressentie par tant de personnes, face à la nature, quitte à la piller, l’exploiter au lieu de la remercier. Ce déni environnemental, cette coupure homme-nature, cet anthropodéni qui nous poussent à croire que nous sommes les seuls à ressentir, souffrir, et à avoir un droit de vivre selon nos envies et besoins… C’est un cumul d’injustices en réalité qui font que je m’intéresse à ce milieu environnemental depuis toujours.

Si vous étiez un animal sauvage ? Je suis chimpanzé. Et caméléon

La ou les deux plus belles rencontres / émotions de rencontre de vie/faune sauvage ? Une rencontre avec un jeune cercopithèque ascagne. Kiki. Celui qui m’a permis de découvrir le monde ascagne. Kiki avait été acheté par un couple de français en mission au Kongo Central. Malgré nos échanges et les explications de la mission de P-WAC, notamment, la lutte contre le braconnage, ce couple a acheté Kiki pour nous l’offrir, pour qu’on le relâche en forêt. En réalité, ce couple, pensant bien faire, à encourager le braconnage, a permis au vendeur d’obtenir une rentrée financière, et au chasseur, d’acheter de nouvelles balles pour repartir chasser, et vendre de nouveau en ville, des singes orphelins. Kiki était là. Je ne pouvais pas le laisser. Il n’était pas prévu au programme, je voulais que P-WAC s’axe uniquement sur le chimpanzé, l’espèce que je connais le mieux, et que j’avais étudié en milieu naturel. Mais il était là. Il a été le premier orphelin du projet, et sa personnalité m’a bouleversé à jamais.

Vos lieux de nature préféré ? La forêt. L’océan, le bruit des vagues.

Le lieu mythique où vous rêvez d’aller ?  L’inde pour sa culture et sa nourriture, ses couleurs. L’Islande et l’Ecosse pour les aspects mystiques et naturels.

Quel matériel utilisez-vous pour rencontrer la vie sauvage ? Je travaille avec des caméra traps Minox principalement. Pour les photos, soit mon téléphone qui fait de belles photos, soit mon Nikon D70.

Et quelles techniques de rencontre avec la vie sauvage / l’animal sauvage ? J’écris. J’observe. Je ressens. J’écoute.

Un conseil au débutant dans votre activité ? Oubliez les reportages romancés sur l’Afrique. Mettez de cotés tous vos idéaux, votre imaginaire, vos attentes. Observez. Apprenez. Ne jugez pas. Imprégnez-vous.

Une urgence pour la vie / la faune sauvage ? Toute la faune sauvage. Mais j’aimerais que les espèces moins « sexy » que le chimpanzé, comme l’ascagne par exemple soit autant considéré et que les bailleurs internationaux prennent conscience de leur valeur écologique, même s’ils font moins…rêver que les grands singes.

Une association qui vous tient à cœur ? Pourquoi ? La mienne, fondée en 2013. J’ai créé P-WAC après avoir travaillé pendant plus de dix ans dans des projets existants, en passant de simple bénévole à étudiante puis responsable. Je n’ai jamais trouvé les valeurs et l’éthique qui me correspondaient. Je me suis décidée à monter mon projet (ce qui n’était pas du tout dans mes plans de carrière) suite à des échanges avec des amis proches, également investis dans la protection de la faune sauvage, et tous m’ont encouragé à monter ce projet. Ils sont encore aujourd’hui à mes côtés et je suis ravie d’avoir pu monter un organisme qui a des valeurs humaines fortes. Certes, notre équipe est encore petite, et nous avons peu de moyens, mais nous avançons ensemble, dans la bienveillance, et pour une seule cause : les primates.

Pour conclure, vous disparaissez ce soir, qu’aimeriez-vous laisser comme message aux autres ? Drôle de question. J’espère que j’aurais laissé les clés en main pour continuer ce projet. J’espère avoir changé les choses à mon petit niveau, mais je ne suis qu’une petite goutte d’eau… Alors…je dirais : « Restez connecté à la nature, respectez-la et mettez tout en œuvre pour la protéger, car au final, il n’a que cela qui compte. »

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