BLOOM attaque l’État français, complice de destruction environnementale dans l’océan Indien

Aujourd’hui, BLOOM attaque l’État français dans deux procédures distinctes, l’une devant le Conseil d’État, l’autre devant le Tribunal administratif, en raison de son attitude destructrice et irresponsable dans l’océan Indien.Conflit d’intérêts, dérogations illégales, absence de contrôles des flottes, retenue de données environnementales : le palmarès de la complicité de la France dans les pêches ciblant le thon tropical menées par23 navires industriels français dans les eaux d’Afrique

, notamment de l’océan Indien, est impressionnant.

Après avoir signalé en novembre dernier au procureur de la République (qui a depuis ouvert une enquête) un cas de transfuge potentiellement hors la loi dans la pêche thonière. BLOOM poursuit ses assignations et révélations pour limiter la toute-puissance et l’impact des activités opaques de pêche lointaine, excessivement destructrices pour la vie marine et la santé de l’océan. En plus de porter devant les tribunaux le comportement anormal de l’administration française, BLOOM révèle aujourd’hui les résultats d’une étude inédite, montrant que l’État français ne contrôle aucunement ces navires industriels.

C’est pour masquer sa complaisance envers les fraudes constantes de ses flottes de pêche en Afrique que la France œuvre actuellement à Bruxelles pour changer les normes européennes. Si la France réussit dans son entreprise destructrice du droit européen à amoindrir le « règlement européen de contrôle » des flottes de pêche, elle gagnera le gros lot : d’une part, elle échappera à une procédure d’infraction ouverte à son encontre par la Commission européenne et de l’autre, elle aura fait de la fraude de ses flottes thonières la nouvelle norme en Europe.

Dans la pêche distante au thon tropical, comme malheureusement dans de trop nombreux dossiers marins, la France exerce une influence toxique de haute voltige. Le prochain trilogue sur la réforme du règlement de contrôle, le 8 mars prochain, pourrait être le dernier. Il y a urgence à freiner le gigantesque pouvoir de nuisance de la France en Afrique et auprès des institutions européennes.

Deux actions devant les juridictions administratives et une procédure d’infraction européenne

Depuis 2015, la France accorde à ses flottes de pêche ciblant le thon dans l’océan Indien le « droit » de faire de la pêche parfaitement illégale au regard du droit européen. La circulaire ahurissante accordant cet « illégalisme légal » aux industriels, dont BLOOM demande aujourd’hui l’abrogation au Conseil d’État, a également valu à la France l’ouverture d’une procédure d’infraction par la Commission européenne en juin 2021, tant elle contredit la loi et mène à un désastre environnemental. En effet, les industriels et l’État français demandent non plus une « marge de tolérance » — c’est-à-dire une marge d’erreur — de 10% sur les captures déclarées espèce par espèce, mais sur le total des captures. « Ce changement sémantique peut paraître anodin, mais si cette demande était acceptée, les répercussions pour les écosystèmes marins et les économies côtières de l’océan Indien seraient catastrophiques », avertit Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM. « Un tel changement rendrait illusoire la collecte de données de qualité, puisque les espèces constituant ces captures n’auraient plus d’importance. Cela aurait des conséquences dramatiques pour le suivi de l’état de santé des écosystèmes marins et la mise en place de quotas dignes de ce nom. Cela permettrait de poursuivre la surpêche d’espèces déjà menacées, comme le thon albacore et le thon obèse ».

Ce n’est pas la réponse apportée par l’État à BLOOM le 17 février 2023, qui parle d’un texte caduc, qui y change quelque chose. Pendant que les procédures d’infraction engagées par la Commission européenne contre la France suivent leur cours, les captures illégales des Français se poursuivent. C’est pour y mettre fin au plus vite que BLOOM saisit aujourd’hui le Conseil d’État.

Par ailleurs, BLOOM saisit également le Tribunal administratif face au refus implicite de l’administration française de transmettre des données clés sur le contrôle des navires thoniers français et sur le nombre et la localisation des radeaux flottant ultra technologiques que les industriels utilisent pour attraper jusqu’au dernier poisson en Afrique : les « dispositifs de concentration de poissons » dits « DCP » dérivants (voir « Pour aller plus loin »). Après avoir reçu un avis favorable de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) sur la nature de nos requêtes, BLOOM espère que le tribunal sera d’une grande réactivité car chaque jour qui passe permet aux flottes françaises de piller les eaux africaines dans une totale impunité.

Une analyse inédite de BLOOM montre l’absence de contrôles par la France des flottes de pêche au thon

Dans une analyse inédite, nous révélons en effet aujourd’hui que l’État ne fait presque rien pour contrôler ses navires thoniers, dont le poids dans la pêche française est pourtant majeur. Notre analyse, qui porte sur des données récemment publiées — pour la première fois — par la France et portant sur les statistiques de contrôle des pêches, montre en effet que l’État n’a mis absolument aucun objectif concret de contrôle de ses pêches thonières en 2022 et 2023. Même si quelques contrôles ont pu être effectués — hors objectifs — dans les zones où ces navires sont actifs, les éléments en notre possession tendent à démontrer que ces contrôles ne concernent quasi-exclusivement que les navires étrangers, et que les thoniers français ne seraient contrôlés que de manière anecdotique, que ce soit en mer ou lors de leurs débarquements.

Cette absence de contrôle n’est pas une surprise, puisque c’est ce qui a motivé la Commission européenne à ouvrir une procédure d’infraction contre la France en 2021, à la suite d’un audit réalisé en 2018. Ce qui l’est plus, c’est que malgré la menace d’une poursuite à la Cour de justice de l’Union européenne, la France n’a toujours pas acté le moindre changement et continue de fermer les yeux sur les pratiques destructrices et la fraude en bande organisée de la pêche thonière.

Les conséquences de la complicité de l’État dans la conduite des pêches sont devenues très concrètes et dramatiques pour les écosystèmes marins, détruits, mais aussi pour les communautés littorales qui en dépendent. La France doit se ressaisir et enfin représenter l’intérêt général, et non les intérêts privés de quelques industriels.

INFO

Le thon est le poisson le plus consommé en France, avec près de 4 kg/habitant/an.[5] Il ne s’agit pas là de thon rouge (Thunnus thynnus), espèce emblématique de la Méditerranée, mais d’espèces tropicales : principalement la bonite (Katsuwonus pelamis) et le thon albacore (Thunnus albacares), mais aussi le thon obèse (Thunnus obesus), qui est capturé dans des proportions moindres par les mêmes navires.

La pêche thonière tropicale européenne se déroule majoritairement dans l’océan Indien, dans une moindre mesure dans l’océan Atlantique, et marginalement dans l’océan Pacifique. Les navires impliqués sont exclusivement français et espagnols et mesurent plus de 80m de longueur moyenne, et jusqu’à 116m. En France, trois entreprises sont regroupées au sein du syndicat Orthongel et possèdent 23 navires. En Espagne, le paysage est plus morcelé, avec deux syndicats — OPAGAC et ANABAC — regroupant une quinzaine d’entreprises de pêche possédant 27 navires. À ces navires, s’ajoutent a minima [6] 48 navires qui sont pavillonnés en dehors de l’UE mais qui sont sous capitaux très majoritairement espagnols (seuls trois sont sous capitaux français).