BLOOM : Révélations sur un scandale de santé publique

Nous pensions avoir d’ores et déjà dévoilé les principaux problèmes que pose la pêche thonière industrielle : violations de droits humains, méthodes de pêches destructrices de la vie marine aux centaines de milliers de prises “accessoires”, pratiques néocoloniales des flottes européennes… Le scandale de santé publique que nous avons découvert après dix-huit mois d’enquête minutieuse a dépassé nos pires cauchemars. Sur la base d’une étude inédite, nous révélons que la pêche au thon est à l’origine d’une contamination globale de nos corps depuis des décennies.

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Contamination au mercure : un scandale de santé publique

Ces derniers mois, nous avons fait analyser la teneur en mercure de près de 150 conserves de thon achetées aléatoirement dans cinq pays européens. Considéré par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme l’une des dix substances chimiques les plus préoccupantes pour la santé publique1, au même titre que l’amiante ou l’arsenic, ce neurotoxique présente des risques graves pour l’organisme humain, et notamment pour le développement cérébral des fœtus et des jeunes enfants2-7.

Les résultats de nos analyses sont effrayants : 100% des boîtes sont contaminées au mercure. Pis, plus d’une boîte de thon sur deux dépasse la limite maximale en mercure la plus stricte fixée pour d’autres poissons, soit 0,3 mg/kg. Certaines marques atteignant même des taux records de 1,5 mg/kg (As do mar, Italie), 2,5 mg/kg (Carrefour, Espagne) ou même 3,9 mg/kg (Petit Navire, France) !

Du poison dans le poisson

Comment expliquer que les taux de mercure présents dans le thon soient si élevés ? Le mercure, dont les émissions mondiales ont fortement augmenté depuis deux siècles du fait de la combustion de charbon ou encore des mines d’or artisanales, se retrouve en grande quantité dans l’océan. Il s’accumule au fil de la chaîne alimentaire marine sous sa forme la plus toxique, le méthylmercure. Les poissons prédateurs comme le thon, le requin ou l’espadon accumulent les métaux lourds de leurs proies et sont les espèces les plus contaminées au méthylmercure8. Désormais, une nouvelle espèce s’est positionnée au sommet de la chaîne alimentaire : l’être humain. Le méthylmercure des poissons pénètre dans notre organisme quand nous les consommons, et s’accumule en particulier dans notre cerveau, où ses effets sont l’objet de centaines de recherches scientifiques, en particulier pour les jeunes cerveaux en développement.

Un permis de contaminer

Le thon est le poisson préféré des Français·es : nous en consommons en moyenne 4,9 kilogrammes par personne et par an (en équivalent poids vif)9. L’intérêt général le plus élémentaire aurait donc voulu que le thon soit particulièrement surveillé pour éviter le risque, plus important qu’avec les autres poissons, de contamination au mercure. Or, c’est exactement l’inverse qui se produit !

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En enquêtant, nous avons découvert avec effroi que les lobbies de l’industrie thonière se sont infiltrés à toutes les étapes de la fabrication des normes sanitaires sur le mercure dans les produits de la mer et ont complètement distordu le cadre réglementaire en leur faveur : le thon bénéficie d’une limite en mercure spécifique, trois fois plus élevée (1 mg/kg) que celle allouée à d’autres poissons comme le cabillaud, l’anchois ou la sardine (0,3 mg/kg)10. Pis, les conserves de thon bénéficient d’une exception supplémentaire et peuvent avoir des teneurs en mercure deux à trois fois plus élevées encore en toute légalité. Autrement dit, pour préserver les profits de l’industrie thonière, les pouvoirs publics lui ont délivré une autorisation légale de nous contaminer !

D’après nos calculs, ces normes démesurées ont un impact clair sur nos vies :  aucune personne de moins de 70 kilos ne peut consommer ne serait-ce qu’une boîte de 100 g de thon limité à 1 mg/kg de mercure par semaine (la limite pour le thon frais, atteinte dans une conserve sur dix dans nos tests) sans s’exposer à un risque pour sa santé.