Photographes animaliers

Bastien PREVOST

Naturaliste de profession je me suis réellement penché sur la photographie de Nature en 2018 lors de mes visites annuelles à Namur pour le festival AVES.

Amoureux de la biodiversité « locale » j’affectionne réaliser des suivis photographiques complets et spécifiques d’espèces, de la prospection jusqu’à l’aboutissement d’une série d’images pensées.

Mes longues heures passées en affût m’ont permis de m’immiscer dans l’intimité profonde des animaux.

Passionnés de Nature et inquiets de l’évolution de la biodiversité en France, nous avons, avec ma conjointe, fait l’acquisition de plusieurs hectares de forêt là où nous habitons, en Haute-Corrèze.

 

Entretien avec...

Votre rapport avec la faune

Pourquoi avoir choisi l'animal sauvage comme thème privilégié ?

Tout simplement parce que je me sens plus naturaliste que photographe.

J’ai acheté ma première grande focale pour m’aider à identifier les oiseaux lors de mes sorties ornitho. Le goût pour la photographie est arrivé au fur et à mesure de sa pratique. J’apprécie pouvoir réaliser des suivis photographiques d’espèce de A à Z, c’est-à-dire de la prospection jusqu’à la réalisation d’images illustrant les étapes de son cycle de vie.

Je crois que c’est ma fibre « naturaliste » qui m’a conduit vers cette démarche.

Un élément déclencheur ou un maître à penser ? 

Habitant dans le Nord de la France pendant plusieurs années, j’avais pour habitude d’aller au festival d’Aves à Namur où, en parallèle des expos, étaient organisées des conférences.

Je me souviens très bien de quelques interventions de photographes qui m’ont donné l’envie de pratiquer la photographie et en particulier de Jérôme Lecquyer sur le suivi photographique du pic noir à la fourmilière, c’était captivant et inspirant.

Une belle émotion ou rencontre avec la faune ?

Il y a vraiment pas mal qui me viennent à l’esprit… Mais si je devais en choisir une je dirai mon premier face à face avec la loutre d’Europe.

Cette rencontre s’est faite après un gros travail de prospection et d’affût de plusieurs mois. J’y ai laissé quelques plumes dans cette quête mais sans aucun regret !

Un lieu mythique ?

Ca peut vous paraître étrange, mais je n’ai pas de site que je veux visiter à tout prix. Je me contente de ce qu'il y a autour de chez moi, en Haute-Corrèze.

J’ai la chance de vivre dans un environnement très sauvage où les observations peuvent être superbes. A quelques pas de la maison, il y a encore de magnifiques hêtraies, de jolies cours d’eau, des zones de gorges, des milieux bocagers encore préservés…

Votre animal de prédilection ? Celui après lequel vous courrez ?

Le pic noir sans hésiter !!

C’est un oiseau dont je tombé totalement amoureux et que je suis chaque année depuis 5 ans et à toute saison. Outre sa beauté, son rôle pour la biodiversité est super important !

Il a la capacité et l’habitude de forer des loges qu’il n’occupera pas forcément et qui profiteront à de nombreuses espèces (écureuil, martre, pigeon colombin, choucas, sitelle, pic vert, chiroptères, frelons,…).

Je propose d’ailleurs des stages photo spécifiques à cette espèce, de la méthode de prospection jusqu’à la prise de photo.

La photographie animalière

Votre photo à laquelle vous tenez particulièrement ?

Cette photo de blaireau en silhouette ! Je l’avais en tête depuis la découverte de la blaireautière l’hiver précédent.

Il m’a fallu quelques affûts pour enfin réaliser l’image que j’avais pensée. Les barbelés et les piquets rappellent la marque de l’Homme sur cette espèce. J’adore photographier les silhouettes.

La photo animalière d’un confrère que vous auriez aimé prendre ?

Je travaille sur une série d’image en silhouette. C’est un style de photo que j’apprécie énormément et c’est d’ailleurs sur ce thème que nous exposerons avec ma conjointe à Montier en novembre prochain.

Pour compléter la série, j’ai travaillé pour réaliser une image de cerf qui brame avec en arrière plan la pleine lune, parfaitement alignée à la silhouette de l’animal. J’ai réalisé quelques images sans arriver à ce que l’astre soit parfaitement aligné et c’est ce qu’à réussi avec brio Thomas Jonet cet automne.

Et la technique : frein ou atout ?

Je ne suis pas un spécialiste des techniques photographiques et encore moins des dernières évolutions et techniques photographiques mais je pense maîtriser les bases de la photographie.

Cette maîtrise me permet ensuite d’exploiter déjà pas mal de chose. Je pense être assez bon dans mon domaine de prédilection qui est le contre-jour et le jeu des contrastes de lumière.

Votre « terrain de jeu » préféré ?

Ma réponse est en lien avec mon espèce favorite, le pic noir !

Il apprécie particulièrement les grandes futaies de hêtres et l’ambiance qui règne dans ce type d’habitat est impressionnante et à la fois apaisante.

L’automne est vraiment le summum des saisons en termes d’ambiance, les hêtres semblent s’enflammer. Les loges que le pic noir n’occupent plus sont des potentiels gîtes de nombreuses espèces est c’est toujours une surprise de savoir qui peut occuper ces habitats d’exception.

Le voyage à faire absolument avant que le rideau de l’obturateur ne se ferme définitivement ?

Je n’ai pas spécialement l’envie de voyager… je me demande déjà si j’aurai assez de temps dans ma vie pour connaître par cœur le territoire proche de chez moi et les espèces qui y vivent.

Des conseils ? 

Ce que je rabâche à mes stagiaires c’est de faire ce qu’il leur plaît et de ne pas forcément vouloir copier le travail ou la marque de fabrique de photographe de renom en rentrant dans la mode actuelle…

Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’inspirer mais c’est en prenant du plaisir que l’on progresse, que l’on s’épanouit.

Biodiversité

Le pire des dangers pour la vie sauvage ? 

Selon moi le principal danger pour notre biodiversité c’est la perte des habitats et leur homogénéisation.

Notre modèle économique tend à ce que nos forêts évoluent vers un peuplement homogène composé de quelques essences à forte croissance… Le constat est le même avec l’agriculture, le modèle agricole tend à ce que l’élevage français se réduise pour laisser place aux grandes cultures.

Le maillage de prairies bocagères à forte valeur environnementales sont alors remplacées par de grandes parcelles de maïs, de colza ou encore de pommes de terre selon les régions… Notre consommation de tous les jours est très importante pour notre Nature.

Une suggestion pour aider à sensibiliser le grand-public ?

Multiplier l’intervention de structures ou de personnes compétentes et spécialistes auprès du grand public et en particulier des jeunes. I

l faut élever le niveau de connaissance sur la thématique de l’environnement. J’ai un exemple assez frappant : je vois régulièrement passer le chiffre clef d’évolution positive de la surface forestière en France, chiffre que l’Etat par l’intermédiaire de l’ONF apprécie avancer…

Sauf que si on rentre dans le détail ce n'est pas si rose. Quelle est réellement l’évolution des forêts fonctionnelles composées d’arbres matures intéressants pour la biodiversité, composées d’essences autochtones comme le hêtre, le chêne, le châtaignier ? Je doute sérieusement que cette évolution soit positive… !

Plutôt optimiste ou pessimiste pour l’avenir ?

Je suis de nature à être plutôt optimiste mais au sujet de notre patrimoine naturel je suis malheureusement plutôt pessimiste pour les raisons évoquées précédemment.

Les grand-messes annuelles (COP, sommet de la Terre...) sont-elles efficaces ?

Rires

Pour conclure ?

Je ne pense pas que ce soit là une conclusion mais j’aime bien reprendre la citation de Gilbert Keith Chesterton : « Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles mais uniquement par manque d'émerveillement ».

Je pense sincèrement que l’on manque de plus en plus de simplicité, de capacité à s’émerveiller devant les choses les plus simples.

Les photographes ont d’ailleurs tendance à vouloir voyager dans les contrées les plus exotiques sans connaître et se satisfaire des espèces vivants aux portes de nos maisons… Je trouve ça vraiment malheureux.

 

Le questionnaire "Pleins pouvoirs"

- Député(e), vous êtes seul dans l'assemblée Nationale déserte. Vous avez toute latitude pour abroger, amender ou créer une seule loi environnementale. Laquelle ?

Sans hésiter, j’aimerai pouvoir abolir la loi environnementale relative au classement des espèces animales en tant que « nuisible ». Ce terme et ce statut me répugnent.

- Généticien(ne) fan de Jurassic Park, vous pouvez faire revenir à la vie une espèce disparue, ou inventer une espèce hybride fantastique. Laquelle ?

La manipulation génétique est quelque chose qui m’inquiète particulièrement, alors je n’opterai certainement pas pour l’invention d’une espèce ! Si je devais en faire revenir une à la vie je dirai, sans être très original, le dodo. Car il est assez emblématique et sa disparition est clairement causée par l’Homme.

 

- Grand Maître Bouddhiste, vous choisissez l'animal dans lequel vous vous réincarnez pour une nouvelle vie. Lequel ?

Le pic noir, pour être utile à la biodiversité forestière !

- Descendant(e) de Darwin, vous savez faire évoluer les espèces. Vous pouvez modifier ou ajouter une particularité à une espèce (requin sans dent, serpent sans venin, gorille doté de parole...). Laquelle ?

La Nature est faite comme elle doit être faite, pourquoi la changer ?

- Milliardaire : quelle(s) association(s) de protection mettez-vous définitivement à l'abri du besoin ?

Les conservatoires d’Espaces Naturels, qui ont la capacité de réaliser des acquisitions foncières et je suis persuadé que l’acquisition foncière est l’action n°1 de préservation de notre patrimoine naturel !

En plus de l’intérêt de ses actions, les conservatoires ont vu ces dernières années les aides publiques se restreindre…

- Pénurie mondiale de bois : l'Arche de Noë sera plus petite que prévue. Il n'y a de la place que pour 5 espèces que vous sauvez de la disparition. Lesquelles ?

Les espèces étant toutes liées les unes aux autres, alors je doute que mon choix ait une importance...

- Vous perdez à un jeu. Un gage au choix : libérer des ours d'une ferme à bile en Chine, enfumer une ruche dans le hall du siège de Bayer, porter un tee-shirt "Chasseurs assassins" lors d'une balade forestière en Sologne, distribuer un tract à l'entrée d'un cirque demandant à interdire les animaux lors des représentations ?

Enfumer une ruche chez Bayer !

- Vous avez le choix pour vous reconvertir demain dans un métier lié à l'environnement : artiste animalier, scientifique environnemental, responsable d'association de protection, organisateur de la COP, ou ?

J’ai déjà la chance de travailler en faveur de la qualité des cours d’eau corréziens. Je ne mesure d’ailleurs peut être pas assez cette chance de pouvoir faire de ma passion mon métier!

- Hypnotiseur, vous pouvez forcer tous les acteurs d'un conflit à trouver un accord bon pour la faune : éleveurs / défenseurs des grands prédateurs, industrie phytosanitaire / apiculteurs, ou chasseurs / promeneurs ?

Industrie phyto / Apiculteur, à mon sens le plus grand enjeu pour notre biodiversité et pour notre santé.

Distinctions & Parutions

- Festival « Signé Nature » 2023 - 1er prix catégorie « Mammifères »

- Festival « Signé Nature » 2023 – Prix du Public

- Festival Ménigoute 36ème édition - 1er prix catégorie « Lumières et couleurs »

- Festival Les 2 caps 2019 - 1er prix catégorie « Faune »

Expositions

- Montier en Der 2023

- Mende Festival Photo 2022

- Signé Nature 2022

- Picture For Nature 2022

- Prenons la Pause 2021

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