J’ai commencé à faire des images afin de rapporter et partager le bonheur vécu lors d’escapades, en recherchant des fragments du sauvage le long de sentiers oubliés et de ruisseaux encaissés. En Ardèche, parfois ailleurs mais rarement bien loin. J’ai tendance à laisser s’éloigner les rêves de contrées lointaines en préférant revenir maintes fois en un même lieu pour en découvrir les trésors. À préférer l’intime au spectaculaire, en réapprenant sans cesse à regarder.
Rêver comme un enfant. Se réveiller avec des sentiments prégnants de forces sauvages. Avoir rendez-vous avec un éclat de lumière, un animal ou une fleur. Courir, grimper, s’arrêter, laisser le temps filer, se remettre à marcher en s’accrochant à une intuition. Avoir soudain le souffle coupé. Laisser les questionnements se faire balayer par l’évidence. Reconnaitre ce que l’on ne connait pas. Sentir les larmes couler. Remercier les pierres, les feuilles et le vent. Espérer futilement que les images rapportées conserveront un parfum de ces instants, et quelques bribes de l’expression des éléments…
Les éclairs d’émerveillement, qui ont sans doute une parenté avec les coups de foudre, nous attendent aux jonctions de l’espace et du temps où l’on se retrouve dans l’en-dehors de soi. La photographie est une synchronicité. L’émerveillement, ce qui permet de se sentir faire partie d’un ensemble plus grand. Mon guide, ma motivation. La porte d’entrée vers une autre ontologie, un bond au-dessus des démons de l’occident affairés à creuser le fossé entre culture et nature pour s’arroger la possession de cette dernière, l’antidote à l’utilitarisme.
Suis-je photographe de nature ? La photographie n’est qu’un moyen et la nature n’existe pas…