Environnement, social, éducation, consommation… Ils s’engagent au quotidien. Aujourd’hui Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux.
«On me reconnaît encore dans la rue»,
s’étonne sans déplaisir Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). On le serait à moins: pendant plus de trente ans, ce défenseur invétéré de la biodiversité a chroniqué, présenté, réalisé ou produit les émissions Des animaux et des hommes, Terre des bêtes, Animalia sur France 2, ou encore Au nom de la faune sur la chaîne Animaux. Aujourd’hui plus familier des tribunes et tribunaux que des plateaux, l’infatigable militant sait apprécier cette notoriété qu’il n’a «pas choisie», assure-t-il. «Grâce à elle, j’ai pu épanouir ma passion et parcourir la planète. Et j’en use encore, car être un peu connu donne plus de chance d’être écouté», explique-t-il simplement.
Au fil des ans, ses coups de gueule et ses actions chocs ont contribué à défendre la cause animale auprès du plus grand nombre. Ses procès aussi, lancés avec la LPO, sa «deuxième famille» ; celui de l’Erika, en 2010, marque les consciences en consacrant la reconnaissance du préjudice écologique. «On nous taxe de procédurier, mais si nous allons si souvent devant les tribunaux, c’est que le droit n’est pas respecté ! D’ailleurs, on gagne à chaque fois… Agir est notre vocation», observe-t-il.
Aguerri par soixante années d’engagement écologique, porté par sa curiosité du monde et sa révolte face aux crimes contre la planète, Allain Bougrain-Dubourg cultive l’anti-langue de bois comme une espèce menacée de plus. Alors que le «vivant est à l’agonie», il dénonce «le manque de courage et l’autisme de nos dirigeants sur la biodiversité, qui ont le culot de nous dire qu’on est exemplaire». Il faudrait bien plus qu’une Convention citoyenne pour le climat, cette «démagogie démocratique surréaliste» pour l’infléchir. Sans parler de l’annonce ministérielle, fin octobre, de la fin du broyage des poussins pour 2021, en réaction à l’émotion suscitée par une vidéo de canetons jetés vivants. «Que ne pouvaient-ils l’interdire l’an dernier, quand la loi agriculture et alimentation est passée devant l’Assemblée ? Tous les amendements destinés à améliorer le bien-être animal, dont le broyage des poussins, ont alors été retoqués, tous !» fulmine-t-il.
Auteur de plusieurs ouvrages et autobiographie (Il faut continuer de marcher !, Éditions de La Martinière, 2015 ; Lettres des animaux à ceux qui les prennent pour des bêtes, Les échappés, 2018…), ce Parisien de naissance, fils de résistant, raconte volontiers l’origine de sa passion : enfant, pensionnaire réservé, il trouve refuge auprès des bêtes, et s’attache particulièrement aux reptiles et autres animaux «mal aimés», ces rampants, griffus ou nuisibles qu’il découvre au Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle. «J’avais à l’époque la prétention de changer le monde. Je pensais que si je réussissais à sauver les mal-aimés, alors je sauverais l’arche du vivant», se souvient-il dans un sourire mi-amer. «Diplômé d’un bac-1», s’amuse-t-il, le président de la LPO est aussi membre du conseil économique, social et environnemental (CESE), président du conseil d’orientation stratégique de la fondation pour la recherche sur la biodiversité ou encore membre du conseil d’administration du Muséum national d’histoire naturelle de Paris.
«Les animaux, ce sont nos voisins de planète», justifie-t-il. Serait-ce son exposition médiatique qui lui a laissé le goût de la formule ? Aujourd’hui, il salue ce «mouvement de jeunes qui font le choix d’être en communion avec le reste du vivant, et non plus en prédation». «Une flamme d’espoir se dessine alors que le sang de la faune nous coule entre les doigts et que les décideurs s’en lavent les mains», regrette-t-il.
Pas question, pour autant, de baisser les bras. Le militant, réservé sur la collapsologie, entend bien se battre jusqu’à son dernier souffle. Même si aujourd’hui, «la lutte a changé d’échelle». Face au déclin des espèces, à l’artificialisation des sols, à l’agriculture industrielle intensive et au dérèglement climatique, «c’est le système tout entier qui est en jeu».
Christelle Granja/Libération 18 décembre