« L’accord adopté mercredi à Dubaï marque l’aboutissement d’une mobilisation inédite (WWF).
Après trente ans de négociations sur le climat sans mentionner les énergies fossiles, la COP28 de Dubaï lève un tabou en appelant les pays du monde entier à se détourner des énergies fossiles. L’accord adopté mercredi 13 au matin à Dubaï marque l’aboutissement d’une mobilisation inédite ralliée par une majorité de pays, des pays industrialisés aux petites îles menacées par la montée des eaux.
Mais il faudra aller encore plus loin
Si l’accord de Dubaï pointe enfin du doigt l’ensemble des énergies fossiles, responsables de 90% des émissions mondiales de CO2, il contient aussi de nombreuses mentions incompatibles avec une lutte efficace et rapide contre le réchauffement climatique.
Sous l’influence des lobbys fossiles, qui n’ont jamais été aussi représentés dans une COP d’après les données disponibles, l’accord final évoque des technologies de capture et stockage de carbone qui n’ont pas été en mesure de prouver leur efficacité et qui risquent de détourner les efforts des entreprises et pays appelés à réduire rapidement leurs émissions. Pire, la mention des “énergies peu carbonées” recouvre une référence à peine masquée au gaz fossile, dont l’exploitation et le développement contribue activement au réchauffement climatique.
Un fragile espoir pour le climat (JM Pécresse / Les Echos, 13 décembre)
Avec cette COP28, la voie de passage vers un monde à +1,5 °C à la fin du siècle demeure ouverte. De plus en plus étroite, mais ouverte
L’espoir d’un monde décarboné en 2050 ne s’est pas éteint le 13 décembre 2023 à Dubaï. L’espérance d’une planète vivable à la fin du siècle ne s’est pas envolée avec la COP28 qui vient de s’y achever . Cela peut paraître bien maigre comme acquis à l’issue d’une conférence mondiale sur le climat dont les populations victimes du dérèglement attendaient beaucoup plus. Cela suffit pourtant à la qualifier d’« historique ».
Historique, elle l’est au regard de l’engagement sans précédent des nations à trouver un chemin de transition « en dehors des énergies fossiles ». Historique, elle l’est parce que cet engagement a été pris et voulu dans une pétromonarchie. Historique, cet accord sorti de la COP28 l’est parce qu’il revient de loin, d’un projet de compromis assez veule sur une réduction progressive des énergies fossiles.
Une boussole
Dans ce monde blessé de trop de guerres, ce traité de paix avec le climat mérite d’être salué. Alors que notre maison brûle, nos dirigeants n’oublient pas tout à fait le seul combat qui vaille. Avec cette COP28, la voie de passage vers un monde 1,5 °C plus chaud à la fin du siècle demeure ouverte. De plus en plus étroite, mais toujours ouverte. Elle l’aurait été plus encore avec un engagement d’élimination des énergies fossiles en 2050.
La transaction finale autour d’une « transition en dehors » du pétrole – et, dans une moindre mesure, du gaz – est plutôt en ligne avec une trajectoire de réchauffement à
2 °C, voire 3 °C. D’autant que les invitations hypocrites à s’appuyer sur des technologies lointaines de captation massive du CO2 vont être reçues par les pétroliers américains et chinois comme un visa pour explorer et forer sans vergogne.
S’il convient de se réjouir que le pétrole ne soit plus l’éléphant dans la pièce, il faut avoir à l’esprit que, en dépit de l’engagement pris à la COP26 de Glasgow, la production de charbon va battre un nouveau record cette année… Tandis que nous sommes partis pour produire deux fois plus d’énergies fossiles en 2030 qu’il n’en faudrait pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, Dubaï entretient un fragile espoir.
Cet accord est une boussole mise à disposition des dirigeants les plus volontaires dans les instances multilatérales, comme le G7 et le G20. Il donne un cap aux investisseurs dont l’intérêt de moyen terme est de ne plus apporter le moindre argent frais aux énergies fossiles. En l’état des relations internationales, c’est bien le mieux qu’on pouvait espérer.