Comment les abeilles ont fait évoluer la couleur des fleurs

Une étude, publiée en décembre 2023 dans « Proceedings of the Royal Society », nous apprend que les abeilles et les oiseaux pollinisateurs ont, au cours de leur évolution, fait évoluer la couleur des fleurs pour que celles-ci soient conformes à leur système visuel.

Le parfum d’un champ fleuri, le battement des ailes d’un oiseau qui s’envole vers le ciel… Voilà qui émerveille facilement les personnes contemplatives. Si tel est votre cas, peut-être qu’il vous plaira d’apprendre qu’il existe un lien des plus surprenants entre la couleur des fleurs et les animaux pollinisateurs, selon les conclusions d’une étude parue le 20 décembre dernier dans Proceedings of the Royal Society et repérée vendredi 26 janvier par Phys.org.

Pour arriver à cette conclusion, des scientifiques se sont intéressés à l’environnement visuel dans lequel les ancêtres des abeilles qui peuplent aujourd’hui la Terre évoluaient.

Les chercheurs ont analysé la lumière réfléchie par les fleurs « modernes », mais également par les roches, la terre, les morceaux de bois, l’écorce ou encore les feuilles qui constituent leur milieu naturel. À partir de ces données, ils ont mis au point des simulations informatiques qui ont donné un aperçu de l’environnement lors de l’émergence des premières fleurs.

Les abeilles sont de prolifiques pollinisatrices de plantes à fleurs, notamment de cultures vivrières. Au quotidien, elles se servent de la vision qu’elles ont des couleurs (qui fonctionne grâce à des photorécepteurs sensibles aux ultraviolets, au bleu et au vert) pour choisir et écarter les fleurs, selon qu’elles leur semblent ou non gratifiantes.

En comparaison, la plupart des humains perçoivent les couleurs à l’aide de photorécepteurs sensibles au bleu, au vert et au rouge, soulignent les chercheurs.

C’est au cours de l’ère mésozoïque, il y a entre 252 et 66 millions d’années, que les premières fleurs sont apparues. Les ancêtres des abeilles, à cette époque-là, ont développé diverses aptitudes : savoir s’orienter, maintenir un vol stable, éviter les collisions ou encore trouver de la nourriture dans la nature. Au fur et à mesure de leur évolution, les systèmes visuels de ces pollinisateurs se seraient transformés pour fonctionner efficacement dans cet environnement.

Dans les conclusions de cette étude, il est écrit que lorsque les premières plantes à fleurs sont apparues, les ancêtres des abeilles avaient déjà développé une vision des couleurs. Cette capacité a été conservée tout au long de l’histoire évolutive de ces pollinisateurs.

Pour s’adapter au système visuel des ancêtres des abeilles, les couleurs des fleurs seraient donc devenues plus vives, comme celles que nous connaissons aujourd’hui.

Un processus de sélection naturelle

En raison de sa richesse géologique, l’Australie est une région idéale pour collecter des données sur les matériaux naturels que les premiers insectes auraient vus. Les experts ont recueilli un certain nombre d’échantillons à travers le pays et mesuré leurs propriétés réfléchissantes à l’aide d’un outil appelé spectrophotomètre. Ces informations leur ont permis de créer une base de données de matériaux présents dans l’environnement visuel des insectes volants il y a plus de 100 millions d’années, quand les premières fleurs sont apparues.

Les données recueillies, conformes aux résultats obtenus lors de précédents travaux, suggèrent que les plantes à fleurs apparues dans l’hémisphère nord et en Australie ont développé certains signaux de couleur pour faciliter la perception des coloris par les abeilles.

Ainsi, les toutes premières fleurs étaient probablement d’une teinte jaune verdâtre assez terne et pollinisées par des sortes de mouches. Lorsque les premières abeilles, dotées de leur système de vision optimisé, ont commencé à polliniser les fleurs, celles-ci ont probablement évolué vers de nouveaux tons pour correspondre à leurs capacités visuelles.

Par le biais de ce processus de sélection naturelle, les fleurs sont parvenues à se démarquer de leur environnement naturel aux yeux des pollinisateurs.

La menace du changement climatique

Les oiseaux ont aussi joué un rôle dans cette évolution des coloris. L’étude nous apprend que les couleurs des fleurs pollinisées par les oiseaux ont des longueurs d’onde plus importantes que celles qui le sont par des abeilles. Par ailleurs, les fleurs pollinisées par les oiseaux se différencient systématiquement, grâce à leur couleur, de leur milieu naturel.

Tandis que les effets du changement climatique se font de plus en plus prégnants, les chercheurs alertent sur la nécessité de réfléchir à ce qui pourrait arriver aux écosystèmes et à nos systèmes de production alimentaire dans un monde sans abeilles. Il est essentiel de comprendre comment la pollinisation et la reproduction des plantes peuvent être altérées.

Des recherches ont prouvé que les abeilles constituaient un moteur majeur de l’évolution florale. Protéger ces insectes et leur habitat s’impose donc comme une nécessité.

Source : GEO