Il est possible d’imaginer de nouveaux espaces politiques, plus ancrés et plus habités. Des territoires découpés « non par la législature mais par la nature ». C’est ce que propose la théorie biorégionaliste. Ses tenants rappellent que la question écologique est une affaire d’échelle et de sensibilité au vivant.
Au lendemain du premier tour des élections régionales, le constat est sans appel. Cet échelon administratif et politique n’intéresse plus grand monde. Près de deux tiers des Français et des Françaises se sont abstenus de voter le week-end dernier. Un taux historique [1], alors que les régions sont le terrain par excellence de la transition écologique.
La refonte de 2015, qui a réduit le nombre de régions [2], n’est sûrement pas étrangère à cet état de fait. Elle a accéléré ce sentiment de dépossession. À l’époque, André Vallini, le secrétaire d’État à la réforme sous François Hollande, appelait à fusionner les entités métropolitaines en treize « super régions », capables de concurrencer à l’international la Catalogne ou la Bavière. « La compétitivité », « l’attractivité », « l’efficacité »… Tels étaient les maîtres mots de ce nouveau découpage géographique.
Il fallait, selon le gouvernement, faire des économies — près de dix milliards d’euros — et créer partout « un choc de simplification ». Les régions étaient rebaptisées : « Grand Est », « Hauts-de-France », etc. Leurs noms, parfois, n’évoquaient plus qu’une position sur une carte, un emplacement géographique. Et désignaient des territoires trop vastes pour avoir une âme.
« Une région gouvernée non par la législature mais par la nature »
Cette course au gigantisme n’a pourtant rien d’une fatalité. Elle est le fruit de politiques libérales qui voient dans les territoires des espaces soumis aux forces du marché, aux flux économiques et à la circulation des capitaux. Cette pensée est devenue hégémonique mais depuis des décennies, à bas bruit, des écologistes essayent de faire émerger d’autres récits. Ils imaginent des modèles d’organisation différents pour renouer avec la réalité terrestre et sortir de l’économicisme. Ils repensent nos territoires à l’aune des écosystèmes. Ils dessinent de nouvelles cartographies pour prendre en compte les continuités écologiques et les milieux de vie, les migrations animales, les cycles de l’eau, les chaînes de montagnes.
- Le plateau de Millevaches, en Corrèze. Wikimedia Commons/CC/Gilles Guillamot
Avec la crise sanitaire, leur approche a suscité un regain d’intérêt. La pandémie a montré la vulnérabilité de nos espaces politiques et la nécessité d’en inventer de nouveaux, moins artificiels, plus ancrés. Cette idée s’incarne aujourd’hui dans le concept de « biorégion ». Entre cette dernière et les régions administratives, telles qu’elles existent actuellement, il n’y a pas seulement un préfixe mais tout un monde…. Suite et fin sur Reporterre : ICI