Même en limitant le réchauffement à +2°C, près d’un tiers de la surface mondiale sera beaucoup plus aride qu’elle ne l’est actuellement, démontre une étude publiée lundi 1er janvier dans la revue Nature Climate Change. Première victime, le sud de l’Europe.
C’est l’objectif fixé par l’Accord de Paris, signé en décembre 2015 lors de la COP21: limiter la hausse de température à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et si possible à 1,5°C. Or non seulement l’humanité est plutôt sur la piste d’au moins 3°C d’ici à 2100, mais une planète à 2°C sera déjà très périlleuse. En particulier pour le cycle de l’eau, fortement dépendant de la température.
LE RÉCHAUFFEMENT AMPLIFIÉ PAR LA SÉCHERESSE
L’aridité constitue non seulement une menace pour l’agriculture mondiale, mais aussi pour la qualité de l’eau, les forêts et la biodiversité. Et, selon un mécanisme de rétroaction positive, elle pourrait diminuer les capacités qu’ont les sols de stocker le carbone, accroissant ainsi l’effet de serre.
Dans une étude de modélisation publiée dans Nature Climate Change, l’équipe de Song Feng, du département des géosciences à l’université de l’Arkansas (Fayetteville), s’est penchée sur le délai avant émergence de l’aridité (Time to Emergence for Aridity, ToEA), celui au-delà duquel une différence significative d’aridité (ratio précipitation/évapotranspiration) sera observée par rapport aux données historiques (période 1861-2005).
UN QUART DE LA POPULATION MONDIALE
Résultat: en 2100, un scénario RCP4.5 (hausse moyenne de 1,8°C d’ici à 2100, mais de marge d’incertitude de 1,1°C à 2,6°C) entraînera une nette aridification de 42% de la surface mondiale, contre 49% dans un scénario RCP8.5 (hausse moyenne de 3,7°C).
Pas besoin d’attendre aussi longtemps pour que les effets se fassent sentir: dans un scénario RCP4.5, 32% des terres, hébergeant 24% de la population mondiale, auront atteint une aridité dépassant le bruit de fond avant que la température mondiale n’ait dépassé les +2°C.
Dans le cas d’un seuil de +2°C dépassé lors d’un scénario RCP8.5, ce taux sera légèrement inférieur (24% des terres, 18% de la population mondiale), le cycle de l’eau ne répondant pas de manière linéaire au réchauffement et à sa trajectoire.
L’EUROPE DU SUD PLUS VULNÉRABLE
Alors que les premiers signes de sécheresse y sont déjà visibles, l’Europe du sud, dont l’ensemble de la France métropolitaine, pourrait être la première région du monde dont l’aridité dépassera le bruit de fond. Et ce avant 2050, de même que pour cinq autres régions: l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale, le sud et l’ouest de l’Afrique, les côtes australiennes et le sud de la Chine. Pour l’Amérique du Nord et le nord de l’Europe, le ToEA se situe en revanche après 2050.
En matière de sécheresse, le tournant se situe donc avant 2°C: selon les chercheurs, maintenir la planète sur un objectif de 1,5°C, également mentionné dans l’accord de Paris, permettrait d’éviter à 20% de la surface terrestre (10% de la population mondiale) de devenir plus aride, soit deux tiers de moins qu’avec une hausse de +2°C.
Le Journal de l’environnement/Romain Loury, 3 janvier 2018