Des scientifiques du monde entier ont pris le pouls des récifs coralliens au cours des quarante dernières années. Une étude publiée ce mardi fait état de résultats mitigés.
Il est l’heure du bilan de santé pour les coraux de la planète. Ce mardi, le Réseau mondial de surveillance des récifs coralliens (GCRMN) publie le fruit de quarante ans d’auscultation menée par 300 chercheurs internationaux dans dix régions coralliennes, de l’Australie au Brésil, en passant par le golfe d’Aden. Résultat : on sait désormais que le monde a perdu environ 14 % du corail sur ses récifs coralliens entre 2009 et 2018,«ce qui représente près de 11 700 km2 de corail, soit une quantité plus importante que tout le corail vivant d’Australie», explique le communiqué lié à l’étude. Il s’agit du «panorama scientifique le plus précis à ce jour des dégâts que provoque la hausse des températures sur les récifs coralliens du monde entier», précise aussi le document.
Les coraux sont particulièrement sensibles au changement climatique. Le réchauffement de l’océan, les vagues de chaleur (qui existent aussi en milieu marin) ou encore l’acidification des océans causée par la pollution sont autant de facteurs de stress. En réaction, les coraux expulsent la vie qu’ils hébergent et deviennent blancs comme des squelettes. Si la température reste trop haute, ils s’éteignent définitivement. Leur mortalité est particulièrement inquiétante car ces animaux invertébrés abritent environ un quart de la biodiversité marine.
Déclin sur le long terme
La couverture des coraux durs est en baisse constante dans le monde depuis 2010 selon «L’état des récifs coralliens dans le monde en 2020», sixième rapport de ce type et le premier depuis treize ans. Presque toutes les régions sont désormais affectées par la disparition de leurs coraux. Les plus touchées sont l’Asie du Sud, l’Australie, le Pacifique, l’Asie de l’Est, l’océan Indien occidental et le golfe d’Oman. Déjà en 1998, un épisode particulièrement aigu de blanchissement avait tué 8 % des coraux dans le monde. Après des périodes de bouleversement, les coraux peuvent se remettre, mais ils ont de plus en plus de mal à retrouver leur état initial. Dans presque la moitié des récifs coralliens mondiaux, les probabilités de déclin dépassent désormais 75 % et s’inscrivent dans le long terme.
En Australie, des scientifiques ont d’ailleurs lancé l’alerte en juillet et ont estimé que les perspectives d’avenir étaient «très mauvaises» pour la Grande Barrière de corail. Selon l’Institut australien pour la science marine, les coraux sont en ce moment dans une phase de rétablissement après une décennie d’événements très stressants pour l’ensemble du système, du fait du réchauffement de l’eau et de l’impact de cyclones. Mais les moments de répit sont de plus en plus rares en raison du changement climatique, ce qui donne aux récifs moins d’occasions pour se rétablir. D’autres données scientifiques publiées en octobre avaient montré que l’ensemble de 2 300 kilomètres de long avait perdu la moitié de ses coraux depuis 1995.
«Aptitude à rebondir»
Cependant, il reste des raisons d’y croire. Après dix ans de baisse continue, la quantité de coraux est légèrement repartie à la hausse en 2019, avec deux petits pourcents de progression dans le monde. Une zone fait aussi exception. Il s’agit des récifs du Triangle de corail, dans l’Est asiatique, qui parcourent Indonésie, Malaisie, Philippines, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor-Leste et îles Salomon. Ces récifs coralliens, qui représentent plus de 30 % des récifs mondiaux, ont été moins affectés par le réchauffement. «Malgré quelques diminutions des coraux durs au cours de la dernière décennie, en moyenne, ces récifs ont plus de corail aujourd’hui qu’en 1983, lorsque les premières données ont été collectées dans cette région», résume l’étude.
Margaux Lacroux / Libération, 5 octobre 2021
photo : La Grande Barrière de corail australienne, à Cairns, le 25 octobre 2019. (Lucas Jackson/Reuters)