Affaire Paul Watson : le défenseur des baleines reste en prison au Groland (pardon Groenland)

Incarcéré à Nuuk, capitale du territoire autonome danois depuis 21 juillet, le fondateur de Sea Shepherd voit sa quatrième demande de mise en liberté rejetée ce mercredi 23 octobre. Le tribunal groenlandais prolonge sa détention jusqu’au 13 novembre.

Paul Watson reste, pour l’heure, derrière les barreaux. Voilà plus de quatre-vingt-dix jours que le défenseur des baleines est placé en détention provisoire au Groenland sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités japonaises. Après les audiences de mi-août, début septembre et début octobre, le fondateur de l’ONG Sea Shepherd – qui risque l’extradition vers le Japon – s’est donc vu refuser pour la quatrième fois une demande de mise en liberté, ce mercredi 23 octobre. Les juges du tribunal de Nuuk, la capitale de cette province autonome danoise, ont décidé de suivre les réquisitions du parquet, inflexible depuis l’arrestation de l’activiste le 21 juillet, et de le maintenir dans sa cellule au moins jusqu’au 13 novembre.

«Cette décision était prévisible, réagit auprès de Libération William Bourdon, l’un des avocats du collectif de défense de Paul Watson. Maintenant, le plus important est que le Danemark envoie un message clair : l’Europe doit rester un sanctuaire pour les plus grands militants écologistes. Ceux qui se battent contre le massacre illégal du vivant se battent pour nous et les prochaines générations. Accepter l’extradition de Paul Watson reviendrait à être complice des prédateurs du vivant et de ceux qui désignent les grands lanceurs d’alerte comme des éco-terroristes !»

«On veut que le ministre danois prenne enfin une décision. Ils le laissent croupir en prison, c’est franchement problématique», dénonce la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, aux côtés de Paul Watson à chaque audience. «A terme, la question de la proportionnalité [de la détention provisoire par rapport au délit, ndlr] va poser problème», pointe la pénaliste danoise Julie Stage, autre avocate du militant.

Paul Watson est dans le viseur du Japon pour des faits remontant à quatorze ans. Le pays l’accuse «d’obstruction forcée au commerce, d’atteinte à l’intégrité physique, d’intrusion dans un navire et de vandalisme» lors d’une campagne de harcèlement antibaleiniers menée par Sea Shepherd, en février 2010, dans l’océan Austral. Le mandat d’arrêt nippon a abouti à la publication d’une notice rouge d’Interpol, en septembre 2012, à laquelle Copenhague a répondu favorablement cet été. L’écologiste s’est fait menotter à bord de son bateau par des officiers de police danois alors qu’il s’apprêtait à se lancer à la poursuite du Kangei-Maru, nouveau navire usine nippon. Selon le ministre nippon des Affaires étrangères, Takeshi Iwaya, qui s’est exprimé sur le sujet début octobre, la demande d’extradition japonaise relève de «l’application de la loi» plutôt que de la chasse baleine.

Mi-septembre, l’équipe juridique de Paul Watson a saisi le rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, afin qu’il se penche sur la situation. Dans une interview accordée à Libération fin septembre, ce dernier a donné ses premières impressions sur ce dossier hautement politique : «Le Danemark n’était pas contraint par la loi de procéder à une arrestation. D’autres pays, dont la France, ont laissé Paul Watson voyager librement sur leur territoire ces dernières années. […] Ce serait un véritable scandale s’il était extradé.»

Cet avis n’est visiblement pas partagé par le député européen Siegbert Frank Droese. Le 19 septembre, lors d’une séance plénière au Parlement européen à Strasbourg, cet élu du parti d’extrême droite allemand Alternative pour l’Allemagne (AfD) et également membre de la délégation européenne pour les relations avec le Japon, a qualifié Paul Watson d’«écoterroriste» devant l’hémicycle, assurant qu’il avait «causé le décès de plusieurs marins» – ce qui est faux. Ce dernier a ensuite affirmé qu’«il n’y a pas de différence entre Paul Watson et Ben Laden». Selon nos informations, le collectif de défense de Paul Watson a adressé un courrier à la procureure générale de Paris demandant la levée de l’immunité parlementaire du député allemand, afin qu’il puisse être jugé pour ses propos.

Sur le fond du dossier, Watson et sa défense sont toujours dans l’attente de l’arbitrage du ministère de la Justice danois concernant la demande nippone d’extradition. «La police du Groenland a récemment envoyé, à la suite de son enquête, une évaluation de l’affaire au procureur général, qui émettra aussi un avis», a déclaré le ministère groenlandais. Une fois ces deux évaluations transmises au ministère danois de la Justice, une décision sera prise, a-t-il ajouté, sans donner de calendrier. La décision pourrait intervenir dans les semaines à venir, selon Jonas Christoffersen, autre avocat danois du militant américano-canadien. «On ne sait pas exactement quand, mais le parquet général de Copenhague devrait livrer bientôt ses recommandations au ministre de la justice du Danemark, qui devra ensuite trancher», a-t-il précisé devant la presse, le 16 octobre. Le même jour, l’ONG Sea Shepherd France annonçait que Paul Watson avait demandé à Emmanuel Macron de lui accorder l’asile politique en France.

Sa demande d’asile en France en cours d’étude

Depuis sa cellule, l’activiste de 73 ans, qui vivait en France avec sa femme et ses deux plus jeunes enfants avant d’être arrêté, a écrit au chef de l’Etat une lettre datée du 4 octobre. Celle-ci a ensuite été acheminée jusqu’à Paris via son soutien Lamya Essemlali, présidente de l’association, puis transmise à l’Elysée par son équipe juridique, le 11 octobre, précise l’un de ses avocats François Zimeray, qui commente : «C’est une forme d’appel au secours.»

La position de la France à ce sujet n’est «pas tranchée», a fait savoir la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, le 17 octobre. «Nous examinons cette demande mais en principe, une demande d’asile doit être faite sur le sol du pays dans lequel on demande l’asile», a précisé le lendemain le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Cette demande, qui soulève donc des problèmes de droit, constitue surtout, pour la défense de Watson, un moyen de maintenir la pression pour la libération de l’activiste écolo.

Ce mercredi, des parlementaires et élus socialistes appellent Emmanuel Macron, dans une lettre ouverte adressée au chef de l’Etat et publiée sur le site Huffington Post, «à répondre favorablement» à la demande d’asile du fondateur de Sea Shepherd. «L’arrestation de Paul Watson s’inscrit dans une tendance générale à la répression accrue des activistes environnementaux, que nous déplorons profondément, interpellent les signataires. Dans un contexte de crise climatique et d’érosion mondiale de la biodiversité, la protection des lanceurs d’alerte et des activistes environnementaux doit être assurée, dans le cadre de la loi».

Source : Libérationhttps://www.liberation.fr/environnement/biodiversite/affaire-paul-watson-le-defenseur-des-baleines-reste-en-prison-au-groenland-20241023_TJ652ZZJ65AHXFHCJM4D6EYSPA/

Fresque Emmanuel Cerda