Ils déménagent, grimpent, changent de régime alimentaire, de période de ponte, rapetissent ou grossissent. Déjà confrontés au changement climatique, les animaux s’adaptent… ou disparaissent.
– Le requin qui s’accouple avec son cousin
En Australie, des chercheurs sont tombés nez à nez avec le premier requin hybride, un croisement entre le requin bordé commun (Carcharhinus limbatus) présent aux quatre coins du globe et sa version locale : le requin bordé australien (Carcharhinus tilstoni). Des cousins proches mais qui ne se croisent habituellement pas dans les mêmes eaux : si l’Australien préfère les eaux chaudes du Nord, le requin bordé commun est plus abondant dans les eaux tempérées subtropicales le long de la côte sud-est de l’Australie. En croisant ses gènes avec ceux de son cousin commun, l’espèce locale aurait ainsi trouvé une manière d’étendre son périmètre de navigation, à l’heure où le changement climatique fait varier les températures océaniques.
– Le poisson-clown qui s’adapte à l’eau acide
Certains petits poissons-clowns semblent mieux résister à une température et une acidité plus élevées de l’eau si leurs parents ont été confrontés à des conditions similaires. C’est la découverte d’une étude de l’université James Cook, à Townsville (Australie), publiée le 1er juillet dans la revue Nature Climate Change. Ces poissons-clowns pourraient donc s’adapter aux deux principales conséquences de l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère : un réchauffement de la température de l’eau et une acidification due à la concentration plus importante de CO2.
– Le papillon qui déménage vers le Nord
Le papillon Comma a quitté le centre de l’Angleterre pour la région d’Edimbourg. Soit 220 kilomètres parcourus en quarante ans, selon des chercheurs de l’université de York qui ont scruté 2 000 espèces animales et végétales. En moyenne, les espèces se seraient déplacés de 16,9 kilomètres vers les hautes latitudes. Soit 20 petits centimètres gagnés chaque heure, « toutes les heures du jour, tous les jours de l’année », selon Chris Thomas, l’un des coauteurs de l’étude.
– Le rongeur qui grimpe, qui grimpe…
Le pika, petit rongeur d’Amérique du Nord, a grimpé en moyenne de 13 mètres par décennie pendant le XXème siècle. Mais depuis la fin des années 1990, il a très franchement accéléré la tendance pour gagner 144 mètres par décennie, rapportaient en 2011 des chercheurs de l’université du Nevada. L’espèce a malheureusement aussi souffert au passage : les chercheurs ont aussi noté une augmentation de la mortalité dans les dix dernières années.
– La fauvette qui passe l’hiver plus loin
Une équipe de l’université de Durham en Angleterre a noté en 2009 que les fauvettes partent désormais plus au Nord pour pondre une fois les beaux jours venus. L’astuce est toutefois dangereuse, puisque les oiseaux migrent toujours dans la même région pendant l’hiver. Leur trajet de migration se rallonge donc d’environ 400 kilomètres. Le retour vers l’Afrique pour l’hiver – notamment la traversée du Sahara – en est d’autant plus pénible et périlleuse pour l’espèce.
– Le renard qui rapetisse
Le renard polaire (Vulpes Lagopus) d’Islande rapetisse à mesure que changent les courants océaniques et que diminuent ses ressources alimentaires, écrivaient en 2009 Eli Geffen et Yoram Yom-Tov dans une étude parue dans Global Chance Biology. Le second, professeur au département de Zoologie de l’université de Tel Aviv (Israël) a observé, plusieurs décennies durant, les squelettes d’animaux conservés dans les collections des musées et analysé les modifications des tailles des animaux et des oiseaux. Sont surtout affectés les animaux des régions de haute latitude où les changements de températures sont déjà les plus radicaux.
– La marmotte qui grossit
Les marmottes à ventre jaune, ou Marmota flaviventris des montagnes du Colorado ont été suivies pendant plus de trois décennies (1976–2008) par des chercheurs anglais et américains. Ces derniers ont publié leurs résultats dans le journal Nature en juillet 2010. Et ils sont catégoriques : les marmottes s’empâtent. La masse moyenne des rongeurs a augmenté de 10%. D’abord, l’été est plus long, l’hibernation est restreinte, la perte de poids qui l’accompagne également. De plus, les petits naissent plus tôt, ce qui leur confère davantage de temps pour profiter de la belle saison et stocker la graisse avant la nouvelle saison froide.
– Le manchot qui change ses habitudes sexuelles
Nous vous en parlions en mars. Des chercheurs de l’université américaine de Stony Brook ont étudié les comportements de reproduction de trois espèces de manchots en Antarctique : l’Adélie, le manchot à jugulaire – deux espèces qui ont besoin d’un environnement très froid pour procréer et migrent donc vers la banquise pour se reproduire – et le manchot papou qui ne migre pas. Ces trois espèces sont frappées par le changement climatique, qui avance leur date de ponte. Les deux premières espèces n’ont pas réussi à s’adapter et ne migrent pas plus tôt. Elles n’arrivent donc pas à temps au bon endroit pour pondre. Le manchot papou – qui n’a pas besoin de glace pour se reproduire – a, lui, facilement avancé son cycle de reproduction. Résultat, les manchots papous se reproduisent davantage et s’accaparent les meilleures zones de nidification. Leurs effectifs augmentent par rapport à ceux des deux autres espèces en déclin.
– La coccinelle qui change de couleur
Aux Pays Bas, à l’intérieur des terres, régnaient il y a une trentaine d’années les coccinelles noires à pois rouges. Désormais, leur nombre décline au profit des coccinelles rouges à taches noires, habituées des côtes. Les chiffres, établis par le recensement d’une équipe de l’université de Cambridge et publié en décembre 2011, parlent d’eux-mêmes : en 1980, à 40 km à l’intérieur des terres, 60% des coccinelles étaient noires contre 20% en 2004. L’explication pourrait être la suivante : si le noir absorbe l’énergie du soleil et permet aux animaux de survivre dans des conditions plus continentales, le rouge permet aux animaux de ne pas attraper un coup de chaud près des côtes. Le réchauffement du territoire a vu le rouge triompher du noir.
– L’ours polaire qui opte pour un nouveau régime alimentaire
Avant, c’était occasionnel. C’est devenu désormais une habitude. Les ours polaire boulottent les œufs des canards et des oies d’Arctique. « Nous assistons à une augmentation de cette tendance depuis 5 à 6 ans », expliquait en 2010 Robert Rockwell, spécialiste des oies polaires à National Widlife. Simplement parce que les ours peinent désormais à attraper les jeunes phoques annelés qui naissent sur des îlots de glace entre avril et mai. En effet, la banquise fond de plus en plus tôt et les ours sont souvent condamnés à errer sur la terre ferme, loin de leurs proies. Mais avaler des œufs n’est pas suffisant pour ces ours. « Un ours polaire a besoin de 43 phoques annelés ou équivalent pour tenir toute l’année », souligne Ian Stirling, un biologiste canadien spécialisé de l’espèce.
Ne nous y trompons pas, si certaines s’adaptent, beaucoup d’espèces risquent aussi de rester sur le bord de la route du changement climatique. A en croire le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, si la température devait s’élever de deux degrés (soit la fourchette basse des scénarios) au-dessus des niveaux actuels, jusqu’à un tiers des espèces végétales et animales disparaîtraient.
Source Terra Eco, juillet 2012