Pierre Colin ne se définit pas comme un pur photographe naturaliste, sa démarche se situe à mi-chemin entre le reportage sur la nature et l’esthétisme. Si la prise de vue nécessite d’importantes connaissances techniques sur l’environnement spécifiques dans lequel elle a lieu, le travail de Pierre Colin va bien au-delà. L’intérêt constant pour la mise en scène impose de dépasser le simple cliché opportuniste : un soin particulier est accordé au choix de premier plan, de l’arrière plan, de la perspective, à l’équilibre des contrastes, à l’incongruité des couleurs. Pour le photographe de salon c’est élémentaire et banal, le naturaliste, lui doit le faire dans la nature peu favorable aux procédés de studio. Il en résulte une production par laquelle c’est la nature qui imite l’art.
Né en 1969, à Nancy, Pierre Colin se distingue de façon précoce par son goût prononcé pour l’école buissonnière. Déjà il y a le désir de voir sans être vu, de jouer à cache cache dans la forêt. Un résultat notable de la scolarité du collégien Pierre Colin est d’avoir réussi à ralier (exclusivement à travers bois) Arches à Epinal. Cet intérêt pour la fugue provient sans doute des voyages de la petite enfance : Il entre à 5 ans à la Longside Primary School d’Aberdeen (Ecosse) et il s’ensuivera une série de résidences à l’étranger : en Grande Bretagne, en Hollande, aux Emirats Arabes Unis, au Canada, en Suède et au Danemark, à 15 ans il a déjà parcouru de nombreux pays, son père Christian Colin, géomètre de formation, devient responsable de grands chantiers dans le secteur du pipeline. Avec sa mère, Marie-France, Pierre séjourne de par le monde au gré des mutations.
Pierre Colin est aussi le produit d’un croisement entre un Olympus OM2 et un Nikon F4. Avec ces appareils il s’initie à l’argentique. Il se perfectionne à l’Ecole de l’Image et des Arts Appliqués à l’impression d’Epinal. Il travaille successivement pour la presse écrite, l’audiovisuel, sur des chantiers de pose de pipeline en Ecosse et en malaisie. Il séjourne longuement aux Amériques entre le Pérou, la Floride, le Québec et la République Dominicaine. Il tirera de cette dernière destination son premier ouvrage. Un second volume fera suite après son retour dans les Vosges. Pierre Colin s’oriente alors plus nettement vers la photographie naturaliste.
La photographie dans un milieu naturel implique des techniques, des connaissances, les aptitudes indentiques à celles de la chasse : reconnaissance discrète, observation à distance, pistage, lecture d’empreintes, exploration des excréments, identification des sons, des chants et des cris. Il faut aussi être un botaniste, se soucier du climat, de la topographie. De ces travaux préparatoires découle une stratégie qui s’articule autour de trois options : l’affût fixe, l’affût légeret la billebaude. Pierre Colin aime la solitude, l’attente et l’excitation liées à la recherche de l’instant précis qui produira le cliché idéal.
Il s’agit d’une patiente mise en scène pour laquelle on espère que tel phénomène climatique, tel cortège floristique, tel animal, se présentent simultanément au bon endroit du décor choisi. Il faut savoir fréquenter le crépuscule et l’aube, les nuits hivernales, c’est-à-dire, comme tout artiste, accepter de se confronter à la matière.