Après plusieurs décennies de combat contre le braconnage et le trafic des oiseaux, la LPO obtient la reconnaissance de la justice. Par un arrêt rendu le mardi 14 mai 2019, la Cour de cassation a en effet confirmé la condamnation de 11 braconniers d’ortolans, précédemment condamnés en première instance par le tribunal correctionnel de Dax le 13 avril 2017, puis par la Cour d’appel de Pau, il y a un an. Les audiences avaient eu lieu le 19 mars dernier.
Comme pour 11 autres chasseurs landais précédemment condamnés, et dont les pourvois en cassation avaient été rejetés le 16 octobre 2018, la Cour a de nouveau conclu au rejet des pourvois, et les condamne chacun à verser 500€ de dédommagement à la LPO. Elle confirme à nouveau que la « tolérance » qui avait servi de prétexte aux exactions des braconniers pendant des décennies n’a pas de fondement juridique. Nul n’est censé ignorer la loi. Les soutiens et complicités politiques dont ont bénéficié les braconniers pendant trop longtemps, et encore récemment, ne protègent pas les actes délictuels.
Bruant ortolan (Emberiza hortulana) piégé dans une matole – Crédit photo : Cabs
Malheureusement, les matoles(1) n’ont pas été rangées au placard : elles sont toujours autorisées par dérogation dans quatre départements du Sud-Ouest (Gironde, Landes, Lot-et-Garonne et Pyrénées-Atlantiques), officiellement pour piéger les alouettes. La LPO conteste cette pratique pour les raisons suivantes :
L’alouette des champs a perdu 30% de ses effectifs en 15 ans(2). 200 000 sont tuées au fusil chaque année, auxquelles s’ajoutent 110 000 par le piégeage. Traditionnellement, les alouettes étaient piégées avec des filets appelés pantes, il n’est donc même pas utile d’ajouter les matoles. Comme l’a rappelé l’IPBES dans les conclusions de son rapport dévoilé le lundi 6 mai dernier, les prélèvements non raisonnés (chasse et pêche notamment) sont la deuxième cause de l’effondrement de la biodiversité après la disparition et la dégradation des milieux.
Lors de leurs contrôles inopinés sur le terrain chaque année, les équipes de la LPO ont souvent constaté que les matoles étaient en fait utilisées pour capturer d’autres oiseaux, et en particulier des pinsons (pour la consommation personnelle ou la restauration comme pour l’ortolan), mais aussi des oiseaux chanteurs comme les linottes ou les chardonnerets. L’emplacement des pièges, la proximité des habitations, les appâts utilisés témoignent des réelles intentions des piégeurs. Trop souvent aussi, les militants de la LPO ont trouvé des oiseaux capturés qui étaient stressés, blessés, voire déjà morts dans les pièges.
Pour Allain Bougrain Dubourg, « les dérogations autorisant le piégeage des oiseaux sous prétexte de tradition sont la porte ouverte à tous les trafics : les pièges sont en vente libre et la police de la nature ne connait pas tous les sites de piégeages. Dès lors, comment l’Etat peut-il contrôler le respect des quotas et des espèces autorisées ? Il est plus que temps que ces pratiques cessent. La LPO a récemment porté plainte contre la France pour non-respect de la directive européenne Oiseaux. Il est temps d’en finir avec le piégeage non sélectif ».
Le réseau international Birdlife dont la LPO est la représentante en France estime qu’un demi-million d’oiseaux sont braconnés en France chaque année. Par conséquent, la LPO se réjouit de cette jurisprudence de la Cour de cassation qui, un an après les condamnations de la cour d’appel de Pau, clôt ce dossier sur l’ortolan. Une nouvelle bataille remportée par la LPO, qui compte bien obtenir la fin de tous les piégeages non sélectifs des oiseaux (glu, tendelles…) hélas toujours tolérés par la France.
(1) pièges traditionnels en grillage
(2) https://lejournal.cnrs.fr/