Joseph Garrigues, ex-conservateur de la forêt de Massane dans les Pyrénées-Orientales, marche depuis le 13 janvier pour sauver sa forêt. Un collectif de chercheurs, agronomes, associatifs, appelle à le rejoindre pour alerter sur l’effondrement de la biodiversité et les pesticides qui empoisonnent la terre, les champs et les forêts.
Il a vu sous ses yeux dépérir «sa» forêt.
Il y a vu l’effondrement de la biodiversité, victime du changement climatique et des résidus de pesticides agricoles qu’il a retrouvés jusque dans les trous d’eau dans le vieux bois. Précisons que cette forêt-là, en libre évolution, n’a pas été exploitée depuis plus de cent cinquante ans, qu’elle est classée en réserve naturelle depuis cinquante ans, et inscrite au patrimoine mondial de l’humanité depuis 2021 ! En novembre, il a vu éclore les feuilles de 360 hêtres au cœur de l’automne. Du jamais vu de mémoire d’homme !
Alors Joseph est parti.
Conservateur de la Réserve naturelle de la forêt de la Massane (Pyrénées-Orientales) depuis trente et un ans, Joseph Garrigue vient de mettre fin à son contrat pour se battre pour la survie de «sa» forêt. Le 13 janvier, il a entamé avec sa compagne une marche de deux mois de La Massane jusqu’à Paris. Dans son sac à dos, 45 000 espèces d’arbres, de fleurs, d’insectes, de champignons, d’escargots, d’oiseaux, qui font de la forêt de la Massane l’un des espaces naturels les mieux connus de la planète et un havre de biodiversité. Mais pour combien de temps ?
Une forêt n’est pas un champ d’arbres
Faut-il le redire ? Une forêt n’est pas une usine à bois. Elle n’est pas un champ d’arbres. Elle est un écosystème complexe, sophistiqué, dans lequel chaque espèce, microbienne, végétale ou animale, et chaque individu, joue sa partition et dont le climat mondial a le plus grand besoin.
Il ne s’agit pas de protéger intégralement toutes les forêts. Mais de constater qu’une sylviculture douce est possible et que nous avons besoin de forêts en libre évolution pour trouver des réponses à la crise de la biodiversité et aux enjeux du changement climatique.
Nous, cosignataires de cette tribune, appelons à un saut de géant. Avec Joseph Garrigue, nous appelons à la réduction drastique et programmée de l’utilisation des pesticides qui empoisonnent la terre, les champs et les forêts. Nous appelons à mettre en œuvre à grande échelle toutes les pratiques permettant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et toutes les pratiques respectueuses d’une forêt vivante.
Si comme nous, vous pensez que la situation est grave, vous pouvez soutenir Joseph et participer à cette marche qui l’amènera en deux mois à Paris. Vous pouvez rencontrer les marcheurs lors de leur passage près de chez vous. Vous pouvez marcher avec eux. Vous pouvez relayer cette initiative pour qu’elle en nourrisse d’autres et qu’enfin notre message soit entendu au plus haut niveau.
Les adresses mail pour nous contacter : appeldelaforet@rnnmassane.fr.
Cosignataires : Francis Hallé Botaniste Gilles Boeuf Professeur à Sorbonne Université Allain Bougrain-Dubourg Président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Béatrice Kremer-Cochet Naturaliste Antoine Gatet Président de France Nature Environnement (FNE) Luc Terraz Président de Réserves naturelles de France (RNF) Marc-André Sélosse Professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris Maud Lelièvre Déléguée générale des Eco-Maires Christophe Lépine Président de la Fédération des conservatoires d’espaces naturels (FCEN) Catherine Larrère Philosophe, professeure émérite à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne François Letourneux Président d’honneur du comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), Président de la Fête de la nature Samuel Jolivet Directeur de l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE) Gilbert Cochet Naturaliste Marc Dufumier Agronome, professeur honoraire à AgroParisTech Ernst Zürcher Professeur émérite à la Haute Ecole spécialisée bernoise Annik Schnitzler Professeure honoraire, Université de Lorraine Bernard Chevassus-au-Louis Président de Humanité et Biodiversité Géraud Guibert Président de la Fabrique écologique Yves Verilhac Ancien directeur général de la LPO et bénévole Diane Sorel Conservatrice de la réserve naturelle de la forêt de la Massane Raphael Larrère Agronome et sociologue, ancien directeur de recherche à l’INRAE Hugues Ferrand Président de l’association La Garance voyageuse Jean-Claude Génot Ecologue Emmanuel Torquebiau Chercheur émérite en agroforesterie, Cirad, Montpellier Jean-Jacques Fresko Rédacteur en chef d’Infonature. media Denis Cheissoux Journaliste Vincent Lajarige Président de l’association Forest Art Project Geneviève Michon Ethnobotaniste, directrice de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) Jean-Michel Walter Botaniste Jean Christophe Berrux Directeur du musée de l’Eau de Pon- en-Royans Audrey Harris Directrice Greenline Foundation Sarah Valente Artiste Emilie Chanteranne Professeure agrégée de SVT Jérôme Bouvier Réalisateur-chef opérateur Myriam Librach Présidente de l’Association 379 Nancy Nolwenn Bocognano Entrepreneure mobilier de récupération et mode upcycling David Vuaillat Directeur Conseil Reporting Solutions ESG, vice-président la Vigotte Lab, animateur délégué «forêts naturelles» pour l’association Francis Hallé, Lia Rosso Journaliste scientifique, biologiste et éditrice.
Source : Libération, 21/01/2024
Photo : Joseph Garrigue dans la forêt de Massane (Pyrénées-Orientales), le 12 janvier. (Ed Jones/AFP)