Le retour du loup en France, après un peu moins d’un siècle d’absence, s’est produit au début des années 1990 à partir d’une immigration italienne. Les loups drômois issus de cette recolonisation spontanée se sont reproduits pour la première fois dans le Vercors au début des années 2000.
Aujourd’hui, 20 ans après, la Drôme et les zones limitrophes des départements voisins abritent entre 20 et 25 meutes de loups, ce qui représente au total entre 150 et 200 individus. Sur ces chiffres, nos estimations rejoignent celles des chasseurs.
À l’issue de leur dernière assemblée générale dans le Vercors le 15 avril 2023, les chasseurs drômois déclarent que le retour des loups dans le département est responsable de la baisse des populations de sangliers de 30 %, de cerfs de 20 à 30 % et de chevreuils de 30 à 40 %. Si cette baisse est plausible, l’annonce par les chasseurs de « l’éradication » (sic) du mouflon par le loup, est un grossier mensonge (1).
Effectivement, dans les Alpes, les sangliers, les cerfs et les chevreuils constituent la base alimentaire des loups et ce que les chasseurs drômois présentent comme une « découverte » avait déjà fait l’objet de multiples publications depuis des décennies, dans les pays d’Europe où le loup est présent.
À la prédation naturelle des loups drômois, les chasseurs du département oublient de rajouter leur tableau de chasse annuel « grand gibier » qui, bon an, mal an, est chaque année d’environ 1000 cerfs et biches, 5000 chevreuils et 15 000 sangliers (2).
Un tableau de chasse annuel que les chasseurs drômois augmentaient régulièrement depuis plus de 30 années sans jamais réussir à réduire les effectifs de ces trois espèces responsables de plus de 90 % des dégâts aux cultures et aux forêts. Des dommages qui, sur le plan national, approche probablement chaque année 100 millions d’euros sans compter les collisions routières (3)
En clair, les chasseurs admettent enfin que les loups drômois ont réussi à faire en 10 ans ce qu’eux n’avaient pas réussi à réaliser depuis plus de 30 ans au grand dam des agriculteurs et forestiers drômois qui, malgré la multiplication des battues, six mois par an, voyaient toujours autant de sangliers, de cerfs et de chevreuils dans leurs cultures et leurs parcelles forestières.
Les chasseurs confirment ainsi une belle réussite du loup à mettre à son crédit et leur propre échec à réduire les populations de « grand gibier » sans l’aide des loups.
La chasse au « grand gibier », en particulier dans la Drôme, génère un commerce particulièrement lucratif (4). Il n’est pas étonnant que les chasseurs drômois voient d’un très mauvais œil le retour du loup qui menace directement leur « chiffre d’affaires ».
Ils proposent à madame la préfète de la Drôme de tuer 100 (cent) loups par an dès l’année prochaine. De quoi remettre dans les cultures et dans les forêts du département des milliers de sangliers, cerfs et chevreuils supplémentaires… Pas sûr que cette idée réjouisse les agriculteurs et les forestiers drômois.
NB : le montant des dégâts aux cultures sont assez bien connus et se montent à environ 60 M d’Euros/an. Les dégâts forestiers ne sont pas précisément évalués (car non-indemnisés), mais il est admis que 25 % de la surface forestière sont concernées par les dégâts, ce qui impacte 40 % du volume de bois à récolter.
(1) Le mouflon est une espèce « exotique » introduite dans le Vercors en 1956. Si le retour du loup a entrainé une baisse significative des effectifs de mouflons, l’espèce est encore bien présente (2023) sur la bordure méridionale du Vercors et sur le versant drômois du Mont Ventoux.
(2) À partir du dernier plan de chasse triennal drômois 2021-2023 (DDT 26).
(3) 209 611 euros, rien que pour les dégâts occasionnés par le sanglier (Source : Fédération nationale des chasseurs – FNC)…
(4) Chasses privées, communales, domaniales… Un cerf peut se négocier à hauteur de plusieurs milliers d’euros…