Biodiversité : l’inquiétante dégradation des grands sites humides

Plus de 40 % de ces écosystèmes à la frontière des milieux terrestres et aquatiques se sont dégradés en dix ans en France, selon une étude du ministère de la Transition écologique. A peine un site sur dix est en meilleur état.

 

La Dombes, surnommée le « pays aux mille étangs » dans l’Ain, mais aussi la Saône de Tournus à Lyon ou encore la Vallée du milieu à Saint-Pierre-et-Miquelon… En dix ans, l’état de ces sites considérés comme emblématiques des zones humides françaises, à mi-chemin entre terre et eau, s’est fortement dégradé. C’est ce que révèle la dernière évaluation réalisée par le service statistique du ministère de la Transition écologique.

Ce ne sont pas les seuls exemples de détérioration de ces écosystèmes qui – note l’étude – « fournissent de multiples services » : « rétention des crues, épuration de l’eau, réservoir de biodiversité, stockage du carbone, activités récréatives, etc. » Et qui subissent des pressions toujours plus fortes, au point de mettre en péril « la pérennité même de ce patrimoine naturel ».

Ainsi, 41 % des sites scrutés en métropole et dans les Outre-Mer sont dans une situation nettement moins bonne qu’en 2010. Sur vingt ans, c’est encore pire, avec pas moins de 58 % des zones dégradées. Si les sites de massifs à tourbières et du littoral méditerranéen (comme les étangs de la Narbonnaise et les zones humides hyéroises) ont été un peu moins impactés, ceux situés dans les plaines intérieures, sur le littoral atlantique, la Manche et la mer du Nord ont été particulièrement secoués.

Pressions humaines

La situation est contrastée entre les territoires, mais, sur l’ensemble des zones humides étudiées, seule une sur dix a vu son état s’améliorer depuis dix ans. Et, alors que près d’un tiers des espèces végétales remarquables et menacées vit dans les milieux humides et qu’environ la moitié des espèces d’oiseaux en dépendent, les efforts à faire restent immenses.

Les activités humaines sont les premières pointées du doigt. Le tourisme, les cultures et l’élevage, le prélèvement d’eau ou l’urbanisation « jouent un rôle déterminant dans l’altération » des sites, observent les auteurs. Au cours des dix dernières années, bien plus de la moitié a ainsi été concernée par une modification de la gestion en eau ou par une altération de la qualité de l’eau et des pollutions.

Les milieux d’eaux douces sont les plus affectés par les pressions humaines. Les causes majeures de déclin ? L’arrêt d’un pâturage, l’entretien inadapté, l’assèchement ou encore le drainage excessif, d’après l’étude. Pour les milieux salés, une fertilisation et un usage en produits phytosanitaires « excessifs » comptent parmi les principaux dangers « qui semblent accentuer leur dégradation ».

Espèces exotiques envahissantes

Les sites humides sont aussi de plus en plus menacés par la présence d’espèces exotiques envahissantes. L’étude estime qu’en métropole, la quasi-totalité des sites (99 %) a été touchée par le problème depuis le début du siècle. Les effets du réchauffement climatique sont là, également. Pour les nombreuses associations, collectivités et services déconcentrés interrogés pour l’évaluation, la majorité des évolutions observées est liée au dérèglement du climat.

Pour sauvegarder ces milieux fragiles dans les années à venir, il faut en passer par « une prise de conscience collective des enjeux et des menaces », souligne l’étude. Dans son plan de relance , le gouvernement évoque un objectif de « restauration du fonctionnement des zones humides » et début décembre, le Comité national de l’eau a promis que les zones humides « occuperont une place particulière dans la stratégie des aires protégées en cours d’adoption ». Stratégie dont les ONG ont, par le passé, critiqué le manque d’ambition.

 

Par Muryel Jacque/Les Echos, Publié le 28 déc. 2020