Certaines fourmis peuvent aider les chercheurs à traquer des virus et comprendre comment ils circulent. Une équipe internationale de scientifiques vient d’en obtenir la preuve.
Utiliser des animaux comme sentinelle n’est pas nouveau. On connaissait le canari dans la mine, qui alertait autrefois sur la présence de gaz toxiques, ou encore le recours à certains coquillages comme les moules pour filtrer et surveiller certaines pollutions marines, mais ici l’expérience est totalement inédite, et ouvre des perspectives fascinantes. Car une équipe internationale impliquant des scientifiques français de plusieurs instituts de recherche, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), ont eu l’idée originale d’utiliser des fourmis légionnaires, comme agent de surveillance des virus dans les forêts tropicales.
Ces fourmis légionnaires de 1 cm de long, équipées de grosses mandibules, sont très voraces, elles mènent des sortes de raids collectifs pour se nourrir, raids durant lesquels une colonie de 500 000 fourmis peut dévorer 2 kg de nourriture qui se trouve sur son passage : plantes, autres insectes, restes de carcasses animales, etc. En faisant cela, elles peuvent aussi ingurgiter une très grande diversité de virus. Les chercheurs se sont donc dit qu’en analysant le contenu de leur système digestif, et de façon encore plus fine, en analysant tout le matériel génétique que transportent les fourmis, ils pourraient avoir une idée des virus végétaux et animaux, existant dans la forêt. Effectivement, l’idée était bonne.
Détecter des risques de transmission de maladies aux hommes
Les chercheurs ont effectivement retrouvé des virus dans le corps des fourmis. Ils ont précisément trouvé des séquences génétiques de virus. Rien que sur 209 fourmis analysées, 157 genres viraux différents ont pu être retrouvés. “Autant de virus sur une si petite quantité de fourmis qui se trouvent toutes au même endroit, c’est énorme, c’est une diversité incroyable” explique Philippe Roumagnac , virologue au Cirad, qui a mené ces travaux avec Eric Leroy, “Cela représente 6% de la totalité des genres viraux connus à ce jour au nouveau mondial” ajoute-t-il. Cela veut dire que les fourmis “ratissent” les virus de façon extrêmement large et efficace. Cette découverte est très prometteuse, car on pourrait imaginer qu’en mettant en place un système de collecte régulier de fourmis légionnaires dans différents endroits, on pourrait avoir une idée des virus qui circulent localement chez les plantes et les animaux. Cela permettrait peut-être de détecter leur présence et les risques éventuels de transmission de maladie aux populations humaines ou aux plantes.
Les chercheurs surveillent les virus dans des forêts tropicales parce que parmi les virus pathogènes qui ont été à l’origine d’épidémie chez l’homme, plus de 60 % sont d’origine animale et aussi parce qu’au cours des 50 dernières années, la quasi-totalité des maladies infectieuse graves qui ont émergé, provenaient à l’origine des forêts d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique.
Source : France Info