Abandon du projet de barrage au confluent de l’Ain et du Rhône

« Nos victoires ne sont pas tellement nombreuses que nous puissions faire à leur propos quelques commentaires ; non pour jouer aux « anciens combattants », mais pour en tirer éventuellement quelque profit en vue d’autres combats. D’où la question : pour quelles raisons avons-nous pu gagner la bataille du confluent Ain-Rhône ?

D’abord pour des raisons techniques

Nous savions tous que le site naturel du confluent de l’Ain et du Rhône était d’une très grande qualité (même si celle-ci était agressée depuis des années) ; nous l’avions démontré et écrit bien avant cette lutte. Nos arrières étaient donc assurés. Inversement la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) était des plus légers des points de vue énergétique et financier. Dans ce domaine – qui n’est pas particulièrement de notre compétence – nous avons été servis par la thèse d’un jeune polytechnicien. De la sorte, nous avons fait plus que tenir tête à la CNR sur son propre terrain.

Ensuite pour des raisons sociologiques

Le hasard des circonstances a servi notre action. Deux des trois municipalités concernées, des associations locales, des agriculteurs et des chasseurs, ont accepté de s’unir pour agir, d’où la constitution de la CODERA -Coordination pour la Défense du fleuve Rhône et de la Rivière d’Ain- (cela n’a pas été le cas sur le site de Sault-Brénaz qu’il a vite fallu passer aux « profits et pertes » de manière douloureuse mais réaliste).

Mais cela n’a pas été sans mal : d’une part la FRAPNA a été reçue au départ comme un « mouvement écolo », barbu et léger. Belle leçon pour l’image de marque que certains d’entre nous ont donné dans l’opinion publique ! D’autre part, à côté de cas très réconfortants de dévouement et de désintéressement, nous en avons appris (encore) sur la nature humaine : quelques chasseurs murés dans leur aveuglement et passablement obtus, des candidats aux élections municipales oubliant la CODERA une fois élus (mais n’oubliant pas de se servir des renseignements obtenus d’elle), etc.

Dans ce même esprit, si nous avons, à cette occasion, rencontré dans l’Administration des personnes vraiment compétentes et dévouées à leur tâche, nous avons également eu affaire à des technocrates absolument pervertis par leur projet (que répondre quand un ingénieur vous déclare que la vallée du Rhône est désormais « belle » entre Lyon et la mer ?), et à des politiciens n’ayant même pas le courage d’afficher publiquement leur appui au projet de barrage ! Quant à la presse, elle a joué son rôle, ni plus ni moins.

Enfin pour des raisons économiques et politiques

C’est peut-être triste à dire, mais la crise nous a servis : avoir tenu tête pendant la première année, nous a permis d’atteindre (la suivante), où deux vérités économiques sont apparues : la surproduction électrique et la nécessité de restructurations industrielles. Le contexte politique aussi. Certes la FRAPNA s’est toujours refusée à un engagement politique (même en faveur des écologistes), en raison de son caractère « syndical ». Néanmoins nous sommes prêts à collaborer avec tout politicien de bonne volonté ; néanmoins le pouvoir en place, après tant d’erreurs économiques (dont celle du nucléaire, ou de la chasse), avait beaucoup à se faire pardonner. L’occasion était trop bonne pour la laisser passer (d’autant que le Premier Ministre venait d’autoriser, contre l’avis du Haut Comité de l’Environnement, un barrage très « douteux » en Creuse).

Pour conclure…

La première raison pour laquelle je me suis battu contre ce projet était la valeur naturaliste du site et l’inutilité du projet de barrage. La seconde était plus « théorique » : sur ce dernier, nous avions pratiquement TOUTES les armes que nous pouvions espérer réunir dans notre action pour la protection de la nature ; l’eussions-nous perdue que cela aurait été un enseignement en soi : l’inutilité de notre lutte contre le « système ».

Parce que nous avons gagné, pouvons-nous afficher un optimisme béat ? Non, et pour plusieurs raisons : nous savons que notre victoire n’a tenu qu’à un fil, et qu’un élément manquant nous aurait été fatal ; nous savons que la défaite d’un technocrate peut être provisoire, alors que celle d’un naturaliste est par essence définitive. Nous avons vu que, malgré les évidences, il existe encore des hommes (techniciens, élus) qui n’ont encore rien compris à la situation générale.

Au moins aurons-nous appris (ou confirmé) ce que doit faire la FRAPNA pour aborder et réussir de telles affaires :

  • Posséder ou établir des données techniques irréprochables ;
  • Savoir choisir les données pour y concentrer nos faibles moyens de temps et d’argent ;
  • Savoir s’ouvrir à ceux qui, même momentanément, peuvent être de notre avis, mais en se gardant des illusions ;
  • Savoir repérer et convaincre, au sein de l’Administration et des « corps constitués », ceux susceptibles de nous comprendre et de nous aider.

Quoi qu’il en soit, un grand merci à tous celles et ceux qui, sous une forme ou sous une autre (même une simple lettre lors de l’enquête publique), ont contribué à l’une de nos plus grandes victoires pour la protection de la nature ».

Vous y avez cru ? Bon c’est vrai, la nouvelle est tombée cet été, le projet de barrage est abandonné : Rhônergia : le projet abandonné, la question des solutions alternatives se pose (actu-environnement.com)

Mais le texte ci-dessus est vieux de 40 ans ! Il a été écrit par le Professeur Philippe Lebreton, alors président de la FRAPNA, et publié dans le premier numéro du journal Rhône-Alpes Nature (Rana) en octobre 1984.

Quand c’est fini, n, i, ni, ni, ça recommen… ence : https://www.stopbarrage.fr/

https://lareleveetlapeste.fr/sur-le-rhone-un-barrage-hydroelectrique-pourrait-detruire-le-seul-troncon-encore-sauvage-du-fleuve/

Philippe nous avait prévenus : « nous savons que la défaite d’un technocrate peut être provisoire, alors que celle d’un naturaliste est par essence définitive ».

1984, le projet de barrage est abandonné

2024, c’est reparti comme en 14            

 

« Les rivières et les fleuves sont comme des arbres : quand on les coupe, on obtient des tronçons qui finissent par pourrir » m’expliquait Monique Coulet alors Présidente de la FRAPNA.

Chers lecteurs de l’Echo des Terriers, l’amnésie technocratique nous menace : rendez-vous en 2064 lorsqu’un nouveau projet ressortira de terre. Et d’ici là on ne baisse pas la garde, on tend l’oreille, on pointe le museau et on garde un œil ouvert.

Notre concours « le roi des girouettes » : https://www.leparisien.fr/elections/legislatives/legislatives-thierry-coste-conseiller-chasse-officieux-demmanuel-macron-apporte-son-soutien-au-rn-dans-une-tribune-05-07-2024-EMNSOSQ4BVFSJAGAWOCR74NEVE.php

 

Notre rubrique « Contrairement à la connerie, l’univers est peut-être limité » cette annonce d’une prime de la part de la Coordination rurale pour tout loup tué :  https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/actualites/1-000-pour-tout-loup-mort-la-coordination-rurale-de-la-haute-vienne-vend-la-peau-du-loup_14541927/

Naturellement vôtre

Meles meles

https://www.youtube.com/channel/UCNjHlSraXGd-yt0RWZdWUFA