En matière d’écologie, le hiatus entre les discours et les actes du gouvernement Macron s’avère de plus en plus béant. Dernière en date à en faire les frais, la biodiversité, qui est pourtant un enjeu majeur, au moins autant que le climat. Il en va «seulement» de la survie de l’humanité. Pêche, agriculture, bois, médicaments, filtration de l’eau, du sol et de l’air, régulation du climat… Nous dépendons tous des services que nous rend gratuitement le vivant. Et il est urgentissime d’agir en encourageant enfin «un changement profond» des modèles de production et de consommation. C’est ce que vient de marteler le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (IPBES) dans un rapport historique détaillant l’accélération sans précédent de la disparition des espèces, publié lundi (Libération du 6 mai). Or que fait l’exécutif ? Il parle, un peu, il était temps. Mais il agit à contresens. Après avoir omis de prononcer le mot «biodiversité» lors de sa conférence de presse du 25 avril, Emmanuel Macron n’a pas daigné assister à l’ouverture ou la clôture de la session de l’IPBES, pourtant organisée à quelques encablures de l’Elysée. Ni de s’y faire représenter par son Premier ministre. Macron s’est contenté de recevoir des scientifiques de l’IPBES lundi. Et, comme pour rattraper le coup, ou comme s’il découvrait le sujet, d’improviser une conférence de presse dans la cour de l’Elysée à l’issue de cette rencontre. Certes, il a mentionné une série d’actions, mais plusieurs sont déjà prévues, comme la lutte contre le gaspillage et l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici à 2025. Certes, il a estimé qu’il fallait «changer notre manière de produire et de nous organiser». Et annoncé une «revue des aides fiscales et budgétaires» à l’aune de ces objectifs, ainsi qu’une extension des aires maritimes et terrestres protégées.
Au même moment, au G7 Environnement à Metz, le gouvernement a certes signé une toute nouvelle «Charte sur la biodiversité» internationale, s’engageant à «[renforcer] et à [améliorer] nos stratégies, politiques, plans d’action et programmes de recherche en matière de biodiversité».
Mais ces belles annonces cachent mal des manœuvres sapant un peu plus la biodiversité française, déjà très mal en point. Car côté actes, l’exécutif tente, en toute discrétion, de réduire drastiquement les compétences d’une instance-clé de préservation de la biodiversité, le Conseil national de la protection de la Nature (CNPN). Cela au profit des projets d’aménagement industriel. Via un projet de décret, le gouvernement prévoit en effet de «mettre au placard» cette institution scientifique indépendante, s’alarment une vingtaine de membres du CNPN dans une tribune publiée par Mediapart. A juste titre, car ce qui se joue ici est tout sauf anecdotique. Si ce décret venait à être publié, le CNPN se verrait largement privé d’une de ses missions centrales : l’examen des dérogations à la protection des espèces protégées…..
Voir Libération du mardi 7 mai
photo : La loutre d’Europe est l’une des 37 espèces particulièrement menacées. Photo J De Meester. Arterra. Andia