L’IPBES, le Giec de la biodiversité, vient de publier deux rapports majeurs ces mardi 17 et mercredi 18 décembre. Le premier montre la nécessité de traiter les différents sujets ensemble – changement climatique, biodiversité, santé, eau et alimentation, pour une action efficace. Le second s’intéresse aux obstacles à l’action et appelle à un « changement transformateur » de nos points de vue, nos structures et nos pratiques.
Comment réaliser le changement « transformateur » nécessaire pour mettre fin à l’effondrement de la biodiversité ? C’est à cette question que répond le dernier rapport de l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, aussi appelé le « Giec de la biodiversité », publié ce mercredi 18 décembre. Un document qualifié d' »historique », préparé pendant trois ans par plus de 100 experts.
Après le rapport choc de 2019, qui répertoriait les principales causes de la perte de biodiversité – les changements d’usage des terres et de la mer ; l’exploitation directe de certains organismes ; le changement climatique ; la pollution et les espèces exotiques envahissantes – il s’agit cette fois d’aller un cran plus loin en identifiant les causes sous-jacentes à la perte de biodiversité et les obstacles à l’action.
Une action difficile mais urgente
Le rapport, adopté lundi 16 décembre à Windhoek, en Namibie, par les 147 gouvernements membres de l’IPBES, définit le changement transformateur comme des changements fondamentaux à trois niveaux : les points de vue – façons de penser, de savoir et de voir ; les structures – façons d’organiser, de réglementer et de gouverner ; et les pratiques – façons de faire, de se comporter et d’interagir.
Dans le détail, le rapport cite parmi les causes sous-jacentes de la perte de biodiversité « la déconnexion des personnes à la nature ; la concentration inéquitable du pouvoir et de la richesse ; et la priorisation des gains individuels et matériels de court-terme ». Ses auteurs appellent ainsi à agir sur cinq thématiques : les relations de domination sur la nature et les personnes ; les inégalités économiques et politiques ; les politiques inadéquates et les institutions inadaptées ; les modes de consommation et de production non durables, y compris les habitudes et les pratiques individuelles ; ainsi que l’accès limité aux technologies propres et aux systèmes de connaissance et d’innovation non coordonnés.
« Il est urgent d’opérer un changement transformateur pour un monde juste et durable, car la fenêtre d’opportunité se referme », a déclaré la professeure Karen O’Brien (Norvège/États-Unis), coprésidente de l’évaluation. « Agir de manière décisive maintenant pour changer les points de vue, les structures et les pratiques afin de s’attaquer aux causes sous-jacentes de la perte de la biodiversité sera extrêmement difficile, mais c’est urgent, nécessaire et possible », a également commenté Anne Larigauderie, Secrétaire exécutive de l’IPBES.
Synergie
L’IPBES avait publié la veille, mardi 17 décembre, un autre rapport majeur sur les interconnexions entre la biodiversité, l’eau, l’alimentation, la santé et le changement climatique, ce que les experts nomment le nexus. Ils appellent ainsi à sortir de l’approche en silo pour traiter ces sujets conjointement. « Nous devons faire en sorte que les décisions et les actions ne soient plus cloisonnées afin de mieux gérer, gouverner et améliorer l’impact des actions menées dans un élément du nexus sur d’autres éléments« , explique Paula Harrison (Royaume-Uni), coprésidente de l’évaluation.
Les 165 scientifiques qui ont planché sur le sujet pendant trois ans pointent les « efforts fragmentés » des gouvernements et autres parties prenantes, et les « nombreuses institutions travaillant de manière isolée ». Le rapport cite par exemple l’énergie éolienne en mer et les barrages, qui « peuvent avoir des effets négatifs sur d’autres éléments du nexus si elles ne sont pas mises en œuvre avec soin ». Ou encore l’agriculture intensive qui peut avoir des effets négatifs sur le climat, la pollution de l’eau et des sols ou la biodiversité. Certaines solutions climatiques peuvent aussi avoir un coût pour la biodiversité.
71 solutions
Celui-ci identifie 71 options déjà disponibles qui, prises ensemble, permettraient la réalisation des 17 Objectifs de développement durable (ODD), des 23 cibles de l’Accord de Kunming-Montréal et des objectifs de l’Accord de Paris. Parmi elles, on trouve la restauration des écosystèmes riches en carbone tels que les forêts, les sols, les mangroves ; les solutions urbaines basées sur la nature ; des régimes alimentaires sains et durables et moins carnés ; la promotion de l’agroécologie ou encore la réduction de la pollution liée aux pesticides ou au plastique.
Le rapport souligne enfin que les coûts des impacts négatifs de l’activité économique sur la biodiversité, l’eau, la santé et le changement climatique, y compris la production alimentaire atteignent entre 10 000 et 25 000 milliards de dollars par an au moins. Et précise que le fait de retarder les mesures nécessaires augmentera les coûts de leur mise en œuvre. Un retard dans la réalisation des objectifs en matière de biodiversité, par exemple, pourrait doubler les coûts – tout en augmentant la probabilité de pertes irremplaçables telles que les extinctions d’espèces. Une action retardée sur le changement climatique ajoute au moins 500 milliards de dollars par an de coûts supplémentaires pour atteindre les objectifs politiques. ■