Attaqué par les cerfs, le roi des forêts est à la peine en Suisse. Les prédateurs pourraient venir à son secours.
A l’heure où chacun s’apprête à décorer son sapin – probablement un sapin Nordmann ou un artificiel – les vrais sapins blancs de la forêt ont de grands soucis. L’abondante population d’ongulés sauvages, cerfs et autres chevreuils, est friande de leurs jeunes pousses, au point de menacer sérieusement leur relève naturelle. Mais, comme dans un conte de Noël, c’est le loup, autre roi de ces lieux, qui pourrait venir les sauver en chassant leurs ennemis. «Les prédateurs perturbent les grandes concentrations d’ongulés. L’arrivée du lynx et du loup met la pression sur ce gibier», souligne le Dr. Peter Brang, directeur de recherche à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL)
Situation préoccupante
Le rapport forestier 2015, publié conjointement par l’Office fédéral de l’environnement et WSL, met le doigt sur ce lancinant problème: «L’abroutissement des arbres par les ongulés sauvages est par endroits très préoccupant.» Le Dr. Peter Brang nuance toutefois: «L’impact sur les jeunes plants n’est pas immédiat, mais se fera sentir seulement quelques décennies après.»
Ce combat entre la faune et la flore est donc de longue haleine. S’il n’est pas réglé par les prédateurs, il sera arbitré par l’homme: «Encourager la chasse est une mesure importante, relève le Dr. Peter Brang. Une autre est l’amélioration de l’habitat des ongulés, par des interventions en forêt, des coupes pour que la végétation au sol pousse mieux et par un zonage dit de tranquillité.»
Si le chercheur estime que le cerf et ses cousins constituent la principale menace sur l’avenir du sapin blanc, les changements climatiques devraient modifier l’ensemble de la forêt: «On remarque déjà quelques impacts: la mortalité du pin dans le Valais, sur les stations déjà très sèches, ainsi que des attaques intensifiées de bostryches dans le cas de l’épicéa, l’essence la plus importante de la forêt suisse.» Pour les spécialistes de la forêt, les changements climatiques vont très probablement, d’ici 50 à 150 ans, changer les peuplements. Peu à peu les feuillus vont prendre le dessus sur les résineux. C’est déjà le cas depuis quelques années.
Essences à diversifier
Dans cette perspective, «l’avenir du sapin n’est pas clair», observe-t-il. Faudra-t-il le sauver? «Les forestiers essayent de diversifier les essences dans les peuplements, répond-il, pour avoir une «assurance» si une essence dépérit. Normalement, on fait recours au rajeunissement naturel qui est gratuit, et souvent divers en essences. On prend des risques considérables si on se concentre sur une essence seule comme le sapin.»
Oui, mais les autres, selon la chanson, dépouillés de leurs attraits, perdent leur parure… et n’offrent ni bonbons, ni joujoux.
(Le Matin)