Photographes animaliers

Véronique & Patrice QUILLARD

Nous sommes amoureux de l'Afrique depuis tout petits : nous sommes tombés dans la marmite en regardant les épisodes de Daktari diffusés alors à la télévision ! Puis nous avons eu la chance à l'âge adulte de pouvoir réaliser nos rêves et de faire plusieurs voyages sur ce magnifique continent où subsistent encore des zones sauvages non colonisées par l'homme.
La photographie nous permet d'apporter notre vision de la beauté et de la fragilité de cet environnement encore, parfois, préservé. Mais pour combien de temps ?
Un photographe pionnier en son temps, Zagourski, avait réalisé des clichés ethniques exceptionnels à partir de 1924 dans la région du Congo et des contrées voisines. Il en avait réalisé un album de cartes postales intitulé "L'Afrique qui disparaît". Titre crépusculaire. Dans les années 1970-1980 Pierre Loos a pu retrouver par hasard les négatifs oubliés de Zagourski et le livre final, édité en 2001 avec l'aide d'Ezio Bassani, fut renommé "L'Afrique Disparue" par constat de tous ces peuples et de leur culture "effacés" depuis lors par la modernisation.
Il en sera peut-être de même pour les animaux sauvages et libres dans peu de temps si le braconnage et les intérêts économiques de quelques uns ne sont pas stoppés en urgence. Il semblerait au contraire que ces fléaux soient en expansion, ce qui est à notre sens impardonnable car nous avons tous désormais conscience de l'imminence de la disparition de nombreuses espèces, et pas seulement en Afrique.
Nous essayons d'immortaliser à travers nos images ce monde fascinant, fragile et féroce, parfois sublime, dans lequel nous nous ressourçons, loin de la "civilisation" et au plus près de la vie primitive. Nous témoignons de cette nature souveraine dans toute sa simplicité et sa splendeur.

Entretien avec...

Quel cheminement personnel jusqu'à l'animal sauvage ?

Le continent africain nous a toujours fascinés. Nous retrouvons là-bas le contact à la fois direct, puissant, mystique, violent et hypnotique, avec la vie sauvage. Un choc à chaque fois renouvelé, brut, évident, un retour aux origines, un voyage vers l'essentiel où nous cherchons la symbiose ancestrale entre l'homme et l'animal qui existait du temps de nos lointains ancêtres. Bref, nous sommes imprégnés !

Notre regard a évolué au fil des années, ainsi que notre connaissance naturaliste des animaux. Mais c'est par la photographie animalière que nous pouvons exprimer toute la violence des émotions ressenties au contact de ce continent magique.

Le monde sauvage est fascinant, féroce et fragile, sublime parfois, et nous avons conscience plus que jamais de l'urgence de le préserver avant qu'il ne soit trop tard.
Faire de la photo est devenu pour nous un engagement pour sensibiliser le plus grand nombre à la fragilité des écosystèmes et à l'imminence de la disparition de nombreuses espèces.

Un maître à penser ?
Nick Brandt pour son travail remarquable sur la faune africaine, pour ses N&B exceptionnels, pour la puissance symbolique de ses photos et pour son engagement.
Tony Crocetta pour son travail sans concession, brut de nature, son sens aigu de la composition et la force éclatante de ses photos. 
Laurent Baheux pour ses N&B crépusculaires et l’émotion pure qu’il transmet dans ses images.
Vincent Munier pour la fabuleuse poésie de ses photos, son coup d’œil unique, sa gestion de la lumière et son très grand talent.
Nous n'oublions pas Christine et Michel Denis-Huot, des grands passionnés et des précurseurs, dont les images sont devenues mythiques, qui nous ont inspiré dès le départ pour nous lancer dans cette discipline exigeante qui doit retransmettre l’émotion d’un instant sans tricher.

Une œuvre marquante ?
Les épisodes de Daktari ou Les Mines du Roi Salomon lorsque nous étions enfants, les livres de Karen Blixen, les aventures de Martin et Osa Johnson sur le continent africain, le roman « Les Racines du Ciel » de Romain Gary, les documentaires animaliers d'Hugo van Lawick... Liste non exhaustive !

Une belle émotion ou rencontre avec la faune ?
Nous nous souvenons des circonstances de toutes nos prises de vues, et pour chacune nous aurions une histoire à raconter.
Une des plus marquantes peut-être est celle de Siena, une lionne dominante et la chasseresse de tête de la Troupe des Marais (Marsh Pride) dans le Masaï Mara : nous l'avons croisée au moment où elle venait d'être encornée par un buffle, et une partie de la chair de son flanc, ouvert jusqu'à l'os, pendait jusqu'à la cuisse.

Elle avait trois lionceaux qu'elle allaitait, mais le choc de l'accident lui avait coupé le lait. En plus de la souffrance, cette mère courage voyait chaque jour ses petits dépérir un peu plus. Son regard lorsqu'elle était obligée de les rabrouer parce qu'ils étaient affamés est resté gravé en nous.

Un jour, alors que nous étions désormais persuadés que ses petits allaient mourir, la troupe a réussi à chasser un jeune buffle. Ce fut la ruée et la foire d'empoigne évidemment. Siena arriva avec ses petits derrière elle, discrètement, et œuvra avec une intelligence incroyable de manière à placer ses petits près de la carcasse dont les adultes se disputaient rageusement chaque centimètre carré. C'était un pari fou car ils risquaient à tout moment d'être tués.

Mais les bébés comprirent et se précipitèrent, en se faufilant au milieu des griffes et des crocs. Nous étions partagés entre l'affolement, l'espoir et la panique, craignant pour leur vie à tout moment. Mais ils n'avaient plus rien à perdre. Et ils réussirent tous les trois à déchirer la viande et à manger, sans être blessés. C'était tout simplement miraculeux.

Spot préféré ?
L'Afrique de l'Est et l'Afrique australe sont un terrain de jeux extraordinaire pour les photographes amoureux de la faune sauvage.

Un lieu mythique ?
Deux endroits rêvés nous viennent immédiatement à l'esprit :
- La situation de la maison de Bernhard Grzimek, dont il ne reste plus que quelques ruines, dans le Cratère du Ngorongoro. Cet allemand épris de la Tanzanie a réalisé le documentaire « Le Serengeti ne doit pas mourir » en 1959, un plaidoyer (déjà!) sur l'importance de la préservation de cet écosystème.
- La forêt de Ndutu, dans la zone de conservation du Ngorongoro en Tanzanie, un autre endroit magique où l'on rêve de poser ses valises, et qui fut le repaire du cinéaste Hugo van Lawick.

Et la technique ?
L'appareil photo ne doit être qu'un instrument pour transmettre l'émotion d'un instant. Ce qui compte vraiment c'est de capter un mouvement, une intention, une sensation, une ombre, l’agressivité d’une hyène, la légèreté d’un éléphant, la tendresse d’un lion, l'expression du regard d'un gelada, la beauté d’un paysage vierge de toute présence humaine, l’impression d’un lieu surgit du fond des âges....

Des urgences ?
Très nombreuses hélas ! Entre le braconnage, la pression humaine sur les espaces encore préservés mais qui se rétrécissent de plus en plus et de plus en plus vite, la déforestation à cause de cultures invasives comme l'huile de palme, la pêche industrielle ou l'agriculture intensive, les espèces animales disparaissent à tout jamais et l'équilibre des écosystèmes est menacé ! Nous en faisons partie bien-sûr, mais la prise de conscience est encore trop lente.

Des conseils ?
Entreprendre chaque action avec passion... et être patient.

Une association à mettre en avant ?

La mythique faune africaine s'effondre et est en train de disparaître, et avec elle des trésors de biodiversité. Des solutions existent, grâce à des femmes et des hommes qui agissent et combattent au plus près des animaux et de leur biotope. Nous citons dans notre livre des organisations reconnues qui œuvrent au quotidien pour tenter d'inverser le drame qui se prépare : Wildlife Angel, IFAW, Born Free, Save the Rhino, GCF (Giraffe Conservation Fundation),Sebitoli Chimpanzee Project, Help Congo, Lola Ya Bonobo, l'Institut Jane Goodall...

Nous avons tous le pouvoir d'agir en diffusant les signaux d'alarme ou en participant chacun à notre manière à la préservation de la nature.

Une suggestion pour aider à sensibiliser le grand public ?
Continuer à « montrer », à faire aimer, et ne pas baisser les bras.

Pour conclure ?
« Est-ce que nous ne sommes vraiment plus capables de respecter la nature, la liberté vivante, sans aucun rendement, sans utilité, sans autre objet que de se laisser entrevoir de temps en temps ? »
R. Gary Les Racines du Ciel 1956

Distinctions & Parutions

Nos images de geladas ont été récompensées dans de grands concours internationaux !

  • MONOCHROME AWARDS 2022 → Médaille d' Argent
  • PICTURE AWARD 2022 → Catégorie Black& White, Médaille d'argent
  • MEMORIAL MARIA LUISA 33ème édition (2023) → Hautement recommandé
  • SIENA INTERNATIONAL PHOTOS AWARDS 2023 → Travail remarquable
  • LENS CULTURE 2022 → (Voir plus bas) Mention spéciale du jury avec coup de cœur de la directrice de la photographie de NATIONAL GEOGRAPHIC – Publication dans « The Guardian »
  • OASIS PHOTO CONTEST 2023 → Finaliste !

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