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Stéphanie Clément-Grandcourt, directrice générale de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) : interview

En dépit des turbulences qu'elle traverse, la FNH reste une fondation qui pèse dans le paysage de la préservation de la nature et de l'environnement. Et ce n'est pas Stéphanie Clément-Grandcourt, qui vient d'arriver à sa tête, qui dira le contraire. Son récent appel aux adhérents, au public, qui fait la part belle aux femmes et au respect qui leur est dû en toutes circonstances, le prouve.

Nous avons souhaité savoir davantage sur le parcours de cette femme aux manettes de la FNH depuis quelques mois : Rencontre!

Après une formation en école de commerce et un parcours dans le marketing alimentaire et les médias, Stéphanie Clément-Grandcourt a co-fondé et co-dirigé durant 10 ans une agence d’édition et de production de contenus éditoriaux.
Portée par un intérêt pour la recherche scientifique et la philanthropie, elle rejoint en 2011 la Fondation pour la Recherche Médicale, à la tête du département Philanthropie et Partenariats. Elle suit en 2016 le Cycle des Hautes Études Européennes à l’ENA.

En 2017, elle embarque « à bord » de la Fondation Tara en tant que directrice du développement des ressources, et suis une formation sur la gouvernance à l’Essec en 2020.

En 2021, elle succède à Cécile Ostria à la direction générale de la Fondation pour la Nature et l’Homme. 30 ans après la création de la Fondation, Stéphanie se réjouit d’accompagner son président Alain Grandjean et son équipe de 30 salariés dans une volonté commune : dépasser les résistances qui entravent encore la transition écologique et solidaire ; tout en soutenant celles et ceux qui la déploient, pour que de l’exception, elle devienne la norme.

Votre Parcours en quelques lignes ? Je suis née dans le Sud-Ouest. Mon père était un fin connaisseur de la nature et de la faune sauvage des campagnes. Ma mère était profondément méditerranéenne et adorait la mer. Je viens un peu de tout cela. Petite, je passais beaucoup de temps à jouer dehors, j’étais entourée de beaucoup d’animaux et je voulais être océanographe ou reporter de guerre. Je n’ai fait ni l’un ni l’autre puisque mon parcours est plutôt entrepreneurial mais depuis plus de 10 ans que je travaille pour l’intérêt général, je suis heureuse de contribuer, et aujourd’hui plus que jamais au sein de la FNH, à agir en faveur de la protection de la biodiversité et pour accélérer la transition écologique et solidaire.

- Vos actions en cours et à venir en quelques mots ? L’urgence écologique et climatique n’est plus à démontrer, on en éprouve la triste réalité chaque jour à travers les médias qui relatent les conséquences tant ici, qu’à l’autre bout du monde. Et pourtant les changements tardent à s’opérer tant la tâche est grande et les résistances au changement encore fortes. C’est sur cela que la FNH travaille. Notre enjeu est de lever les doutes et les blocages pour accélérer la transition. Pour ce faire, nous nous mobilisons pour apporter des réponses à la question du « comment » et convaincre les acteurs politiques, économiques mais aussi embarquer avec nous les citoyens et citoyennes.Nous le faisons à travers notre Think Tank en investiguant des sujets compliqués comme la réduction des pesticides ou la transformation du modèle économique afin de proposer des feuilles de route.

Nous le faisons avec le Pacte du Pouvoir de Vivre, collectif qui rassemble plus de 65 organisations pour porter dans le débat publique une vision écologique et solidaire de notre société. Nous le faisons avec l’Affaire du Siècle pour pousser l’Etat à prendre des décisions

plus ambitieuses pour le climat dans l’intérêt de tous. Et bien sûr aux côtés des acteurs de terrain et du grand public pour proposer à tous des moyens d’agir . Tout cela, la FNH le fait grâce à son équipe de 30 personnes dans une approche basée l’expertise scientifique, la proposition, le dialogue, et surtout sans dogmatisme.

 Une fois cela dit, il ne vous a pas échappé que Nicolas Hulot a quitté ses fonctions de président d’honneur. 2022 va donc ouvrir un nouveau chapitre de notre histoire, avec toujours la même énergie et la même volonté de contribuer à changer nos vies.

- Quels sont vos maîtres à penser, vos références culturelles ? Je n’ai pas de maître à penser, je n’aime pas trop l’idée d’ailleurs….

Mais je crois volontiers qu’un esprit s’aiguise. A ce titre, je suis une lectrice presque «compulsive», j’ai toujours beaucoup lu et j’ai noué avec certains livres une amitié très fidèle qui me nourrit encore aujourd’hui. Parmi ceux-là, Cyrano de Bergerac. J’aime le panache de ce personnage, son courage, sa dignité aussi. Et puis il est Gascon… Je relis aussi souvent des passages de l’Iliade d’Homère.

L’hubris, la démesure dans toute la palette des sentiments humains qui se déploie dans ce livre est encore terriblement d’actualité à mes yeux.

J’ajouterais Sempé et son talent, unique, pour capter la poésie du quotidien dans un dessin.

Enfin, je plonge avec délice dans chacun des numéros La Hulotte qui devrait être, selon moi, un magazine reconnu d’utilité publique.

- Pourquoi cet intérêt / cette attirance pour la nature ? J’aimerais tout d’abord rappeler que la FNH a été créée sur cette idée que l’émerveillement que procure la nature pour qui la contemple est le premier pas vers le respect. Je pense que nous avons tous fait cette expérience. De façon très personnelle, la nature me touche par le silence « habité » et l’apaisement qu’elle offre. Sans doute aussi parce que la nature est plus forte que nous. Elle nous force, je crois, à une certaine humilité. Sous l’eau par exemple, vous n’êtes maître de rien. Vous êtes simplement toléré. Cela nous oblige.

Et puis la nature ouvre un champ de découvertes et d’interrogations inépuisables. Sait-on par exemple pourquoi les baleines sautent ? Beaucoup de chercheurs se sont penchés sur la question. Dans un registre plus poétique, l’auteur Nicolas Cavaillès a écrit un ouvrage sur le sujet « Pourquoi le saut des baleines » dont je recommande la lecture. Il voit notamment dans le saut des baleines la manifestation d’une liberté absolue. Je crois que j’aime bien cette idée.

- Si vous étiez un animal sauvage ? L’orque ou la tortue marine. Et comme je crois que « sauvage » n’est pas forcément synonyme de grands animaux ou d’espaces lointains, j’ajouterais le bourdon envers qui je nourris, au grand amusement de mes proches, une grande passion !

- La ou les deux plus belles rencontres de vie sauvage ?  J’ai eu l’immense privilège, il y a quelques années à Mayotte, de plonger à la rencontre d’une baleine à bosse et de son baleineau. Je parle de privilège car elle m’a laissé les observer tous les deux durant un assez long moment avant de s’éloigner tranquillement. Encore aujourd’hui, je pense souvent à ce moment durant lequel une certaine crainte face à ce gigantesque mammifère s’est mêlée au plus total émerveillement…

- Votre/vos lieux de nature préféré ? J’ai eu la chance de beaucoup voyager dans des espaces de nature incroyables. Je pense notamment au Sahara, à la Colombie Britannique que

j’aime particulièrement ou aux forêts des parcs naturels québécois. Mais je crois que mon lieu de nature préféré reste le monde sous-marin. Je ne suis jamais aussi heureuse que lorsque je passe la tête sous la surface de l’océan. Je suis une plongeuse assez contemplative et je peux passer des heures avec un simple masque et un tuba à observer la faune minuscule sur un rocher ou sur une patate de corail par exemple.

- Le lieu mythique où vous rêvez d’aller ?  Le profond, ces espaces sous-marins qui nous sont inaccessibles. J’aime l’idée que sur cette planète subsistent encore des espaces inexplorés. Je suis par exemple très admirative des travaux de l’océanographe Sylvia Earle et de ses expéditions.

Je crois qu’elle cumule quelques 7000 heures de plongées et qu’elle a dirigé plus d’une centaine de missions, certaines à de grandes profondeurs… Faire progresser la connaissance au service de la protection de nos écosystèmes est pour moi l’une des grandes aventures de notre époque.

- Un animal disparu revient, lequel ? Pourquoi ? Et un animal fantastique à imaginer ? Je crois sincèrement qu’il est plus urgent de faire en sorte que les animaux cessent de disparaître et que la préservation de la biodiversité devienne une priorité partout sur la planète. Une étude internationale a par exemple récemment montré que les chants des oiseaux sont en voie de disparaître de nos paysages sonores. En 15 ans, les campagnes françaises ont perdu 33% de leurs oiseaux, les populations d’insectes et la flore sont en chute libre… Faisons en sorte que cette biodiversité là ne disparaisse pas ! Et ça  se joue au quotidien, à travers des actions très concrètes auxquelles tout le monde peut participer en donnant un peu de son temps. A la Fondation, nous avons mis en place le plus grand réseau de bénévolat nature de France avec notre plateforme « J’agis pour la Nature ».


Cette plateforme permet à chacun de participer aux actions de terrain de plus de 800 associations engagées dans la préservation de l’environnement. Certains vont planter des arbres, d’autres soigner des animaux blessés ou creuser des mares pour recréer des zones humides, ramasser les déchets qui jonchent les paysages. Tout cela contribue à préserver la nature.

Quant à l’animal fantastique qu’il est urgent d’imaginer… Pourquoi pas une humanité qui réalise enfin qu’avec les grands pouvoirs viennent les grandes responsabilités et qui se donne collectivement les moyens de s’attaquer sérieusement à ces problèmes.

- Une urgence pour la vie sauvage ? ? Sans hésiter la réduction drastique des pesticides ! C’est un sujet qui me tient beaucoup à cœur. Il en va de la santé de nos sols, de notre eau. Il en va de la santé des agriculteurs, des consommateurs, de chacun d’entre nous. La FNH en fait l’une de ses priorités. Notre enjeu est de mettre en lumière ce qui bloque pour porter des solutions qui permettront enfin d’avancer sur ce dossier.

En mars 2021, nous avons ainsi sorti un rapport qui démontre que sur 23,2 milliards de fonds publics fléchés vers les acteurs agricoles et alimentaires, seul 1% de ces financements a des effets avérés sur la réduction de l’utilisation des pesticides. Nous avons posé le diagnostic, nous poursuivons avec des propositions pour faire évoluer les choses.

- Une initiative prise ou à prendre en faveur de la faune sauvage, laquelle ? La plantation de haies, un habitat pour de nombreux insectes, oiseaux, petits mammifères…  C’est un sujet qui va beaucoup mobiliser la FNH en 2022 avec le lancement d’une grande campagne.  Nous allons faire de la pédagogie grand public sur leur intérêt et inciter le plus grand nombre à devenir acteur de son territoire en replantant des haies en proposant notamment à chacun et chacune une formation en ligne, gratuite. A découvrir en 2022 !

- Pour conclure, vous disparaissez ce soir, qu’aimeriez-vous laisser comme message aux suivants ? « Le monde change, profondément. Mais une chose est certaine, l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais bien ce que nous allons en faire ». Cette citation d’Henri Bergson résume aussi parfaitement l’état d’esprit qui m’anime et qui anime je crois les équipes de la Fondation. Nous sommes plus que jamais déterminés à peser et à agir pour relever le défi climatique, préserver la biodiversité, et démontrer que les enjeux écologiques, économiques et sociaux sont étroitement liés. Dans ce monde qui voit l’urgence climatique devenir chaque jour plus concrète, nous ne cesserons jamais de proposer des solutions pour accélérer la transition écologique et solidaire et bâtir un monde plus durable et plus juste.

©jbdumond2021

 

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