« Aux arbres citoyens ». Ce titre d’émission de France 2, destiné à toucher un large public au cœur et au porte-monnaie pour une excellente cause, confirme un adage bien connu, « l’arbre cache la forêt » : la facilité de planter des arbres, y compris après coupe rase, cache la nécessité de mieux prendre soin de nos forêts en tant qu’écosystèmes.
Dès notre enfance l’arbre nous a fascinés par sa puissance rassurante. La forêt était plus inquiétante, par son grouillement de vie cachée. Puis nous avons appris à voir l’arbre comme une forêt, c’est à dire comme un écosystème complexe peuplé d’êtres imprévus ; et à voir la forêt comme un arbre : un refuge de naturalité certes inspirant, mais devenu lui-même fragile face à notre puissance et nos appétits.
Il nous faut maintenant ménager et l’arbre et la forêt, comme composantes imbriquées d’un Vivant que nous maltraitons : réhabiliter l’arbre de la ville ou du bocage, trop longtemps sacrifié à un fonctionnalisme étroit ; et choyer la forêt, menacée autant par le réchauffement climatique que par l’artificialisation que certains proposent pour lui faire face.
Plantons des arbres, soit : d’abord là où il n’y en a plus, ou d’une seule espèce enrégimentée, pour un effet levier maximal sur la biodiversité, la résilience et l’ensemble des services attendus. Mais là où les arbres sont constitués en écosystème forestier, commençons par ne pas tuer la poule aux œufs d’or ! Conservons avant tout « l’ambiance forestière », et la biodiversité existante, remparts contre le changement climatique.
Pour cela gardons des parcelles en libre évolution, conservons des gros bois, des arbres morts et autres « arbres habitats », comme réservoirs de biodiversité et de naturalité. Dans les parcelles exploitées, utilisons la « coupe invisible » du jardinage ou du couvert continu pour piloter les peuplements sans trop d’à-coups vers des états plus résilients par rapport aux chocs attendus, plus adaptés aux conditions futures. Enfin dans ces parcelles ne plantons qu’en complément ou « enrichissement » de la régénération naturelle, avec des essences éprouvées non invasives, sans casser l’ambiance forestière, sans détruire notre capital biodiversité.
Alors la forêt pourra peut-être continuer à vivre et produire du bois, matériau renouvelable essentiel pour une économie « vraiment verte ».
Entre l’arbre et la forêt, aurons-nous trouvé une place raisonnable d’utilisateurs parmi les autres, sans tirer la couverture à nous jusqu’à la déchirer ?
Bien à vous, Christophe CHAUVIN, pilote du réseau forêt de France Nature Environnement