Tandis que la France s’apprête à voter pour le second tour de l’élection présidentielle, un autre vote se prépare au Parlement européen qui aura une influence majeure sur l’ambition écologique de l’Union européenne en matière de préservation des puits de carbone et de la biodiversité. Au cours de la première semaine de mai à Strasbourg, les députés européens pourront faire en sorte que les aires marines qu’on appelle « protégées » le soient réellement en y interdisant les méthodes de pêche destructrices comme le chalutage de fond.
Le rapport d’initiative sur l’économie bleue de la députée socialiste portugaise Isabel Carvalhais [1] qui sera soumis au vote du Parlement européen la semaine du 2 mai est l’occasion de redonner du sens aux mots de façon à ce que « aires marines protégées » ne signifient pas « aires marines exploitées ». Le vote d’un rapport d’initiative ne crée pas encore de norme contraignante mais est une première étape indispensable pour obtenir l’interdiction des activités destructrices dans les aires protégées.
Des mots aux antipodes de la réalité
La réalité des aires marines dites « protégées » est que leur immense majorité n’est absolument pas protégée. Il est parfaitement possible d’y extraire des ressources ou d’y pêcher avec des engins tractés qui raclent les fonds marins, comme le chalutage de fond ou la senne démersale.
- Aujourd’hui, 86% des eaux européennes dites « protégées » sont intensément chalutées. Une étude scientifique publiée dans la revue « Science » a même montré que dans plus des deux tiers des aires marines protégées (AMP) du Nord de l’Europe, le chalutage était 1,4 fois plus intense à l’intérieur de la zone dite « protégée » qu’à l’extérieur. [2]
- La Commission européenne a alerté sur le fait que moins de 1% des aires marines étaient strictement protégées dans l’Union européenne. [3]
- La Cour des comptes de l’UE a souligné en 2020 que le réseau européen d’AMP tel qu’il a été constitué au cours des 20 dernières années échouait à fournir une réelle protection à l’environnement marin.
Un vote crucial pour le climat et la biodiversité
Protéger l’océan des activités à fort impact comme le chalutage de fond est un moyen efficace de lutter contre le dérèglement du climat. Les experts de la biodiversité réunis dans la Plateforme intergouvernementale scientifique IPBES alertent : « à l'échelle mondiale, on estime que la perturbation du carbone des sédiments marins jusque-là non perturbés par le chalutage libère l'équivalent de 15 à 20 % du CO2 atmosphérique absorbé chaque année par l'océan ». [4]
L’océan est de fait un allié essentiel dans le combat que nous devons mener contre la crise climatique.
Lorsqu’elles sont réellement protégées, les AMP sont un puissant outil de restauration des écosystèmes marins et de préservation de la biodiversité. Les biomasses de poissons dans les réserves marines sont en moyenne 670% plus importantes que dans les eaux non protégées environnantes. [5]
Mais pour que l’océan puisse rendre des services écosystémiques aussi essentiels, nous avons besoin d’un océan en bonne santé qui ne soit pas sous constante pression de la perturbation physique générée par les activités de pêche industrielle.
Alors que le dernier rapport du GIEC appelle les décideurs politiques à agir immédiatement et massivement pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, ce vote fixera le niveau de détermination des eurodéputé-es à joindre les actes à la parole
SOURCE
Valérie de Baecque / Patricia Roy valerie@press-consultant.com / Tel. +34 671 66 10 12 / +34 696 90 59 07 |
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