Photographes animaliers

Jacques-André DUPONT

Jacques-André Dupont s’intéresse à la photo dès son jeune âge, fasciné par les vieux appareils photos, ces jouets presque magiques que laissait traîner son père, un photographe amateur.

Durant ses études universitaires, armé d’un Minolta SRT 101 et de quelques objectifs, il réussit à gagner une partie de ses études en communications à l’université Concordia, en obtenant quelques contrats comme photographe (de la photo d’objets pour des circulaires, jusqu’à la photo de spectacles pour des artistes ou même de sport pour le compte de la Coupe du Monde de Ski à Bromont).

Malheureusement le vol de ses équipements (non-assurés) met fin à ses ambitions.

C’est en 2012, alors qu’il connaît une fructueuse carrière dans l’industrie du spectacle et de l’événementiel au sein de l’équipe Spectra (Festival international de Jazz de Montréal, Francofolies, Montréal en Lumière, etc.), qu’il décide de se remettre à la photo de manière sérieuse.

Il se lance à fond pour réapprendre les rudiments de la photo et fait l’acquisition de son premier boîtier numérique.

Il suit de nombreuses formations avec le photographe professionnel de Granby, Pascal Rameux. Il touche à tout : photo de mode, portrait, nu, photo de rue… jusqu’à ce qu’il ait un coup de foudre.

En effet, c’est en accompagnant des amis photographes au parc national de Yellowstone qu’il découvre la photo animalière et de nature. C’est une révélation! À partir de ce moment, toutes ses sessions et voyages de photo sont maintenant consacrés à la photo d’animaux et d’oiseaux sauvages captés dans leur environnement naturel.

Pour parfaire sa technique, il participe à plusieurs classes de maître et accompagne l’un des plus grands photographes animaliers canadiens, Christopher Dodds, qu’il considère comme un mentor.

Lors d’une de ces expéditions avec Christopher, il photographie pendant trois jours la colonie de fous de Bassan de l'Île Bonaventure en Gaspésie. Désireux de recevoir des commentaires de collègues photographes sur son travail, il publie ses photos sur différentes plateformes dont celle du National Geographic (yourshot.nationalgeographic.com). Ses photos attirent l’attention d’une éditrice du célèbre magazine qui lui propose de rédiger un article sur sa série de fous de bassan. C’est le début d’une grande aventure.

Fort de cette visibilité, Jacques-André s’associe avec une agence photo britannique et devient un journaliste affilié au magazine international Wildlife Photographic. À partir de ce jour, ses photos feront le tour du monde à plusieurs reprises et seront publiées dans des magazines prestigieux tels que Canadian Geographic, Africa Geographic, Paris Match, la Pravda, China News et plusieurs autres. Son travail a été exposé dans plusieurs villes dans le monde, notamment Montréal, Moscou, Beijing, Tokyo, Londres. Ses photos ont été primé dans le cadre de nombreuses compétitions photographiques, dont International Photo Awards, Africa Geographic Photographer of the Year, Moscow International Foto Awards, Outdoor Photographer of the Year, Siena International Photo Award, Tokyo International Foto Awards, International Photographer of the Year, Concours Photo Montiers, Fine Art Photo Awards,  Canadian Geographic Wildlife Photographer of the year,  en plus de remporter le titre de Canadian Wildlife Photographer of the Year (catégorie oiseau), par la Société Canadienne de la Faune en 2016.

Chaque année, animé par sa passion, Jacques-André effectue nombre de voyages photo, notamment au Canada, aux États-Unis et en Afrique, dans le but de capter des moments fauniques mémorables.

 

"Les textures, les couleurs, les ombres et les lumières sont ce qui m’a initialement attiré vers la nature.

Mais ce sont les rencontres que j’y fait qui me hantent et qui m’obligent à y retourner sans cesse.

Ma démarche de photographe animalier part d’abord de mon désir de me retrouver seul en nature. C’est en nature que j’atteins un équilibre, que je peux faire face à mon anxiété et que je retrouve une forme de paix salvatrice.

Puis à force de vivre cet état d’esprit de pleine ouverture en nature, j’ai pu vivre des événements marquants. Des moments de grande intensité, qui déclenchent certainement énormément de bonheur.

Chaque fois que je suis en présence d’un animal et que je suis un témoin privilégié de cette vie, l’adrénaline m’énergize et les phéromones m’envahissent.

C’est ce que je tente de recréer avec mes photos.  Un moment marquant ou la beauté animale et de la nature créent une réaction forte de ceux qui la regardent.

Avec le temps, j’ai aussi pris conscience de l’importance de l’impact de l’art animalier.

Car plus on reconnait la beauté de la nature et de la faune, plus on souhaite la protéger."

Entretien avec...

Votre rapport avec la faune

Quel parcours jusqu'à l'animal sauvage et la photographie ?

À la mi-quarantaine alors que toute ma vie tournait autour du travail, encouragé par mon amoureuse, j’ai décidé de consacrer plus de temps à mon propre bonheur…  Et je suis revenu à la photo, une passion que j’avais laissé de côté depuis près de 20 ans.  Avec enthousiasme, j’ai touché à tout: photo de studio, portrait, photo de rue, nu, paysages.  Et un jour des copains m’ont invités à les accompagner pour un voyage photo à Yellowstone. Ce fut le coup de foudre!  Les levers et les couchers de soleils, le hurlement des loups et les rencontres animalières.  Ça y était, j’avais découvert ma vraie passion. La photo nature et animalière.

Un maître à penser ? 

Grâce à la photo j’ai eu le bonheur de rencontrer plusieurs personnes qui m’ont touché: de Joseph mon guide en Tanzanie, si fiers de son pays et si passionné par la nature, à mon mentor photo, l’extraordinaire Christopher Dodds, et plusieurs autres.

Une œuvre marquante ? 

Plus jeune, je me souviens encore avoir été touché par le roman L'Appel de la forêt de Jack London qui raconte comment un chien domestique, vendu comme chien de traîneau à l'époque de la ruée vers l'or, revient à ses instincts naturels une fois confronté aux pièges et à la rudesse du territoire du Yukon.

Et dernièrement j’ai beaucoup lu les romanciers qui racontent la faune Africaine. Les grands classiques comme Gorilles dans la brume de Diane Fossey ou encore L'homme qui murmurait à l'oreille des éléphants de Lawrence Anthony. C’est la seule manière que j’ai trouvé pour patienter entre mes voyages vers l’Afrique!

Une belle rencontre / émotion avec la faune  ? 

Oh mon dieu… Dure question.  Elles sont innombrables! Je vous raconte trois souvenirs qui persistent. Il y a eu cette fois où un coyote de Yellowstone était si curieux qu’il s’est approché de moi en me regardant droit dans les yeux (la lentille!). J'étais étendu par terre, complètement immobile.  Il est tranquillement passé à moins d’un mètre de moi, complètement relax. Wow!

Un autre beau moment, très touchant, a eu lieu il  y a deux an, dans la forêt sur ma terre en Estrie. Je suis tombé sur une jeune femelle orignal (ce qui est très rare, c’est ma seule rencontre avec un orignal en plus de 20 ans dans cette région). Elle était super calme et s’est approché de moi.  Je reculais, mais elle ne cessait de s’approcher. Finalement, elle était à moins d’un mètre de moi. Et j’ai compris qu’elle cherchait quelque chose. J’ai vu qu’elle avait plusieurs chardons sur son sa tète et son museau…  J’ai tranquillement approché ma main et elle m’a laissé lui retirer.  Puis elle est partie. Tout simplement. Je ne l’ai jamais revu.  Quel moment magique!

Enfin l’Afrique m’a offert des dizaines de moments magiques.  Je me rappel en particulier d’une rencontre tanzanienne avec un guépard femelle et de ses 4 chatons.  Ils étaient bien sûr très nerveux. Nous avons décidé d’attendre le temps qu’il faudrait en espérant une photo marquante. Environ trois heures plus tard, l’un des chatons, le plus curieux, m’a offert le cadeau de venir nous observer.  Un peu comme s’il jouait avec moi, il se cachait derrière un tronc et sortait la tête de temps en temps…  Comme si la curiosité était plus fort, que la crainte. Totalement mignon!

Si j'étais un animal sauvage ? 

Un coyloup! Le coyloup ou coywolf, en anglais) est l'hybride résultant d'un croisement d'un coyote et d'un loup. Une espèce native de l’est de l’Ontario, qu’on retrouve maintenant ici au Québec.  Ce sont des animaux magnifiques et très intelligent. Et j’ai la chance d’en avoir trois qui vivent sur ma terre en Estrie. Je les observe régulièrement grâce à mes trappes photos, mais n’ai jamais pu les photographier en personne. Par contre je retrouve souvent les traces de leurs chasses, particulièrement en hiver alors qu’on trouve des restes de carcasses de chevreuils ou même des grandes taches de sang sur la neige blanche.

Un animal disparu qui reviendrait ?

Le seul grand chat de l’est de l’Amérique qui est considéré comme disparu, le Couguar de l’Est.  J’aurais tellement aimé voir ce splendide animal en liberté et en nature.

Un animal fantastique qui existerait ?

L’homme… Mais en version qui comprendrait les animaux.  Imaginez un peu, pouvoir connecter avec eux.  Un rêve!

 

Photographie animalière

Votre photo à laquelle vous tenez particulièrement ?

En fait c’est une série de photos captées lors d’une classe de maître avec Chris Dodds sur l'Île Bonaventure, alors que nous avons passé trois jours à photographier des fous de bassan au milieu de leur plus grande colonie en amériques (50 000 couples).  Deux de mes photos ont été remarquées par des éditrices de National Géographic, ce qui a mené à énormément de visibilité pour mon travail de photographe, tant dans National Geographic que dans de nombreux médias et expositions à travers le monde. Ce fut pour moi le début d’une grande aventure photographique internationale.

La photo animalière d’un confrère que vous auriez aimé prendre ?

Je suis un très grand fan de Vincent Munier… Et j’aurais donné un rein pour être à ses côtés lorsqu’il a photographié les loups blancs dans le grand nord!

Et la technique : frein ou atout ?

Essentiel!  Sinon comment réussir à capter le macareux moine qui passe à toute vitesse dans le champ hyper réduit de ta lentille de 500 mm?

Votre « terrain de jeu » préféré ?

L’Afrique!  Pour l’abondance des rencontres, la lumière du soleil vers 4h45 et pour les gens la-bas. Je la visite au moins une fois par année, et j’y retrouve toujours un bonheur total.

Le voyage à faire absolument avant que le rideau de l’obturateur ne se ferme définitivement ?

La liste est très très longue!  Donc difficile de répondre, surtout sans savoir quand le rideau se lèvera…  Mais j’ai une grande envie de visiter le grand nord, les communautés, la faune et la lumière du nord…  Je sais que ce sera un moment important.

Des conseils ? 

Avec plaisir!  Voici quelques conseils qui m’ont aidé et que je communique lorsque je fais des conférences:

  • À hauteur d’yeux! Comme pour les humains, on trouve tout un monde dans les yeux des animaux. Vos photos seront meilleures si vous êtes positionnés à la hauteur des yeux de votre sujet.
  • Cherchez le détail… La plume mouillée, le gros plan de l’oeil, le museau…  Amenez votre public dans l’infiniment près, comme on ne peut jamais l’être avec un animal sauvage
  • Le regard qui tue… Qui séduit: un animal qui regarde droit dans les yeux (votre caméra) crée une connection et touche les gens.
  • Cherchez les motifs, les «patterns»: la répétition, les motifs, l’effet miroir qui vous est offert par la nature.
  • Explorez la richesse de la couleur et les ombres et contrastes du noir et blanc, les histoires seront très différentes.
  • Tentez le paysage animalier en intégrant un animal à vos paysages
  • La plus longue tu prendras: utilisez la lentille la plus longue que votre budget vous permet… Ce n’est jamais assez long!
  • Connaître les comportements des animaux que vous photographiez fera de vous un meilleur photographe. Il sera plus facile par exemple d’anticiper les comportements et d'être prêt pour prendre LA photo extraordinaire.
  • Pour les jours ensoleillés, départ avant l’aube et retour après le coucher. de soleil. 90% de mes meilleures photos sont prises durant les heures magiques…
  • Racontez une histoire. Avec un seul cliché ou une série de cliché, vous pouvez raconter une histoire.  Un conte qui touchera les gens.
  • Cherchez le comportement. Une image d’une simple souris qui présente un comportement original  vaut mieux qu’une photo d’un lion paresseux qui dort!

Bon j’en ai plusieurs autres, mais j’en garde pour notre prochaine discussion!

Biodiversité

Des urgences ? (climat, déforestation, braconnage…)

Innombrables bien sûr.  Mais celles qui me créent le plus d'éco-anxiété sont sûrement les enjeux liés à l’eau et aux abeilles.

Une association de protection à mettre en avant ?

Je suis un grand fan de la vision du Mara North Conservancy. Mara North offre une expérience moins encombrée que la plupart des grands parcs. Avec 30 000 ha d’habitats spécifiques à la conservation, Mara North a créé une approche touristique à faible densité en permettant d’utiliser un ratio maximum de 142 ha par lit d’invité (350 acres par lit ou une tente pour 700 acres) et contribue ainsi à minimiser l’impact sur l'environnement et la faune. J’aime aussi le fait que Mara North est un partenariat à parts égales entre l’industrie touristique et la communauté locale. En fait ce sont 13 organisations touristiques qui se sont associées à 800 propriétaires terriens maasaï pour créer le Mara North Conservancy. C’est un magnifique exemple de conservation, de développement durable et d’appuie aux communautés locales.

Une suggestion pour sensibiliser le grand-public ?

Dites-non à l'exploitation des animaux sauvages. En Afrique, ou en Asie, si on vous offre un contact avec un animal sauvage, comme marcher avec les lions ou un éléphant, dites non.  Ce sont des animaux sauvages, ils ne devraient jamais être en contact avec des humains. Et croyez-moi, ils y a de fortes chances pour que ces animaux soient médicamentés ou même qu’ils aient été battus pour agir avec soumission.

Plutôt optimiste ou pessimiste pour la suite ?

Optimiste!  Je regarde comment ma fille de 20 ans agit en faisant preuve de beaucoup plus de vision et de respect que moi à son âge. Et elles sont des légions comme elle!

 

Pour conclure ?

La nature et la photo en nature sont pour moi médicinales.

C’est une manière pour moi pour trouver un équilibre mental, un façon de gérer l’anxiété qui m’anime malheureusement trop souvent.

Je la recommande pour tout le monde.  À consommer sans réserve!

 

Distinctions & Parutions

National Geographic, Canadian Geographic, Africa Geographic, Paris Match, Wildlife Photographic, la Pravda, China News et nombres d’autres médias à travers le monde ont publiés ses photos.

Il a été exposé dans plusieurs villes dont Montréal, Moscou, Beijing, Tokyo, Londres, etc.

Récipiendaire de nombreux prix un peu partout à l'international, ce photographe animalier de Montréal ne souhaite qu’une chose, faire rayonner la beauté de la nature qui nous entoure.

Le Petit Penseur

Un bébé babouin, à peine âgé de 3 semaines, pose comme s’il mimait Le Penseur, la fameuse statue du sculpteur Rodin. Cette photo fait partie d’une série de plusieurs clichés captés dans le Parc National de Tarangire (Tanzanie) alors que ce mignon bébé s’est donné en spectacle pendant plusieurs minutes. Cette photo a fait le tour de la planète, probablement d’abord parce qu’elle fait sourire, mais aussi parce que les primates sont une espèce animale extraordinaire; il est impossible de les observer sans ressentir le lien qui nous unit.

Cette série de photos a été primé dans le cadre du Concours Africa Geographic Photographer of the Year et a été nommé parmi les Amazing Animal Pictures of 2015 par MSN.

 

Après-Vous

Nous sommes en octobre, face à l’extraordinaire fleuve Mara, du côté Kenyan, dans le Masai Mara. Depuis des millénaires, à l’automne, des centaines de milliers de gnous traversent le fleuve en direction du Serengeti, vers la Tanzanie. Cette Grande Migration est l’un des plus beaux spectacles que mère nature nous offre en Afrique. Mais cette traversée reste depuis toujours un moment potentiellement tragique, puisque dans les eaux boueuses, attendent des dizaines d’énormes crocodiles, qui ne visent qu’une seule chose: se gaver de l’un de ces gnous qui traversera tôt ou tard.

Cette photo montre le moment de tension qui existe juste avant la traversée. J’étais fasciné par le comportement des gnous qui,durant de longues minutes, se positionnent en ligne, comme s’il ne souhaitaient pas être le premier à tenter la chance, dans cette traversée qui pourrait être meurtrière. Puis tout d’un coup, sans signal apparent, c’est le départ et tout le groupe traversera au galop. Et au moins un d’entre eux perdra à la loto du cercle de la vie africaine.

J'adore la géométrie de cette image, et la tension qui en ressort.

Cette photo a été primé à plusieurs reprises lors de différentes compétitions, incluant une médaille de bronze aux Moscow International Foto Awards.

 

À Vol d’oiseau

On trouve en Gaspésie, sur l'Île Bonaventure, la plus grande colonie de fous de bassan en Amérique. Au début juin, on y compte environ 50 000 couples en pleine préparation pour l’arrivée de la nouvelle génération.  C’est un moment magique, puisque les oiseaux sont très actifs pour bâtir leurs nids. Durant cette période nous sommes témoin d’un carrousel incessant de va et vient aérien, alors que les oiseaux partent à la recherche de matériel de nidification et le rapporte au nid, gardé par leur compagne ou compagnon. Mais avec le nombre extraordinaire de nids, la seule manière pour retrouver son chemin est de reconnaître le cri de l’autre oiseau qui attend.  Tout un défi avec les centaines d’oiseaux qui crient en même temps. Les oiseaux doivent faire plusieurs passages au dessus des nids, pour enfin y arriver.

Cette photo montre le point de vue de l’oiseau qui cherche son nid.  Elle a été réalisé en photographiant la colonie d’une haute plate-forme.

Cette photo est l’une de mes photos les plus primées ici et partout à l’international, et a remporté le titre de photo de l’Année (oiseau) à la Société Canadienne de la Faune, ainsi qu’au concours annuel de Canadian Geographic.

 

 

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