Alors qu’un rapport alarmant sur la biodiversité est dévoilé ce lundi, la protection des espèces marines a dopé l’écotourisme dans cette localité au bord de l’océan Atlantique.
Denis Gnamaloba scrute la plage. En cette matinée du 30 avril, il marche lentement, le regard rivé sur le sable fin où se déchaînent les vagues. « Il n’y a pas eu de tortue tuée, souffle-t-il, soulagé, en s’asseyant sur une vieille pirogue. Il n’y a pas eu de ponte non plus. » Nous sommes à Ebodjé, petit village au bord de l’océan Atlantique, dans la région du sud du Cameroun.
Quatre espèces de tortues marines sont présentes dans les eaux de cette bourgade d’un millier d’âmes. Chaque année entre septembre et avril, environ 150 tortues olivâtres et luths viennent pondre des œufs sur les plages. Les tortues vertes et imbriquées, elles, s’y rendent surtout pour s’alimenter. Les tortues luths, espèce classée, sont les plus grandes des tortues marines. Celles qui pondent sur les plages d’Ebodjé peuvent atteindre 2,10 mètres de largeur et 2,40 mètres de longueur.
« La tortue est notre emblème. De génération en génération, elle a toujours fait partie de nos vies. La protéger est aujourd’hui notre plus grand devoir », poursuit Denis Gnamaloba, par ailleurs président de l’association Tube Awù (« notre océan » en yasa), spécialisée dans la protection des tortues marines du village.
Comme la quasi-totalité des habitants, cet homme souriant de 41 ans a été braconnier, comme ses parents et grands-parents avant lui. Il a tué des tortues, mangé leurs œufs et leur chair. A la fin des années 1990, l’arrivée d’un groupe de chercheurs fait évoluer les mentalités. Ces scientifiques, parmi lesquels l’expert français Jacques Fretey, les aident à identifier les espèces de tortues et leur expliquent l’importance de leur protection.
99 % des visiteurs viennent pour les tortues
La population se rend alors compte que « leurs tortues peuvent servir à autre chose que des repas », et pense notamment au développement de l’écotourisme. « On a aménagé des chambres d’hôtes dans nos maisons. On a commencé à former des habitants pour les services d’accueil, de restauration et des guides touristiques », se souvient Ndjokou Djongo, le chef du village.
D’après Alain Thierry Mehenga, président du comité d’écotourisme, 99 % des visiteurs viennent ici pour les tortues. « Au fil des années, nous avons naturellement mis l’accent sur la protection de ces espèces et le développement de notre communauté. Car si les habitants n’y participent pas et n’en profitent pas, rien ne pourra réussir », dit-il….
Dans Le Monde du 6 mai