Au sein de l’archipel des Antilles, l’île de la Martinique montre un patrimoine naturel remarquable mais d’une grande fragilité. Dans le cadre de la Liste rouge des espèces menacées en France, de nouveaux résultats sont publiés pour la première fois pour la faune de ce territoire. Sur les 427 espèces indigènes évaluées, près de 15 % apparaissent menacées. Ces analyses ont été établies par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’Office français de la biodiversité (OFB) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), avec l’appui de spécialistes de la faune martiniquaise.
Les analyses réalisées concernent en particulier les oiseaux, les mammifères, les reptiles, les amphibiens, les mollusques, les poissons et macro-crustacés d’eau douce, les libellules, les papillons de jour et une partie des coléoptères. Au total, 15 espèces ont déjà disparu, 62 sont menacées et 56 autres sont quasi menacées.
La destruction des habitats et leur fragmentation par l’urbanisation et les aménagements représentent les premières menaces pour les espèces animales de Martinique. Ce sont les milieux forestiers qui sont les plus touchés, en particulier les forêts semi-humides du Sud, qui représentent l’unique habitat et des ressources essentielles pour nombre d’espèces. Ainsi, un escargot comme le Pleurodonte déprimé se révèle « En danger critique » et le coléoptère longicorne Dendrobias maxillosus est classé « Vulnérable ».
Le comblement des mares ou des marais et l’artificialisation des berges sont une autre menace pour les espèces réalisant une partie de leur cycle de vie en milieu aquatique, comme la demoiselle « Quasi menacée » Protoneura ailsa. Les espèces de ces zones humides sont de plus soumises à de fortes pollutions par les rejets d’eaux usées ou les pesticides. La Chlordécone, une molécule insecticide persistante utilisée autrefois dans les bananeraies, a encore un impact sur la faune et affecte potentiellement de nombreuses espèces telles que la Crevette transparente, classée « Vulnérable », ou le Martin-pêcheur à ventre roux, classé « En danger critique ».
L’extension urbaine entraîne également une pollution lumineuse néfaste pour les espèces nocturnes, en particulier pour les chauves-souris comme le Murin de la Martinique ou les coléoptères comme le Dynaste Hercule, tous deux classés « Quasi menacés ». Sur les plages, elle perturbe les tortues marines venant pondre et le départ en mer des jeunes tortues.
En mer, la pêche a des répercussions indirectes sur beaucoup d’espèces, tels le Cachalot classé « En danger » ou la Tortue imbriquée classée « Vulnérable », qui se retrouvent enchevêtrés dans les filets ou percutés par les navires. Les ancres des bateaux de plaisance participent aussi à la détérioration des herbiers qui représentent des zones d’alimentation importantes pour des espèces comme la Tortue verte, classée « En danger critique”.
Comme dans la plupart des îles, la Martinique est directement affectée par l’introduction d’espèces exotiques pouvant devenir envahissantes. Par leur prédation, le Rat noir et la Petite Mangouste indienne sont devenus une menace majeure pour de nombreuses espèces indigènes, comme l’emblématique Moqueur gorge-blanche ou la Couleuvre couresse, tous deux classés « En danger critique ». L’Iguane commun originaire d’Amérique exerce de son côté une forte compétition et une pression d’hybridation sur l’Iguane des Petites Antilles, désormais « En danger critique » d’extinction.
Les activités touristiques, quant à elles, génèrent une pression de dérangement pour les mammifères marins, les tortues marines et certains oiseaux tels que le Pluvier de Wilson et l’Huîtrier d’Amérique, classés “En danger critique », en perturbant leurs sites de nidification. Pour les sorties d’observation des baleines, l’activité est désormais encadrée pour limiter les impacts négatifs sur les mammifères marins sensibles comme la Baleine à bosse, classée « Vulnérable ».
Toutefois, une espèce sur cinq reste encore très mal connue. Le manque d’informations sur leur répartition et leurs effectifs a conduit à leur classement en catégorie « Données insuffisantes ». C’est notamment le cas du phasme Diapherodes martinicensis ou d’un reptile comme le Leptotyphlops à deux raies, deux espèces endémiques qui présentent potentiellement des enjeux de conservation importants.
Pour répondre à ces menaces, des programmes de conservation ont été lancés, des protections réglementaires ont été mises en place et des aires protégées sur terre et en mer ont été créées. Face à l’ampleur des défis, il apparaît cependant essentiel de renforcer ces mesures pour enrayer le déclin des espèces menacées, préserver les milieux naturels et maintenir entre eux des corridors écologiques. Cela est d’autant plus important qu’avec un taux d’endémisme de 13 %, de nombreuses espèces animales sont uniques et contribuent à la richesse biologique particulière de la Martinique. Les résultats de la Liste rouge contribueront à identifier les priorités d’actions et de connaissances pour sauvegarder avec tous les acteurs le patrimoine naturel exceptionnel et fragile de ce territoire d’outre-mer.
Publication et résultats détaillés disponibles sur :
www.uicn.fr/liste-rouge-faune-martinique et inpn.mnhn.fr/actualites/lire/11021
Illustration : Moqueur gorge blanche