Le nombre de loups en France a été estimé à 921 en 2022. Le chiffre pour 2021 est aussi revu en hausse.
La population de loups gris est estimée à 921 individus à la sortie de l’hiver 2021-2022, a annoncé lundi le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui précise aussi que le chiffre 2020-2021 a été revu en hausse à 783 loups.
Plus précisément, la fourchette de loups adultes, espèce menacée et protégée en Europe, est estimée entre 826 et 1.016 dans l’Hexagone, a précisé l’Office français de la biodiversité (OFB), organisme en charge de cette estimation.
Le loup est un animal sauvage vivant sur de grandes étendues. Sa population ne peut donc être comptée précisément, mais elle est estimée à partir d’indices (observation visuelle, empreintes, déjection…).
L’OFB forme des gens de terrain pour collecter ces indices et intégrer un réseau de correspondants. Un effort de formation a été fait, avec 385 nouvelles personnes, ce qui a permis d’augmenter le nombre d’indices récoltés, à « 4.500 indices de présence (contre 2.600 en 2020 et 3.700 en 2021) », fait savoir le préfet.
Pour 2020-2021, la population de loups gris avait été estimée à 624 individus, mais l’OFB a affiné sa méthode grâce à l’analyse de résultats génétiques.
La chasse au loup autorisée en France
Le nombre maximal de loups pouvant être tués en 2022 s’élèvera donc à 174 individus, contre 118 initialement prévus. « Depuis le 1er janvier 2022, 29 loups ont été décomptés de ce plafond », précise le préfet, en charge de la cohabitation de ce prédateur naturel avec le bétail.
D’autres mesures sont prévues pour accompagner les éleveurs et limiter les attaques contre les troupeaux: financement de chiens de protection, de parcs électrifiés, de gardiennage par des bergers. Des indemnisations sont prévues en cas d’attaque.
Cela a débouché « pour la première fois, (sur) une baisse de la prédation en France tant en nombre d’attaques que d’animaux prédatés », tout en restant à un niveau élevé, indique le communiqué.
« Une enveloppe financière supplémentaire permettra d’améliorer la qualité du matériel, donc l’efficacité des tirs de défense des troupeaux », avec « une attention particulière (…) aux situations individuelles des éleveurs subissant une forte prédation », précise le communiqué.
Le loup gris, revenu de lui-même en France depuis l’Italie et essentiellement présent dans les massifs alpins et provençaux, connaît une dynamique démographique favorable (…) depuis 10 ans, avec « un taux de survie de l’espèce satisfaisant et d’une hausse de la reproduction », selon le communiqué. Il a été aperçu jusque dans le Finistère.
Le nombre de meutes progresse aussi (+19 en 2020 et +29 en 2021), précise le communiqué.
Ce que précise FNE
L’État a présenté ce jour le bilan du suivi de la population de loups en France. Celui-ci montre une expansion à la fois numérique et géographique de l’espèce, avec une estimation de 920 loups. Cette première bonne nouvelle se double d’une autre : en 2021, le nombre d’attaques sur les troupeaux a diminué pour la première fois, de même que le nombre de victimes, déjà en baisse en 2020. France Nature Environnement et Humanité & Biodiversité saluent les efforts des éleveurs dans la mise en place de moyens de protection et encouragent l’Etat à poursuivre son accompagnement afin de généraliser des mesures qui prouvent leur efficacité.
Une méthode de suivi robuste et transparente
Il importe de souligner d’abord la transparence qui préside à la diffusion de cette estimation et à la méthode qui la fonde. Elle est issue d’un protocole scientifique robuste, validé par des scientifiques européens, fondé sur des indices et données fiables, validées par des analyses génétiques avant d’être intégrés dans le modèle mathématique établi par le CNRS. A rebours de mensonges colportés l’année dernière et destinés à décrédibiliser l’Office Français de la Biodiversité, il n’y a pas aujourd’hui de méthode plus robuste de suivi d’une population dans aucun pays européen.
En ces temps d’érosion généralisée de la biodiversité, ce bilan constitue une bonne nouvelle montrant que les écosystèmes sont en capacité d’accueillir le retour naturel d’un grand prédateur, qui y trouve toute sa place, notamment dans la régulation des grands ongulés dont on sait les dégâts qu’ils causent dans de nombreux territoires aux forêts et à certaines productions agricoles.
Des mesures de protection efficaces
Dans ce contexte, il est important de souligner que l’an dernier le nombre d’attaques a diminué pour la première fois, de même que le nombre de victimes (qui était déjà en baisse en 2020) : les attaques comme les dommages aux troupeaux se retrouvent ainsi à leur plus bas niveau depuis 2018. Cela est particulièrement vrai dans les secteurs de présence historique du loup. Cela s’explique par les efforts des éleveurs dans la mise en place de moyens de protection et l’implication de l’Etat pour la bonne mise en œuvre de ceux-ci.
Par contraste, les territoires de nouvelle colonisation connaissent des hausses de dommages, explicables par l’absence de ces moyens de protection. Ces constats démontrent une réelle efficacité de ces moyens : ils doivent encourager l’Etat à renforcer l’accompagnement des éleveurs pour permettre une mise en place effective et généralisée de ces moyens.
Mettre un terme aux tirs « politiques »
L’augmentation du nombre de loups ne doit pas être l’occasion pour l’Etat de relâcher le strict encadrement des autorisations de tir. On connaît la tentation d’octroyer des tirs « politiques », destinés non à protéger les troupeaux mais à satisfaire ceux qui pensent qu’un prédateur ne se « gère » que par la destruction. Ce double constat d’une augmentation de la population de loups et d’une diminution du nombre d’attaques montre bien que la destruction n’est pas une solution.
Les autorisations de tirs de loup, espèce protégée, doivent rester dans le cadre dérogatoire prévu par la réglementation française et les instances européennes. Ces autorisations sont prévues pour la prévention de dommages aux troupeaux qui continuent, malgré la mise en œuvre effective des moyens de protection, à subir des attaques. Pas dans les autres cas, ni pour détruire un individu en l’absence de dommages, ni dans la situation de troupeaux non protégés. Cette règle doit prévaloir dans les décisions des préfets, que le loup soit présent de longue date dans le département ou qu’il ne soit que de passage.
Anticiper les mesures de protection pour favoriser la coexistence
En aucun cas les possibilités dérogatoires de destruction de loups ne doivent être utilisées pour réguler la population de loup ni la cantonner géographiquement. Aussi, lors de l’arrivée du loup dans un territoire, la priorité est d’accélérer et faciliter les moyens de protection, et pas de tirer à vue sur le loup au motif que les élevages ne sont pas encore protégés. La mise en œuvre des moyens de protection doit être mieux anticipée : il s’agit d’appréhender le travail avec les chiens de protection et l’installation de clôtures adaptées sans attendre les premières attaques.
L’État doit poursuivre l’accompagnement des éleveurs dans la généralisation des moyens de protection grâce aux financements publics européens, et être le garant de la bonne utilisation de ces fonds et de la mise en place effective des moyens de prévention des attaques. Dans ces conditions, les tirs autorisés uniquement dans les cas où la protection n’a pas rempli ses objectifs retrouveront une certaine efficacité pour faire baisser la prédation.
photo : Voix du nord
Effectuer les prélèvements en fonction des dégâts
Ces mesures ne satisfont toutefois pas les organisations agricoles. La Confédération paysanne, faisant cavalier seul, réclame davantage de moyens au ministère de l’Agriculture pour anticiper la protection dans les zones où le loup apparaît. « Toutes les régions seront concernées dans les dix ans à venir », estime le syndicat paysan, qui demande à ce que « les prélèvements soient effectués en fonction des dégâts aux troupeaux et non dans un cadre de gestion de l’espèce ».
La FNSEA, accompagnée de quatre autres organisations (JA, FNO, FNB, FNC) et des chambres d’agriculture revient, quant à elle, sur la méthode de comptage des loups. Une contestation qui, en novembre 2021, avait provoqué le boycott du Groupe national loup par trois associations de protection de la nature (FNBE, LPO, Ferus). « À rebours de mensonges colportés l’année dernière et destinés à décrédibiliser l’Office français de la biodiversité, il n’y a pas aujourd’hui de méthode plus robuste de suivi d’une population dans aucun pays européen », réaffirme FNE et « L’augmentation du nombre de loups ne doit pas être l’occasion pour l’État de relâcher le strict encadrement des autorisations de tir ».
« L’effectif annoncé ne correspond pas à la réalité de la population lupine », maintiennent, de leur côté, les organisations agricoles, qui réclament un prélèvement de 300 loups en 2022. « Les éleveurs vivent quotidiennement dans l’angoisse d’une nouvelle attaque, et ce, en dépit des mesures de protection des troupeaux mises en place », assurent les organisations. Bien qu’en baisse, il est vrai que le nombre d’animaux tués par les loups s’élève à 10 800 en 2021 (contre plus de 12 000 en 2019). « S’agissant des bovins – de plus en plus attaqués par les loups –, l’inefficacité des mesures de protection n’est plus à démontrer », pointent les organisations.
La Fédération nationale ovine (FNO) demande à nouveau une révision du statut de protection du loup, qui n’est plus, selon elle, une espèce menacée d’extinction, via une révision de la directive Habitats (R3123). « Chaque pays pourrait assurer l’équilibre entre la conservation des espèces sauvages et la conservation des activités agricoles et pastorales », explique le syndicat agricole.
« L’expansion des prédateurs constitue en effet une menace directe pour les zones rurales désormais au cœur des politiques européennes. Elle participe au non-renouvellement des éleveurs et à l’abandon des espaces entretenus par eux et par leurs troupeaux, appauvrissant ainsi la biodiversité dans son ensemble », estime la FNO accompagnée des autres organisations agricoles. Alors que le nouveau plan loup est en cours d’élaboration, ces dernières appellent à en faire « un véritable plan de sauvegarde du pastoralisme, de l’élevage en plein air et un plan de régulation de l’espèce lupine ».