Une association en appelle au grand public pour financer l’acquisition de réserves où la faune et la flore évoluent en toute liberté. Avec de premiers résultats prometteurs.
D’abord, le silence. Puis, traversant les frondaisons, le cri rauque d’une grande aigrette, flèche blanche dans le ciel automnal. Devant nous, un plan d’eau bordé de saules et de peupliers scintille de reflets ambrés. Massée sur un îlot, une colonie de cormorans – une centaine au bas mot – bat des ailes en cadence dans le froid mordant. Des hérons cendrés montent la garde. Un martin-pêcheur prend son envol. Bienvenue dans la réserve de vie sauvage des Deux-Lacs, l’une des quatre déjà créées par l’Association pour la protection des animaux sauvages(Aspas). Sa démarche, unique en France : financer l’achat de terres pour les rendre à la nature, si nécessaire en faisant appel au grand public.
Ici, dans la petite commune de Châteauneuf-du-Rhône, à la limite de la Drôme et de l’Ardèche, elle est propriétaire, depuis l’été 2013, d’une zone humide de 60 hectares. Un ensemble de deux lacs – d’anciennes gravières remises en eau – planté de landes, d’aulnes, d’aubépines, de roseaux et d’arbustes propres aux milieux aquatiques. Un havre de tranquillité où, peu à peu, la nature reprend ses droits.
« Cinq ans, c’est encore trop court pour juger de l’évolution de la faune et de la flore. Mais ce qui me frappe, c’est de voir que, en quelques années seulement, les espèces d’oiseaux présentes se sont beaucoup diversifiées. C’est un très bon signe pour l’avenir », témoigne Béatrice Kremer-Cochet, naturaliste, qui fait découvrir le site. Entre le parc de Miribel-Jonage, près de Lyon, et la Camargue, les Deux-Lacs sont devenus une étape, parfois un refuge et une aire de nidification, pour de nombreux oiseaux migrateurs, aigrettes garzettes, guêpiers d’Europe ou hérons pourprés, qui côtoient sur ces rives, en toute quiétude, foulques macroules, grèbes huppés, sarcelles et bécassines.
Les animaux arpentant le sol prennent eux aussi leurs aises, comme le montrent les images dérobées par des caméras dissimulées dans les buissons. On y aperçoit chevreuils, renards, martes, blaireaux, ou encore des genettes, petits carnivores nocturnes. Mais la vedette des lieux est le castor d’Europe. Sur une berge du lac principal, un amoncellement de branches taillées en biseau, percé de conduits d’aération, révèle qu’une famille de rongeurs a construit ici sa hutte…
Suite de l’article de Pierre Le Hir dans Le Monde du 27/11
photo : La grande aigrette est l’une des quelque 180 espèces d’oiseaux observées dans la réserve des Deux lacs. REMI COLLANGE