Photographes animaliers

Mickaël LEFEVRE

Tout petit déjà, j’étais attiré par les animaux dont la morphologie et les comportements surprenants suscitaient mon admiration et ma curiosité. Les cités Myrmécéennes ont été les premiers témoins de cette fascination mais aussi, je dois l’avouer aujourd’hui, les premières victimes de ma soif de connaissance. En observant longuement les fourmis, j’ai appris beaucoup sur l’organisation complexe de la fourmilière, modèle réduit parfois de notre société. Je suis resté de longues heures couché au sol à en scruter l’effervescence, à tenter de déchiffrer ses modes de communication, à percer les secrets de son architecture en éprouvant au passage son système de défense élaboré. Les trophallaxies, les pistes de phéromones, la hiérarchie interne, mais aussi les missions de chaque caste demeuraient pour moi un mystère.

Quand l’occasion se représente aujourd’hui, il m’arrive encore de m’attarder sur ce petit peuple qui fait invariablement ressurgir mon âme d’enfant, l’insouciance en moins, la sagesse en plus. Mon admiration demeure intacte face au courage et la détermination de ces minuscules soldats stratèges, luttant contre mon doigt envahisseur avec abnégation dans un but ultime, protéger la reine et ainsi, perpétrer l’espèce.

Je pense que c’est de ce terreau formique si j’ose dire, qu’est née ma passion pour le monde du vivant.

Quelques années plus tard, vers l’adolescence, j’ai abordé de façon superficielle la photographie mais par manque de temps et de moyens, j’ai abandonné cette dernière au profit d’autres activités. Acheter et développer des films représentaient un budget significatif que je n’avais pas à l’époque. Il y a dix ans environ, en Corse, j’ai renoué avec celle qui m’a toujours attirée et que je n’ai jamais vraiment quittée. Progressivement, je suis revenu avec la volonté d’approfondir mes connaissances, de satisfaire ma curiosité "Naturelle". Pour cela, j’ai commencé par étudier l’avifaune locale. Ainsi, depuis des années, je sillonne ma région, la Champagne-Ardenne, à la recherche de tous ses hôtes illustres sans distinction, faune et flore comprise.

Afin d’optimiser mes recherches et surtout, de ne pas porter atteintes aux espèces que je rencontre, je me suis rapproché d’associations naturalistes et de personnes passionnées comme moi. A leur contact, j’ai compris que les fondements de la pratique de la photographie animalière passent par le respect du bien-être des animaux ainsi que par la protection de leur environnement direct. Par conséquent, afin de limiter mon impact sur cet équilibre fragile, j’ai entrepris d’étudier le comportement des différentes espèces dans leurs milieux. Voilà pourquoi je passe des milliers d’heures à parcourir ma région pour observer un chevreuil ou une couleuvre sans bouger de mon affût, qu’il soit terrestre ou flottant. L’éthologie est mon moteur…

Rapidement, j’ai souhaité partager mes observations grâce à la magie des images, renouant ainsi avec celle qui est devenue cette fois une véritable passion dévorante et chronophage, la photographie animalière.

Capture d’écran 2016-05-23 à 20.16.03

Entretien avec...

Retrouvez ici une interview sur le site de l'Est Eclair

Un maître à penser ? 

Il y a de très nombreux photographes, amateurs y compris, mais je n’ai pas de « maitre à penser » à proprement parler. Nous puisons tous, plus ou moins, notre inspiration dans le travail des autres mais c’est au contact direct de la nature que je puise la mienne, au gré de mes sorties. Néanmoins, j’ai une grande admiration pour l’œuvre de Paul Géroudet ou encore, l’illustre Georges-Louis Leclerc de Buffon.

Si j'étais un animal sauvage ? 

La grue cendrée probablement dont j’admire la grâce naturelle en vol ou pendant la parade nuptiale. J’aime ce sentiment profond qu’elle suscite en moi lorsqu’au terme d’une course légère elle s’élève, libre, vers des paysages lointains.

Une belle émotion ou rencontre avec la faune ? 

Le jour où j’ai eu la chance de photographier une compagnie de sangliers se mettant à l’eau devant moi et nageant tout près de mon affût flottant. Inoubliable.

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Un animal disparu qui reviendrait ?

L’homme responsable.

Spot préféré ?

Les lacs Aubois et plus particulièrement, le lac du Temple.

Plutôt solitaire matinal pour profiter du moment ou accompagnateur de groupe pour partager ?

Plutôt solitaire matinal mais j’accompagne aussi parfois des amis sensibles, comme moi, au respect de l’environnement et je partage avec eux mes connaissances, mes coins secrets.

Un lieu mythique ? 

Le delta de l’Okavango pour son beauté et sa biodiversité ou peut-être notre poumon à tous, le cœur de la forêt Amazonienne…

Et la technique ?

Chacun la sienne dans la mesure où elle respecte la quiétude des animaux et l’environnement. Moi je privilégie l’affût, fixe ou flottant qui permet de beaux clichés avec un minimum de dérangement.

J’ai été initié à la pratique de l’affût flottant par l’un de ses concepteurs lors d’un stage. (Nicolas Van Ingen) Pour le reste, j’utilise principalement les cinq sens que la nature m’a donnés en les conjuguant avec ma sensibilité et surtout, j’y passe beaucoup de temps !

Pour améliorer ma technique purement photographique, j’utilise tous les médias actuels disponibles (web, livres, expositions, échanges avec d’autres photographes, expositions, etc.) et l’expérimentation bien-sûr. En ce qui concerne mes techniques de camouflages et d’approches, je m’appuie uniquement sur mon expérience acquise sur le terrain que je perfectionne avec le temps.

Des urgences ? 

Il faut bien entendu lutter contre tous ces fléaux (dérèglement climatique, braconnage, déforestation...) et bien d’autres encore qui représentent une véritable hécatombe pour notre patrimoine naturel. Pour résumer la situation, je citerais simplement Victor Hugo : - " C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas".

Des conseils ? 

La photographie animalière est une passion captivante et chronophage qui nécessite beaucoup de patience, d’humilité et de respect. Pour la pratiquer, il est indispensable de connaitre les espèces et leurs milieux pour limiter notre impact et garantir de plus belles images. Inutile également d’investir dans un matériel hors de prix, surtout au début. Personnellement je travaille avec un 300 mm, pas au-delà.

Une association à mettre en avant ?

Je soutien depuis de nombreuses années la LPO dans son combat pour préserver l’avifaune, entre autres actions.

Pour conclure ?

Chaque photographe animalier doit contribuer par son témoignage photographique à sensibiliser le plus grand nombre à aimer et à préserver l’héritage si fragile que la nature nous a légué. Ainsi, les générations futures pourront poursuivre notre travail et surtout continuer à rêver comme nous le faisons en jouissant de toutes ces merveilles que Dame Nature nous a léguées.

 

Distinctions & Parutions

Je n’ai jamais participé à un concours car je pense que cette pratique peut engendrer rapidement des dérives qui sont préjudiciables à notre éthique de photographe animalier (dérangement, stress, capture, etc.) Je mets d’ailleurs en garde ceux qui seraient tentés par la recherche d’une quelconque notoriété qu’ils nuiraient davantage à la faune qu’ils ne la serviraient.

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